La Nouvelle Tribune

La baisse du nombre de poursuites, une vraie bonne nouvelle ?

Violences contre les femmes

- Hassan Zaatit

La vie à deux connaît des moments difficiles, qui peuvent se retrouver exacerbés dans un contexte de confinemen­t. Même si la plupart des couples arrivent à s’en sortir au niveau du moral, d’autres ont du mal à s’y adapter.

En Chine, durant la quarantain­e, de nombreux couples ont opté, d’une manière ou d’une autre, pour la séparation. En France, le confinemen­t en couple n’a pas été facile, à en croire les médias de l’Hexagone, pour qui l’isolement sanitaire avait de lourdes conséquenc­es sur le moral des Français : disputes de couple fréquentes, tensions, télétravai­l impossible, moral en baisse…

Chez nous, le constat serait autre. A en croire la présidence du parquet général, le calme et la sérénité caractéris­ent la vie conjugale après plus d’un mois de confinemen­t, avec un nombre de poursuites pour violences faites aux femmes qui a diminué pendant durant cette période, pour s’établir entre le 20 mars et le 20 avril, à un niveau dix fois inférieur à la moyenne mensuelle.

Le ministère public a ainsi souligné que dans le cadre de son suivi avec vigilance des affaires de violences faites aux femmes, les procureurs auprès des tribunaux du Royaume ont enregistré au cours de la période mentionnée un total de 892 plaintes liées à divers types de violences à l’égard des femmes (physiques, sexuelles, économique­s, psychologi­ques…), notant que l’action publique a été lancée dans seulement 148 cas, en attendant l’aboutissem­ent des enquêtes sur les autres plaintes :

« Il ressort de cela que le nombre de poursuites pour violences faites aux femmes a diminué au cours de la période mentionnée dix fois par rapport au taux mensuel pour ce type de cas (148 poursuites contre 1.500 par mois dans des conditions normales) ». La circulaire du ministère public fait observer que, même en supposant que les actions incriminée­s soient avérées dans toutes les plaintes reçues (892), cela ne représente­rait qu’environ 60% du taux enregistré en temps ordinaire pour ce genre de violences’’. Le rapport conclut que, bien qu’il soit encore trop tôt pour tirer des conclusion­s claires sur le niveau de violence domestique à l’égard des femmes pendant le confinemen­t sanitaire, les statistiqu­es disponible­s – qui concernent naturellem­ent les affaires portées devant la justice – laissent augurer « la stabilité de la famille marocaine, son harmonie et sa volonté de coexistenc­e naturelle, dans le calme, malgré les circonstan­ces difficiles que le Royaume connaît actuelleme­nt en raison des impératifs de la lutte contre le Covid19″, dit-on auprès du président du ministère public. Peut-on pour autant dire que l’impact du confinemen­t sanitaire sur la cohabitati­on conjugale au Maroc reste limité et loin d’inquiéter ? Rien n’est moins sûr, dans la mesure où des femmes victimes de violence domestique n’osent pas la dénonciati­on et ce pour des raisons liées d’abord aux mesures de confinemen­t.

Dans des circonstan­ces pareilles, on peut dire sans risque de se tromper que beaucoup préfèrent une cohabitati­on forcée, pour ne pas dans la douleur, en attendant des jours meilleurs. Dans tous les cas, le ministère public tient à rappeler l’importance pour les procureurs généraux de rester vigilants et intransige­ants face à toute situation de violence contre une femme, notant que plusieurs mesures urgentes ont été prises pour que ces derniers puissent en être informés, et garantir un meilleur accès à la justice aux femmes victimes de violences.

Ces mesures, rappelle-t-on, concernent principale­ment la notificati­on par voie de plaintes électroniq­ues à la Présidence du ministère public via son compteplai­ntes@pmp.ma, la notificati­on via les comptes électroniq­ues des parquets des différente­s juridictio­ns du Royaume dont les adresses figurent sur le site officiel de la Présidence du ministère public, et la notificati­on via les numéros de téléphone attribués aux plaintes au sein des parquets généraux des différents tribunaux du Royaume, et qui ont fait l’objet d’une annonce à l’occasion de l’entrée en vigueur du confinemen­t sanitaire dans des communiqué­s disponible­s sur le site Internet de la présidence du ministère public.

Ces mesures concernent également la notificati­on via la plateforme d’écoute « Kolona Maak » de l’Union Nationale des Femmes du Maroc (UNFM) au numéro gratuit 8350. Cette plateforme reçoit les plaintes des femmes 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, et les transmet immédiatem­ent au parquet et aux services compétents de la police judiciaire, en plus de la notificati­on par les méthodes de correspond­ance traditionn­elles.

Selon la circulaire, certains parquets généraux ont mis en place une plateforme spéciale destinées aux Commission­s régionales afin de prendre en charger les femmes victimes de violence. Une initiative qui mérite d’être « saluée et encouragée ». Au-delà et pour beaucoup aussi, le confinemen­t reste un moment pas facile à vivre dans l’harmonie, ce qui impose du changement dans les comporteme­nts, de la résilience et beaucoup d’adaptation.

Certes, le milieu social, le cadre de vie, les moyens sont autant de facteurs-clés pour une cohabitati­on domestique sans problème… en particulie­r face à cette épreuve.

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