Migrants clandestins, les nouvelles lignes rouges…
Le 23 août 2018, trois cents migrants d’origine subsaharienne prennent d’assaut la clôture grillagée de l’enclave de Sebta. 180 d’entre eux parviennent à entrer dans la ville. Mais l’opération s’accompagne de violences envers les forces de l’ordre marocaines et espagnoles, victimes notamment de jets d’acide.
Bilan, 7 policiers de la Guardia Civil blessés, une quinzaine du côté marocain également, tous victimes de blessures et brûlures au visage.
Dès le lendemain, on apprend que ces migrants ont été remis aux autorités marocaines, lesquelles annoncent qu’ils seront expulsés vers leurs pays d’origine.
Cette décision, une première du genre apparemment, est justifiée par un accord hispano-marocain de 1992 permettant la réadmission de migrants entrés clandestinement en Espagne à partir du territoire marocain.
Le 21 octobre 2018, cette foisci c’est l’enclave de Mélilla, proche de Nador, qui est l’objet d’un assaut massif de plus de 300 migrants.
180 d’entre eux parviennent à y pénétrer, tandis que 141 échouent dans leur tentative et sont interpellés par les autorités marocaines.
Une fois encore la violence est utilisée pour ce passage en force et l’on déplore une quinzaine de blessés chez les militaires des FAR et des Forces auxiliaires et sept du côté espagnol.
Tandis que le Ministère de l’Intérieur marocain annonce que les 141 migrants seront expulsés vers leurs pays d’origine, l’Espagne confirme que 55 des 180 subsahariens qui avaient réussi l’assaut, ont été remis aux autorités marocaines, et contre lesquels des procédures d’expulsions du Royaume vont être engagées.
TOLÉRANCE ZÉRO !
On comprend désormais, à travers l’évocation de ces informations, qu’une nouvelle politique maroco-espagnole envers les migrants clandestins est en cours d’application, nonobstant les protestations plutôt vives d’ONG locales ou hispaniques, qui dénoncent ces procédures accélérées et les conditions d’expulsion. Des deux côtés de la frontière, en effet, les autorités veulent radicalement dissuader tous les candidats au «h’rig» à passer par les enclaves.
Parce que les assauts sont de plus en plus massifs et violents, parce qu’il y a déjà eu mort d’hommes, mais surtout parce que les autres «routes», (Libye, Balkans) sont désormais quasiment fermées, Madrid et Rabat veulent empêcher que se dégage une nouvelle alternative pour tous ceux qui rêvent de l’Eldorado européen et qui se pressent aux abords des enclaves de Sebta et Melilla.
Des signaux très forts sont donc émis en direction des candidats, notamment celui énonce que tout acte de violence et toute tentative de franchissement illégal de la frontière exposeront désormais leurs auteurs à l’expulsion vers le pays «émetteur», alors qu’il s’avère également que le gouvernement marocain a plus ou moins réussi à engager nombre d’ambassades subsahariennes à coopérer pour l’identification et le rapatriement des «harragas» interpellés. Par ailleurs, après le dramatique épisode de la mort d’une jeune candidate tétouanaise à bord d’un go fast, victime de tirs de la Marine Royale, la solution des pateras est également devenue très risquée, notamment parce que les officiels marocains et espagnols ont fini par comprendre que ces transferts illégaux par voie maritime servaient en réalité de couverture aux trafiquants de drogue installés de part et d’autre du Détroit. On a donc assisté, ces dernières semaines, à des opérations de démantèlement de plusieurs réseaux mafieux de passeurs, à la saisie de nombre d’embarcations, alors que la vigilance le long des côtes marocaines et dans nos eaux territoriales a été renforcée. Ainsi, tandis que la Commission européenne promet enfin d’allouer des crédits spécifiquement dédiés à la lutte contre l’immigration clandestine, en prévoyant d’octroyer une centaine de millions d’euros pour assister le Maroc dans ses efforts, une prise de conscience de l’envolée exponentielle des passages clandestins est aujourd’hui également partagée par les gouvernements des deux rives du Détroit.
LA MANO EN LA MANO
M. Pedro Sanchez, Chef de l’Exécutif espagnol, a ainsi mis en sourdine ses promesses de démantèlement des grillages autour de Sebta et Mélilla, tandis que la coopération entre les responsables de la sécurité publique de deux pays apparaît comme probante et efficace.
Il est vrai que pour les autorités du Maroc et d’Espagne les chiffres des tentatives de franchissement des frontières sont de plus en plus préoccupants. Tandis que le gouvernement marocain annonçait la mise en échec de 54 000 tentatives en 2017, l’Organisation Internationale des Migrations spécifiait que depuis janvier 2018, 47 000 migrants étaient entrés clandestinement en Espagne dont 5000 par voie terrestre. Enfin, selon les autorités allemandes, les réseaux mafieux qui sévissent entre le Nord du Maroc et le Sud de l’Espagne ont la capacité d’organiser chaque mois le passage de 6000 clandestins !
Dans un tel contexte, alors que Rabat proclame à l’envi que le Royaume ne remplira pas un rôle de garde-chiourme pour satisfaire les desiderata populistes et xénophobes de certaines capitales européennes, on perçoit que Rabat et Madrid ont néanmoins enclenché une politique plus dure et plus soutenue afin de fermer «la route du Détroit» aux clandestins, qu’ils soient marocains ou subsahariens. Expulsions systématiques quand les passages sont effectués avec violence, éloignement musclé vers le Sud du Maroc des candidats qui, regroupés dans le Nord, à Tanger notamment, attendent le moment idoine pour embarquer ou franchir les grillages, voilà la nouvelle donne, sachant que pour des dizaines de milliers de Subsahariens déjà présent dans notre pays, plusieurs opérations de légalisation de leur séjour ont été menée à bien ces derniers mois et années. Éviter de créer un appel d’air, tel est, apparemment, la préoccupation maroco-espagnole de l’heure en matière de «h’rig» !