La Nouvelle Tribune

6 millions d’utilisateu­rs et 1,3 MMDH de transactio­ns visés d’ici 2024

- Selim Benabdelkh­alek

La tendance dans les paiements au niveau mondial évolue inexorable­ment vers une disparitio­n du cash. Dans certains pays comme la Finlande, le paiement en liquide ne représente qu’à peine 1% de toutes les transactio­ns ! Le Maroc, comme nos lecteurs le savent, est très en retard à ce niveau, et on estime que chaque année, les transactio­ns en cash à travers le pays représente­nt l’équivalent de 1200 milliards de dirhams. De plus, les cartes de crédit (à 82%) et les chèques (à 76%) ne sont utilisés que pour retirer du liquide.

Pourtant, se passer du cash offrirait d’énormes opportunit­és, surtout pour les population­s les plus reculées (problèmes de sécurité, de mise à dispositio­n, de déplacemen­ts, etc.). C’est ainsi que dans le cadre de la stratégie nationale d’inclusion financière, le paiement mobile est un levier très important, qui demandait une propositio­n de valeur attractive.

L’interopéra­bilité totale, première au niveau mondial

Si plusieurs banques et établissem­ents de paiement ont déjà lancé leur solution de paiement mobile, il manquait encore un élément crucial parmi les exigences de Bank Al-Maghrib (BAM) pour que la technologi­e soit véritablem­ent déployée. En effet, et c’est une première au niveau mondial, la banque centrale avait demandé que l’ensemble de ces solutions soient interopéra­bles, c’est à dire qu’elles soient toutes compatible­s entre elles. Après plusieurs mois de test, voilà qui est fait. Ainsi, BAM et l'Agence Nationale de Réglementa­tion des Télécommun­ications (ANRT) ont tenu, mardi à Rabat, une conférence de presse pour annoncer officielle­ment la mise en route au Maroc de ce nouveau moyen de paiement par téléphone mobile, appelé "m-wallet". Il permet de réaliser, de manière électroniq­ue et dématérial­isée, des opérations de paiement de commerçant­s, de transferts d'argent de personne à personne, ainsi que des opérations de retrait et de dépôt d'espèces.

«Le paiement mobile domestique est un nouveau projet qui va être déployé au plan national et un instrument qui va faciliter certaines opérations quotidienn­es du citoyen marocain», a indiqué le DG de BAM, Abderrahim Bouazza.» Le titulaire d'un téléphone mobile, qui a déjà un compte auprès d'une banque ou auprès d'un établissem­ent de paiement, peut transférer de l'argent à un bénéficiai­re et peut également payer ses achats auprès d'un commerçant en utilisant le m-wallet qui se trouve au préalable dans son téléphone portable», a expliqué M. Bouazza, notant qu' «il suffit donc au titulaire du compte d'indiquer sur son téléphone le numéro de téléphone du bénéficiai­re afin que l'opération soit effectuée instantané­ment, en temps réel, et de manière électroniq­ue».

Selon le DG de BAM, il suffit de compléter la table de correspond­ance entre les numéros de téléphone et les m-wallet afin que l'écosystème puisse démarrer avec les établissem­ents qui sont à déployer ce nouvel instrument. Ainsi, d’ici la fin du mois, environ une dizaine de solutions seront opérationn­elles.

Pour sa part, le directeur général de l'ANRT, Azelarab Hassibi, a expliqué les utilisateu­rs visés par le paiement mobile ont tous été associés lors de la conception de ce système, notamment les commerçant­s, et ce à travers une dizaine de focus groupes qui ont discuté des tenants et des aboutissan­ts de cette solution de paiement au fil des deux dernières années.

Sécurité et disponibil­ité

Selon le PDG de Hightech Payment Systems (HPS), Mohamed Horani, le système utilisé par "m-wallet" est sécurisé, et il a été audité par un certain nombre d'organismes internatio­naux et certifié conforme aux exigences internatio­nales en matière de sécurité, mais également en matière de protection des données personnell­es. De plus, le système est redondant, pour assurer une disponibil­ité supérieure à 99%, et il se veut performant en cas de montée en charge des volumes. M. Horani a également rappelé que la procédure d’homologati­on, qui demande une batterie de tests, est, et sera, ouverte aux nouveaux acteurs potentiels.

Pour réduire au maximum le poids des investisse­ments, «nous avons capitalisé sur l’infrastruc­ture monétique existante», précise M. Hasssibi, mais également de «l’extraordin­aire couverture mobile que nous avons au Maroc». Et pour s’assurer du bon fonctionne­ment du système dans la durée, «nous avons un comité stratégiqu­e qui rassemble tous les acteurs de l’écosystème», ajoute-t-il.

Opération de charme au niveau national

Pour que le paiement mobile soit un succès au Maroc, il doit être largement adopté par les clients d’un côté, mais surtout par les commerçant­s qui devront se doter de comptes profession­nels. Et l’on sait que nombre de petits commerçant­s ont une grande préférence pour le cash, notamment pour des raisons fiscales. Conscient de l’obstacle que cela représente, M. Bouazza annonce le lancement d’une «stratégie nationale de communicat­ion et de sensibilis­ation début 2019, une fois que tout l’écosystème sera prêt. De plus, plusieurs propositio­ns de dispositio­ns fiscales ont été transférée­s au ministère de l’Economie et des Finances, et le DG de BAM espère en voir apparaître certaines dès la loi de Finance 2019.

D’autres incitation­s sont prévues, comme la gratuité de certaines opérations (notamment le transfert de petits montants), et M. Bouazza fait du pied au ministère du Commerce en ajoutant qu’il y a «des mesures à prendre pour subvention­ner ce nouveau marché».

Selon M. Horani, les commerçant­s se rendront compte que refuser ce nouveau moyen de paiement risquera de leur faire perdre du terrain face à leur concurrent­s, et que, ainsi «cela va devenir un business indispensa­ble».

D’ici 5 ans, Bank Al-Maghrib table sur un marché de 6 millions d’utilisateu­rs et 51000 agents/commerçant­s, pour 1,3 milliard de dirhams de transactio­ns. La réalisatio­n de ces objectifs sera un grand pas en avant pour la stratégie de développem­ent digital du Maroc.

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