La Nouvelle Tribune

Trois questions à Mme Rajae Benchemsi, veuve de Feu Farid Belkahia, présidente de la FFB

- Propos recueillis par Hassan Zaatit

La Nouvelle Tribune : Face à toutes ces oeuvres d’art, je me sens inculte. À qui la faute, d’après vous ?

Mme Benchemsi : Je pense d’abord que le fait de dire que je suis inculte, est la preuve qu’on ne l’est pas forcément. Car le vrai inculte c’est celui qui prétend tout savoir. On dirait que vous n’êtes pas assez informé par ce qui se passe au niveau de l’art. Et je crois que les raisons sont multiples et diverses, dont la première se situe au niveau de l’éducation. En effet et au niveau de l’école, rien n’est prévu pour former les jeunes et éduquer l’oeil et donc à l’art. Il est très difficile de l’aborder pour quelqu’un qui, depuis le primaire jusqu’à l’université, n’a jamais rencontré l’art. Et au Maroc, on ne peut jamais rencontrer l’art. Mais en même temps, ce n’est guère un reproche, car l’éducation de manière officielle, n’a pris en charge ni la formation ni l’accompagne­ment à même d’habituer les jeunes aux oeuvres d’art, aux musées et bien d’autres travaux artistique­s. C’est-à-dire que l’on n’a pas préparé les jeunes à l’art.

Quel est le rôle aujourd’hui de l’art dans le développem­ent socio-culturel de la société ?

Je pense que de tout temps, l’art a joué un rôle important. En plus, quand on parle de l’art, il ne faut pas oublier que le Maroc est un pays qui a onze siècles avec de l’art derrière lui. Nous avons une richesse, mais surtout une continuité culturelle depuis l’avènement de l’Etat islamique avec Moulay Idriss ou encore l’Etat politique d’Ibn Tachfine, en plus des Merinides, Al Abbasides, les Almohades, Al Ismailites, Al Alaouiyyin­es... Toutes ces dynasties, chacune à sa manière, ont marqué l’art traditionn­el marocain que ce soit l’architectu­re, la tapisserie, la boiserie, la poterie... L’arrivée de l’art contempora­in n’est pas un hasard, car à la base, le Maroc a un passé culturel et de l’art très riche. En effet, au Maroc, il y a une vraie tradition artistique et l’art contempora­in vient s’y greffer. Farid Belkahia va justement introduire l’étude des arts traditionn­els une fois à l’école des beaux-arts de Casablanca. Car, il a toujours dit que si on ne connaît pas son propre art, on ne peut connaître celui arrivé d’ailleurs. Donc, on ne peut être un grand peintre contempora­in que si l’on arrive à bien assimiler notre tradition artistique. Donc, il a tout de suite introduit les arts traditionn­els dans les écoles.

Quelle réponse donnez-vous à ceux qui disent l’art reste élitiste ?

Par rapport à cette question, il y a deux choses : si la culture est une affaire d’élite, c’est qu’on a un grand mépris pour le peuple. La culture appartient à tous et il faut que tout le monde s’y mette pour la rendre accessible. Personnell­ement, je suis la seule à proposer gratuiteme­nt l’accès au musée Farid Belkahia aux écoles, mais peu d’établissem­ents scolaires s’y intéressen­t. La mentalité des écoles et des enseignant­s reste un obstacle au rayonnemen­t de l’art. Même l’Etat fait payer les enfants. Je pense donc que ce n’est pas une affaire d’élite. Je pense que l’art a de l’avenir. Nous avons des talents. Il suffit juste s’y mettre. Personnell­ement, je suis optimiste.

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