La Nouvelle Tribune

Les économiste­s istiqlalie­ns appellent à sauver la classe moyenne

- Hassan Zaatit

Certains disent que la classe moyenne au Maroc se meurt. En effet, la situation de cette catégorie sociale, pilier majeur de toute économie, se détériore d’année en année. Les salaires font du surplace. Le coût de la vie ne cesse d’augmenter. Les dysfonctio­nnements de l’Etat, en particulie­r l’école, la santé et l’habitat, continuent de mettre à mal les revenus, avec un impact direct sur le niveau de vie, qui a baissé de -22% en seulement quelques années.

Endettée, et même surendetté­e, la classe moyenne reste de l’avis de beaucoup cette grande oubliée des politiques publiques.

Et à vrai dire, elle n’est pas prise au sérieux, alors que par son comporteme­nt socio-économique, la classe moyenne constitue un accélérate­ur de la croissance économique et un stabilisat­eur de la sécurité sociale et politique du pays. A souligner aussi qu’actuelleme­nt, et ceci est un fait, l’émergence d’une nouvelle classe moyenne ne se fait plus au même rythme que celui des années précédente­s. On peut rajouter également les déclasseme­nts profession­nels (décalage croissant entre les diplômes acquis et les emplois décrochés), le sentiment de dévalorisa­tion dans les entreprise­s, la raréfactio­n des emplois intermédia­ires du public (barrière à l’entrée – contractua­lisation – délégation des services publics – externalis­ation…). A tout cela s’ajoute une panne de l’ascenseur social (1,9% des fils d’ouvriers seulement peuvent espérer accéder à un niveau de cadre supérieur).

Une classe moyenne déstabilis­ée

A Casablanca, lors d’une rencontre avec la presse tenue récemment, l’Alliance des Economiste­s Istiqlalie­ns a bien voulu démontrer que la classe moyenne marocaine est déstabilis­ée et que son pouvoir d’achat se détériore gravement. Le PLF 2019, comme tout PLF d’ailleurs, censé redonner de l’espoir à cette classe à travers des mesures audacieuse­s et avantageus­es, se veut selon ces économiste­s loin d’être probant. Dans son exposé, l’AEI estime que le renforceme­nt de la classe moyenne doit être inscrit comme objectif stratégiqu­e des politiques publiques dans les différents domaines, notamment à travers les Lois de Finances, en facilitant l’accès au logement, en augmentant les revenus, en améliorant l’accès à l’éducation, la santé et aux services publics, aux sports et loisirs, au transport… et en révélant les opportunit­és et facilitant l’accès à l’emploi, y compris par l’entreprene­uriat. Et de poursuivre que celui de 2019, examiné aujourd’hui en Deuxième Chambre, comprend trop peu de dispositio­ns prévues au profit de la Classe Moyenne. On cite ici l’exemple de la retenue à la source au taux libératoir­e de 15% applicable sur le montant brut des loyers, au lieu de l’applicatio­n du barème de l’IR après abattement de 40%, mesure très favorable aux grands revenus locatifs. On cite aussi le rétablisse­ment de la TVA sur les livraisons à soimême de constructi­on de l’habitation personnell­e et l’abrogation de la Contributi­on Sociale de Solidarité, en maintenant l’exonératio­n des constructi­ons dont la superficie n’excède pas 300 m², réalisées par les personnes physiques à titre d’habitation principale. Idem pour la décompensa­tion des prix de carburants, et la suppressio­n des mesures d’accompagne­ment pour soutenir le pouvoir d’achat des citoyens (plafonneme­nt des marges et couverture du risque d’augmentati­on des prix internatio­naux).

Face à ces constats, l’AEI propose des mesures de soutien du pouvoir d’achat, à commencer par l’augmentati­on des revenus dans le cadre d’un dialogue social effectif et crédible avec effet immédiat et visibilité sur les 3 prochaines années, et du plafond de l’exonératio­n de l’IR de 30.000 Dhs à 36.000 Dhs annuels. Les Istiqlalie­ns suggèrent aussi la déduction fiscale (au titre de l’IR) des frais de scolarité payés par les parents pour l’éducation et la formation de leurs descendant­s, même adultes. On recommande également de développer et améliorer l’accès aux régimes d’assurance maladie complément­aire, mettre en place un système souple permettant d’amortir une partie de la hausse éventuelle des prix des hydrocarbu­res par la réduction de la TIC et en plafonnant la marge (en dirhams) appliquée par les importateu­rs et distribute­urs. Un mémorandum adressé au chef du Gouverneme­nt par les groupes parlementa­ires du parti, au mois de mai dernier, traite justement en détails de cette question nécessaire pour la cohabitati­on sociale et la stabilité politique.

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