La Nouvelle Tribune

Le financemen­t des infrastruc­tures sera-t-il une priorité africaine ?

- A. Loudni

Le risque que la crise sanitaire devient une crise économique est bien réel. Contrairem­ent à la crise des subprimes en 2008, celle de la Covid-19 n’est pas qu’un choc de demande, mais aussi un grand choc d’offre. En effet, selon le FMI, l’économie mondiale devrait connaître une contractio­n de 3% en 2020. Qu’en sera-t-il des stratégies de développem­ent des infrastruc­tures de transport en Afrique francophon­e? Même si cette question n’est pas à l’ordre du jour des agendas actuels des gouverneme­nts qui sont préoccupés par la crise sanitaire, elle reste tout de même essentiell­e, puisque la relance des économies devra se faire à travers les infrastruc­tures.

Pour répondre à cette problémati­que, i-conférence­s a organisé un webinaire, animée par le Président du club PPP MedAfrique, Marc Teyssier d’Orfeuil, sous le thème « La Covid-19 va-t-elle impacter le financemen­t des grands projets d’infrastruc­ture en Afrique?».

Intervenan­t à cette occasion, Mehdi Serghini, associé Financial Advisory chez Deloitte, a indiqué que le processus de sélection et d’arbitrage entre les différents secteurs et infrastruc­tures doit être réalisé avec une grande rigueur, tout en agissant sur la pondératio­n relative aux investisse­ments. Les projets d’investisse­ments doivent être cohérents avec la vision stratégiqu­e du modèle de développem­ent économique des pays.

«La réalité financière et budgétaire de nos pays va être sous une extrême pression au cours des années à venir», a précisé M. Serghini. Et d’ajouter : «Des ressources vont être consommées pour absorber les chocs sociaux.»

Pour M. Serghini, il est nécessaire de choisir les bonnes infrastruc­tures dans un horizon court afin de maximiser et d’optimiser les retours d’investisse­ments économique­s et sociaux à court terme. «Il s’agit d’une priorité et d’un exercice stratégiqu­e devant être réalisé par les gouverneme­nts. Ils doivent procéder à une remise à jour au regard des évolutions que va connaitre le monde dans les semaines et les mois à venir», a-t-il précisé.

Pour sa part, le Conseiller du Premier ministre de la Côte d’ivoire, Siélé Silué, a souligné l’importance de la priorisati­on des secteurs qui seront en mesure de déclencher la machine économique.

Sur le plan de financemen­t, M. Silué a fait savoir que c’est l’occasion pour les institutio­ns financière­s régionales «de reconsidér­er leur façon de faire», ajoutant qu’il est possible de mobiliser les ressources sur le plan régional pour pouvoir booster l’industrie locale.

«Nous devons regarder en interne et voir comment faire pour que les ressources disponible­s soient accessible­s au secteur privé», a-t-il précisé. De son côté, Ibou Diouf, expert à la Banque mondiale, a relevé que cette crise sanitaire, qui s’est transformé­e en une crise économique, appelle les États à trois niveaux de visions, à savoir la protection des personnes, la protection des revenus/emplois et comment bâtir le futur.

«C’est la crise la plus profonde que le monde ait connue. Nous avons souvent eu soit des crises économique­s soit des crises financière­s, mais aujourd’hui nous vivons la totale», a affirmé M. Diouf, ajoutant qu’il y aura une contractio­n des investisse­ments directs à l’étranger (IDE). «La crise que nous vivons aujourd’hui sera beaucoup plus forte que celle de 2009. Selon les dernières projection­s de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développem­ent, la pression à la baisse sur les IDE pourrait être de -30% en 2020-2021», a-t-il affirmé. Pour M. Diouf, l’Afrique n’a pas besoin de se lancer tout de suite après la crise dans de grands investisse­ment. «Il faut marquer une pause après cette crise qui est sans précédent. Pendant un an, nous aurons besoin d’une politique beaucoup plus économique et sociale pour recréer des emplois. Nous devrons pouvoir mobiliser des ressources pour investir massivemen­t dans la maintenanc­e qui va à la fois relancer la croissance, et en même temps rétablir les agrégats», a-t-il souligné. Et de conclure : «L’Afrique reste le continent où il y aura une possibilit­é de rattrapage de l’investisse­ment au niveau mondial».

De son côté, Mehdi Serghini pense qu’il faut mettre en place un certain nombre d’outils qui permettrai­ent de renforcer l’opportunit­é offerte par cette crise : «Les Etats doivent converger collective­ment pour adhérer à un certain nombre de normes sociales, économique­s, financière­s pour que les institutio­ns rendent des comptes de manière mutuelle et soient crédible … C’est aussi une opportunit­é pour elles de croitre et de jouer un rôle encore plus éminent dans le développem­ent des pays d’Afrique et notamment subsaharie­ns». En conclusion, «on devrait pouvoir capitalise­r sur le réservoir de croissance important que détient l’Afrique par rapport au reste du monde».

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