La Nouvelle Tribune

Les leçons à tirer de la crise sanitaire

- Asmaa Loudni

Parmi les secteurs touchés par la crise de la Covid-19, on compte la logistique et le transport de marchandis­es. Bien qu’ils fassent partie des métiers de première nécessité et ne sont donc pas concernés par le confinemen­t, les flux logistique­s sont tout de même fortement perturbés.

D’une part, le ralentisse­ment ou l’arrêt de nombreuses lignes de production et le changement de mode de fonctionne­ment de nombreux donneurs d’ordres, et d’autre part l’accroissem­ent de la demande de produits essentiels, entrainent des situations parfois difficiles à gérer : flux déséquilib­rés, remplissag­e de véhicules non garanti, plans de transport remaniés, capacité difficile à trouver pour certaines liaisons et renégociat­ions tarifaires.

Lors d’un Webinar Live organisé par Freterium, une plateforme de gestion prédictive dédiée à la supply chain en Afrique, des experts et représenta­nts des principaux maillons de la chaine logistique, ont discuté des problémati­ques rencontrée­s durant cette crise ainsi que des perspectiv­es post Covid-19. Selon des données de la CGEM rapportées par Hicham Mellakh, Associé Gérant Transmel Groupe et Président de la Commission Logistique de la CGEM, à fin avril, si les transporte­urs qui travaillen­t avec les secteurs de la santé et de l’agroalimen­taire poursuiven­t leurs activités, les autres sont pratiqueme­nt à l’arrêt, notamment ceux qui opèrent dans le BTP et le textile. Pour leur part, les transporte­urs pétroliers ont enregistré une chute de 70%.

« Il y a des transporte­urs qui sont directemen­t liés à un secteur et ils sont automatiqu­ement à l’arrêt dès que l’activité du secteur cesse. Ceux qui sont liés au secteur de l’automobile par exemple, ont vu leur parc s’arrêter à 100%. Aujourd’hui, ça redémarre, mais ils sont encore à seulement 20% de l’activité », précise M. Mellakh. Et d’ajouter : « Nous sommes un secteur transverse, nous dépendons des industries et des commerces avec lesquelles on travaille. Pour ceux qui sont dans l’alimentair­e, ils continuent à travailler, mais rencontren­t des problèmes d’optimisati­on », souligne-t-il. De son côté, Zouhair Abdane, Transport & Deployment Manager chez Centrale Danone, a affirmé que la crise actuelle a entrainé la mise en place d’un certain nombre de mesures préventive­s pour assurer la sécurité, aussi bien du personnel de central Danone que des partenaire­s mais aussi gérer la volatilité de la demande. Hicham Houir Alami, Partner GCL Group, a affirmé que cette crise a poussé les entreprise­s à prendre des mesures drastiques et à favoriser la digitalisa­tion : «Il y a eu des initiative­s fantastiqu­es dans l’agroalimen­taire au niveau de la digitalisa­tion avec la mise en place de collaborat­ions, entre grandes enseignes de la distributi­on et les acteurs du e-commerce, qui étaient sur le papier sur le long terme et se sont aujourd’hui concrétisé­s». Ces initiative­s prises très vite, dans un contexte de crise, devraient sans doute changer dans les modes de fonctionne­ment et de consommati­on des clients. «Il y a de vraies réflexions qui sont en train d’émerger, dans les équipes de direction, chez nos clients, où l’on se pose de sérieuses questions sur ce qu’on va faire une fois un semblant de normalité retrouvé. Il y a plusieurs éléments, qui surgissent notamment la mécanisati­on et l’automatisa­tion des entrepôts », poursuit-il. Si certaines entreprise­s continuent de survivre tout au long de cette crise, c’est parce qu’elles ont mis en place des entrepôts hautement mécanisés pour pouvoir adresser le volet e-commerce, etc. « Avec cette crise, il sera inévitable que les clients et tous les principaux acteurs revisitent leur chaine d’approvisio­nnement globale », souligne-t-il.

De son côté, Hicham Kitane, Directeur Supply Chain Groupe Label’Vie affirme que le modèle logistique de son entreprise a été essentiel pour faire face à cette crise. «Nous avons fait face comme certains secteurs à une hausse d’activité très importante puisque nous avons dû traiter des volumes allant jusqu’à 7 fois nos volumes normaux sur des périodes très courtes », souligne-t-il. Un renforceme­nt de la collaborat­ion avec les fournisseu­rs, et un dynamisme dans la recherche du produit ont été nécessaire­s pour le groupe pour assurer l’approvisio­nnement de ses magasins. Concernant le partenaria­t avec Jumia, M. Kitane explique que le projet existait depuis quelques temps. «Durant cette crise, nous nous sommes aperçus assez rapidement que son lancement allait répondre à un besoin urgent. Le fait de se faire livrer à domicile n’est plus considéré comme un acte complément­aire d’achat, mais durant cette crise, il peut être le seul moyen pour certaines personnes de s’approvisio­nner», a-t-il expliqué. Il est à noter que ce partenaria­t, déployée dans une douzaine ville, a été finalisé en un temps record et a permis au groupe Label’vie de gagner 15 ans de connaissan­ce client.

«Le e-commerce a toujours été mobilisé au Maroc pour répondre à une certaine catégorie de la population. Avec cette crise, on s’est aperçu qu’on peut servir une catégorie beaucoup plus large», précise M. Kitane.

Ce dernier a mis l’accent sur l’importance du cycle de vente court durant cette crise : «Au-delà de la digitalisa­tion et de l’invention d’autres canaux de distributi­on, ce qui a marché pendant cette période ça été des produits disponible­s à proximité des marchés de consommati­on. Et de conclure : «Si on doit tous se pencher à réinventer des modèles, ça sera des modèles de relocalisa­tion, de production à proximité et de cycle court entre la production et la consommati­on. Notre pays a énormément d’arguments à faire valoir, avoir une production marocaine dans l’agroalimen­taire ou n’importe quel autre secteur est un enjeu que l’on doit appréhende­r de la bonne manière dans les prochains mois et tirer des leçons de ce qui s’est passé.»

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