Les exportations soutiennent le Maroc face à ses défis
6ème édition de l’Observatoire International du Commerce d’Euler Hermes
Euler Hermes, leader mondial de l’assurance-crédit, est également depuis 25 ans le premier assureur au Maroc comptant un peu plus de 500 entreprises assurées. Depuis maintenant 6 ans, la société organise, en partenariat avec BMCE BOA et Allianz Maroc, et la collaboration d’institutionnels comme la CGEM ou la CFCIM, l’Observatoire International du Commerce. Cet événement a pour objectif d’offrir une vue d’ensemble de l’économie mondiale et de ses perspectives, mais aussi de traiter d’un sujet plus spécifique à l’économie marocaine.
Les délais de paiement au coeur du débat
Pour cette édition 2018, le thème choisi était « Quels modèles pour améliorer les délais de paiement au Maroc : Benchmark des meilleures pratiques à l’international ». Le sujet est particulièrement d’actualité au sein du milieu économique marocain, notamment avec la création cette année de l’Observatoire des délais de paiement par le MEF.
Organisée en deux temps, la conférence a tout d’abord consisté en une séance d’analyse sur les perspectives économiques internationales pour 2019, présentée par M. Stéphane Colliac, Economiste Senior chez Euler Hermes, lors de laquelle il a notamment dressé un tableau des tensions commerciales croissances face aux politiques protectionnistes, et des conséquences d’une éventuelle guerre commerciale sur la croissance mondiale. Ensuite, elle a réuni un panel d’experts nationaux et internationaux autour de la question du jour.
Concernant la situation économique marocaine, l’assureurcrédit est relativement confiant, mais note quand même tout un ensemble de mauvais points, pouvant nuire au développement du pays. Au niveau des motifs de satisfaction, l’export arrive largement en tête. En effet, voilà deux ans que les exportations croissent de 20 MMDH par année, et le trend devrait se confirmer en 2019. Elles sont tirées par l’industrie (automobile et aéronautique), la chimie et l’agro-alimentaire, tandis que le textile est en peine. D’ici 2030, Euler Hermès anticipe une croissance de plus de 50 milliards de $, la 5ème en Afrique et la 1ère au nord du continent. Elle devrait tirer profit de la zone de libreéchange africaine, mais pourrait pâtir des politiques protectionnistes de certains de nos partenaires (Algérie et Egypte).
Le chaud et le froid
Si la flexibilisation du dirham n’a pas mené aux fluctuations craintes par une partie du milieu des affaires, la grande stabilité du cours de notre devise risque au contraire de nuire à la compétitivité de l’économie marocaine, expliquent les analystes d’Euler Hermès. Et c’est d’autant plus problématique que le Maroc s’est placé sur des biens très concurrencés et pour lesquels les coûts salariaux et le taux de change sont primordiaux.
Ainsi, les exportations peinent à générer de la valeur, avec une compétitivité-prix sous pression et une difficulté sous-jacente à résorber le déficit commercial. Cela fait partie des raisons pour lesquelles le pays peine à réduire le déficit du solde budgétaire, et la croissance n’est pas assez riche en emplois pour résorber le chômage.
« Le Maroc, en tant que base de production, manque essentiellement d’infrastructures électriques, comme le montre une comparaison avec le Mexique, un grand pays émergent exportateur. Le Maroc en tant que potentiel grand marché de consommation urbanisé manque aussi d’infrastructures routières, ce que montre par exemple une comparaison avec l’Espagne », fait remarquer M. Colliac.
En ce qui concerne le secteur immobilier et celui du BTP, le PIB de la construction est proche de la stagnation depuis plusieurs années et que l’enregistrement de la propriété coûte 6,4% de la valeur d’un bien (5,7% en moyenne en Afrique). De même, les transactions immobilières se contractent (-2,8% a/a en moyenne sur les 3 premiers trimestres de 2018) et les prix immobiliers suivent.
Une montée en gamme industrielle difficile
Comme nous l’aurons compris, le risque pour le Maroc de perdre de grands marchés dans l’automobile, pour cause de coûts de production et de la main d’oeuvre, n’est pas négligeable. Pour suivre l’exemple du Mexique, une montée en gamme de l’industrie serait nécessaire. Mais l’environnement marocain n’y est pas forcément favorable. A la tête des obstacles se trouve l’un des grands maux du pays, à savoir l’état pitoyable de l’éducation nationale. En effet, pour mettre en place de vraies industries de pointe, il faut une jeunesse pleinement digitale, et l’index « Enabling Digitalization » place le Maroc à la 77ème place mondiale, derrière le Mexique, la Roumanie ou même le Kenya…
Si l’on note un repli de 3% des défaillances d’entreprises cette année, cela ne devrait pas durer, puisque ces défaillances devraient reprendre leur trend haussier en 2019 (+4%), atteignant un nouveau niveau plus haut. De leur côté, les délais de paiement clients demeurent toujours à 83 jours, ce qui expliquerait d’ailleurs le risque d’accroissement futur des défaillances d’entreprises que pointe du doigt Euler Hermes Acmar.
Et ce fameux délai pénalise terriblement le commerce avec l’Afrique, car ces délais mènent à des habitudes de paiement au comptant, ce qui inhibe la trésorerie des entreprises. Ainsi, Euler Hermes Acmar estime à 1,1 milliard $ la trésorerie libérée en cas de passage à un délai de paiement de 30j.
Si le Maroc a de nombreuses raisons d’être optimiste sur son développement économique, celui-ci fait face à des blocages structurels qu’il faudra surmonter, dans des domaines comme l’éducation, chantier colossal dans lequel le pays est embourbé depuis des années, et pour lequel les responsables politiques semblent incapables de trouver les solutions adéquates…