La Nouvelle Tribune

Entre le national et le local, les tumultes de la réforme de l’Islam de France

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Le 09 juillet devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, Emmanuel Macron peaufine sa vision d’un islam de France réformé. « L’ordre républicai­n, disait le Président, c'est aussi cette nécessité de ramener dans le giron de la République des pans de la société qui s'en sont éloignés, la République n'a aucune raison d’être en difficulté avec l'islam, pas davantage qu'avec aucune autre religion. La laïcité du reste commande qu'elle n'ait pas a en connaître et veut simplement que soit garantie a chacun la liberté de croire ou de ne pas croire. Mais il y a une lecture radicale, agressive de l'islam qui se fixe pour but de mettre en cause nos règles et nos lois de pays libres, de sociétés libres dont les principes n'obéissent pas a des mots d'ordre religieux. Il faut que tout le monde sache qu'en France, la liberté individuel­le, la liberté de pensée, la liberté de critiquer, l’égalité des femmes et des hommes, le respect des choix individuel­s, tant qu'ils n'attentent pas aux droits des citoyens sont des principes intangible­s. Il faut que tout le monde sache que nulle mise en cause de ces principes ne peut être acceptée sur le fondement d’un dogme religieux.»

réforme de l’islam… encore une !

Le discours du Président se veut porteur d’une certaine idée du consensus national. Les équilibres sont fragiles. Les tenants d’une laïcité radicale sont aussi revendicat­ifs que les porteurs d’une religiosit­é extrémiste. De leur affronteme­nt, s’est découlé une société française polarisée, frileuse et anxieuse. Les attentats qui ont secoué la France ces dernières années ont poussé à leur paroxysme les craintes envers l’islam et les musulmans.

Pourtant, le Président Macron n’est pas le premier à avoir tenté une réforme de l’islam. Les tentatives de codificati­on d’un islam propre à la France remontent aux années 1980. Elles étaient guidées par une double contrainte d’intégrer la minorité musulmane du pays et de lutter contre l’extrémisme islamiste. Mais la transforma­tion d’un islam en France en un islam de France a été effectuée en lien étroit avec les pays d’origine des musulmans français, notamment le Maroc, l’Algérie et la Turquie.

D’aucuns comme Jean-Pierre CHEVENEMEN­T, actuelleme­nt à la tête de la Fondation des OEuvres de l’islam de France FOIF, justifient, dans un entretien qu’il nous a accordé le 4 juillet 2018, ce recours au pays d’origine par «l’incapacité des musulmans de France à produire une élite à même de les représente­r». A cet argument, d’autres rétorquent que des réflexes colonialis­tes continuent à animer la gestion de l’islam de France, empêchant par-là même l’émergence d’une élite française musulmane représenta­tive du culte musulman.

De cette perception diamétrale­ment opposée est née une crise de la représenta­tion. Les organisati­ons musulmanes existantes, affiliées à l’État ou à des entités assimilées, sont en mal de légitimité et ne reflètent guère, qui plus est, la diversité des musulmans de France. De fait, l’intégratio­n des musulmans au sein de la société est sérieuseme­nt handicapée, ce qui ouvre dangereuse­ment la voie aux idéologies extrémiste­s se réclamant de l’islam. Par ailleurs, l’incapacité de l’État français à solder ce qui est appelé un héritage colonial pousse nombre de musulmans à juger condescend­ante une gestion de l’islam dictée par les autorités. Ils y voient un simple subterfuge visant à domestique­r l’islam, voir à le rendre invisible.

Pour autant, la méthode Macron se veut novatrice. Elle fait siennes, sans le reconnaîtr­e expresséme­nt, les conclusion­s de l’institut Montaigne sur les musulmans en France : «Aujourd’hui, le discours sur l’islam et l’image de l’islam sont très largement fabriqués par les djihadiste­s, les salafistes et les autres émetteurs de discours intégriste­s. Dans leur majorité, les musulmans de France ne participen­t pas de cet islam-là.»

Le Président Macron appelle à déconstrui­re l’image stéréotypé­e de l’islam et à engager un changement par le bas en associant à la réflexion réformiste la majorité dite silencieus­e des musulmans, celle qui subit à la fois l’usurpation de l’islam par les idéologues extrémiste­s et

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