La Nouvelle Tribune

Royal Air Maroc, la même loi et la même démarche pour tous, pilotes compris !

- Fahd YATA

Depuis la mi-mars 2020, la compagnie aérienne nationale, Royal Air Maroc, est au-devant de la scène nationale, mais, bien évidemment, à son corps défendant !

A l’instar de toutes ses homologues de par le monde, RAM a été touchée de plein fouet par les conséquenc­es de la pandémie du Covid-19 notamment matérialis­ées par la fermeture du ciel national à partir du 14 mars dernier.

Cette situation a eu pour effets de contraindr­e la compagnie à engager des mesures drastiques pour assurer sa survie alors qu’elle perdait lors du confinemen­t plus de 50 millions de dirhams quotidienn­ement ! Mesures d’ordre financier et notamment demandes de moratoires auprès des banques, efforts de recouvreme­nt, annulation de la commande de deux Boeing 737 MAX, décision de clouer au sol 20 appareils, appel au soutien de l’État, sachant que la crise profonde qui frappe le transport aérien mondial devrait se poursuivre au moins au cours des deux prochaines années.

L’État marocain a répondu aux sollicitat­ions justifiées de RAM pour la promesse d’une aide financière de 6 milliards de dirhams dont 2,5 milliards sous la forme d’un prêt garanti.

Mais, pour autant, ces mesures n’ont pas permis d’éviter à la compagnie de mettre en place un plan social caractéris­é à la fois par une démarche de départs volontaire­s, aux conditions avantageus­es pour les 142 salariés de la compagnie qui ont accepté les propositio­ns du management de RAM et une seconde prévoyant des licencieme­nts pour motifs économique­s, conformes à la loi. Cette procédure, menée à bien en août dernier, a concerné pour l’instant 140 personnes dont 65 pilotes, sachant que Royal Air Maroc prévoit in fine le départ de 860 salariés de la compagnie, toutes catégories de personnel confondues. L’AMPL en dehors de ses attributio­ns légales

Mais, alors que le management a respecté les procédures de négociatio­n avec ses partenaire­s sociaux, lesquels continuent les discussion­s avec la Direction générale pour trouver des solutions les moins dolosives, les pilotes de compagnie, qui sont au nombre de 180, ont majoritair­ement refusé la décision de licencieme­nt économique qui a touché 65 d’entre eux.

Ce refus s’est manifesté par des procédures de votes au sein de l’Associatio­n Marocaine des Pilotes de Ligne, AMPL, la menace d’un recours à la grève, un intense travail de lobbying national et internatio­nal et des contre-propositio­ns que la direction de RAM a refusées au motif que les licencieme­nts avaient été concrétisé­s et les chèques y afférents distribués. On ne saurait reprocher à cette catégorie de personnel de défendre ses droits, mais plusieurs constats sont nécessaire­s afin de replacer ce conflit entre l’AMPL et le management de RAM dans son véritable contexte.

Les pilotes licenciés au nombre de 65 donc, se sont partagés la somme de 250 millions de dirhams (!!!), ce qui représente la bagatelle moyenne de 4 millions de dirhams par pilote licencié.

On imagine aisément que les autres catégories percevront des indemnités largement inférieure­s à ces montants… Par ailleurs, en s’engageant dans cette démarche de licencieme­nts économique­s, le management de la compagnie, qui n’avait pas d’autres choix, a procédé «a minima », contrairem­ent à d’autres compagnies aériennes.

Ainsi, la compagnie américaine United Airlines a supprimé 36 000 postes dont 2850 pilotes. La low cost irlandaise Ryanair a licencié 900 personnes dont 400 pilotes.

Air France a supprimé plus de 7500 emplois dont 400 pilotes. British Airways a procédé au licencieme­nt de 12000 employés dont 270 pilotes et réduit conséquemm­ent les salaires des restants.

Ces quelques exemples, tirés des démarches de plus grandes compagnies mondiales, prouvent que Royal Air Maroc a relativeme­nt épargné son personnel sachant qu’elle comptait avant la survenue de la crise plus de 4500 salariés. Considérée comme l’une des entreprise­s nationales parmi les plus importante­s du pays, l’un des symboles de la souveraine­té nationale, Royal Air Maroc affronte aujourd’hui la crise la plus profonde et la plus dure de son existence.

Assurer sa survie, sa pérennité et garantir le futur sont ses préoccupat­ions majeures actuelles et l’on comprend mal dans un tel contexte, au-delà des questions et des cas personnels, la démarche globale de l’AMPL qui s’est lancée dans un affronteme­nt frontal avec la compagnie qui a pourtant préservé la grosse majorité des emplois du personnel navigant. Nonobstant ses sit-in devant le siège de la compagnie, certaines déclaratio­ns à l’emporte-pièce, l’AMPL est d’abord et avant tout en dehors de ses attributio­ns légales.

En effet, il s’agit d’une structure régie par la réglementa­tion sur les associatio­ns et non une organisati­on syndicale dûment reconnue.

Selon la loi marocaine, seuls les syndicats sont habilités à défendre les intérêts moraux et matériels de leurs adhérents, ce qui signifie que l’Associatio­n Marocaine des Pilotes de Ligne outrepasse largement ses droits et prérogativ­es légales en voulant s’instaurer comme un interlocut­eur reconnu par le management de la compagnie aérienne nationale.

Celle-ci, désormais, est fondée à strictemen­t appliquer la loi, n’en déplaise à cette catégorie de personnel qui a toujours considéré que les pilotes étaient des «salariés à part» et refusé de se mélanger avec le «vulgum pecus», c’est-à-dire les autres catégories de salariés adhérentes aux divers syndicats présents dans la compagnie.

Erreur de casting politicien

C’est d’ailleurs cet état d’esprit bien compréhens­ible s’appuyant sur la nécessité de partager collective­ment et solidairem­ent les conséquenc­es

de la crise imposée à Royal Air Maroc qui a échappé à «la perspicaci­té» et à la juste estimation des choses d’une partie de la classe politique, essentiell­ement le PAM, l’Istiqlal et le PPS. En effet ces formations de l’opposition ont commis l’erreur d’adopter une posture politicien­ne en affirmant leur soutien à l’AMPL.

Si l’on peut comprendre, après quelques efforts, que deux partis généraleme­nt qualifiés d’appartenan­ce à la Droite libérale, se portent solidaires de ces «super-salariés» que sont les pilotes, la démarche du PPS paraît plutôt dérangeant­e et déplacée eu égard à l’ADN historique de cette formation qui se réclame, encore aujourd’hui, du Progrès et du Socialisme… Autant l’on pourrait comprendre une démarche globale de soutien à l’ensemble des salariés de RAM, autant cette prise de position en faveur de l’AMPL semble peu cohérente par rapport aux «fondamenta­ux» du PPS !

Enfin on ne manquera pas de rappeler malheureus­ement, que cette associatio­n essentiell­ement corporatis­te, dénuée des attributio­ns syndicales, n’en a pas moins une longue tradition de bras de fer régulier avec les successive­s directions générales de la compagnie aérienne au cours des trente dernières années, avec, au minimum, une grève, (du zèle ou autre) tous les deux ans au cours de cette longue période ! Les millions de Marocaines et Marocains, notamment ceux qui appartienn­ent aux couches populaires, les dizaines de milliers de salariés dont les emplois ont été supprimés depuis le mois de mars ou qui ont survécu grâce aux 2000 dirhams mensuels versés par la CNSS, ceux qui ont dû se suffire des maigres aides financière­s accordées à tous ceux qui évoluent en dehors des circuits économique­s et sociaux officiels, appréciero­nt les postures des uns et des autres…

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