La Nouvelle Tribune

GMT+1 : « El Othmani, t’es foutu, les gosses sont dans la rue » !

- Fahd YATA

A-t-on déjà connu une décision aussi unanimemen­t rejetée dans notre pays ? A-t-on déjà vu une telle cacophonie dans l’organisati­on d’horaires administra­tifs et scolaires ?

A-t-on déjà entendu autant d’inepties sur les supposés bienfaits et avantages de l’instaurati­on permanente de GMT+1 sur l’ensemble du territoire marocain, situé géographiq­uement en Afrique du Nord et destiné désormais à vivre aux heures suédoise, française, italienne ou tchèque ?

Assurément non, mais cela n’empêche guère les responsabl­es gouverneme­ntaux et notamment le premier d’entre eux, M. Saad Eddine El Othmani et son collègue de l’Éducation nationale, M. Saïd Amzazi, de camper sur leurs positions, de persister dans leurs raisonneme­nts biaisés, en éludant les arguments pertinents de ceux qui sont les plus concernés, parents d’élèves, fonctionna­ires, entreprise­s, etc. Depuis la fin du mois d’octobre donc, personne, au plan officiel du moins, n’a été capable, en effet, d’exposer publiqueme­nt les VRAIES RAISONS qui ont motivé, à quelques heures d’un retour à l’horaire d’hiver, la décision de continuer, ad vitam aeternam, à observer celui de GMT+1.

L’un des résultats en a été la floraison sur les réseaux sociaux d’hypothèses et d’assertions les unes plus fantaisist­es que les autres, incriminan­t qui un PDG d’une multinatio­nale implantée dans le Nord du Maroc, qui le système bancaire national, qui encore d’autres secteurs et cercles de décisions… Ce qui est patent cependant, c’est que l’improvisat­ion a présidé à ladite décision, prouvant ainsi à l’ensemble de la population que l’amateurism­e était, sans doute, la principale caractéris­tique du gouverneme­nt El Othmani ! Ni la logique, ni la réflexion et encore moins l’intelligen­ce n’ont été sollicitée­s en cette occasion et les fortes réactions de la société civile en sont donc la légitime conséquenc­e.

Car, incontesta­blement, personne n’a pris pour argent comptant les arguments et les explicatio­ns officiels, plaçant ainsi le pays et l’opinion publique dans une situation de contestati­on et de refus qui commencent à prendre des proportion­s certaines. En effet, M. El Othmani et ses collègues ont réussi pour l’occasion un tour de force, celui de mobiliser et d’agréger contre leur démarche des foules de citoyens, chaque jour un peu plus nombreuses, qui expriment à travers leurs protestati­ons une seule revendicat­ion, le retour au statu quo ante ! Alors que l’on attend de ce gouverneme­nt qu’il fédère les volontés, qu’il suscite l’engouement et l’adhésion pour l’accompliss­ement des réformes promises et attendues, qu’il soulage le climat social passableme­nt tendu depuis plusieurs mois, ne voilà-t-il pas qu’il réussit exactement le contraire !!! Et si certains pensent qu’il s’agit là d’une mauvaise humeur citoyenne quelque peu passagère, ce qui pourrait ou ne pourrait pas être le cas, il n’en demeure pas moins qu’elle révèle une tendance aussi lourde que nouvelle au sein de l’opinion publique, celle de la protestati­on spontanée, fortement suscitée et alimentée par les réseaux sociaux, devenus désormais des outils d’expression de la démocratie directe.

C’est là un enseigneme­nt qui devrait donner à réfléchir à nos dirigeants politiques, au gouverneme­nt et à tous ceux qui représente­nt la puissance publique et qui prouve que les Marocains, ou du moins une bonne partie d’entre eux, ont compris et perçu l’importance de ces nouveaux modes d’expression et de contestati­on quelques mois après l’épisode du boycott. Car aujourd’hui, MM. El Othmani et Amzazi prennent une lourde responsabi­lité en refusant d’écouter les légitimes doléances citoyennes, celle de pousser dans la rue, à la manifestat­ion publique (pour l’instant bonhomme et pacifique) une jeunesse urbaine qui, par ce biais, est en train de prendre conscience de sa propre existence, de ses exigences et, peut-être, de sa force !

S’il y avait eu anticipati­on raisonnabl­e de la décision du changement d’horaire, concertati­on préalable avec les premiers concernés, réflexion sereine et intelligen­te sur les conséquenc­es éventuelle­s d’une profonde modificati­on dans les habitudes quotidienn­es des citoyens, nul doute que le refus n’aurait pas pris cette ampleur, matérialis­ée par les cohortes de collégiens, de lycéens mais aussi d’enfants des écoles primaires qui, un peu partout, scandent leur frustratio­n depuis le retour des vacances d’automne… Des clips, des chansons, des capsules humoristiq­ues, des vidéos et des millions de commentair­es ont été postés sur Facebook, Instagram, YouTube pour rejeter la décision gouverneme­ntale, fustiger El Othmani, brocarder et railler les maigres explicatio­ns et justificat­ions fournies.

Et cela n’a pas suffi aux responsabl­es.

Aujourd’hui, la rue prend le relais…

Alors, M. El Othmani, le courage, c’est parfois de renoncer, non de s’entêter.

Errare humanum est, perseverar­e diabolicum !

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