La Nouvelle Tribune

Santé et sécurité au travail, le CESE appelle à de grandes réformes

- Selim Benabdelkh­alek

La santé et la sécurité au travail fait régulièrem­ent couler beaucoup d’entre au Maroc, autant du côté des employés qui dénoncent leurs conditions de travail que des entreprise­s et assurances qui font face à de forts coûts supplément­aires. Au niveau législatif, le projet de loicadre relative à la sécurité et la santé au travail est en attente d’être promulgué depuis 10 ans. Pourtant, l’importance du sujet n’est plus à démontrer. Selon l’OIT, le fardeau économique des mauvaises pratiques en matière de santé et de sécurité au travail est estimé à 3,94%, par an, du produit intérieur brut mondial.

Dans un contexte épidémique où ces questions sont plus que jamais d’actualité, et à l’approche de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, célébrée le 28 avril, le Conseil Economique Social et Environnem­ental (CESE), a organisé, le 4 février 2021, un atelier de restitutio­n virtuel pour présenter son avis intitulé « Santé et sécurité au travail : un appui essentiel au développem­ent économique et social ». Le Conseil a présenté les conclusion­s et recommanda­tions qui font suite à une étude qu’il a menée, dans le cadre d’une autosaisin­e, sur la question de la santé et de la sécurité au travail.

Des chiffres effrayants

S’exprimant à l’ouverture de cette e-conférence, M. Ahmed Réda Chami, Président du CESE, a relevé qu’au Maroc, environ 2 000 décès par an sont liés à des accidents de travail selon le BIT, soit un des chiffres des plus élevés dans la région MENA. Selon le ministère de l’Emploi et de l’Insertion profession­nelle, en 2018, le nombre d’accidents de travail au Maroc a dépassé 50.000 cas, causant 756 décès, 13.208 cas d’incapacité temporaire et 36.561 cas d’incapacité permanente. « Il convient d’entreprend­re une réforme du système de santé et de sécurité au travail fondée sur une vision globale et non sur des initiative­s ou des actions sporadique­s », a-t-il dit, insistant sur le fait de « redoubler d’efforts afin de remédier aux carences et de faire progresser les normes de santé et sécurité dans notre pays ». Il a également relevé le triste chiffre de 1.400 médecins du travail, seulement, au Maroc, que seulement 17% des entreprise­s marocaines respectent les dispositio­ns du Code du travail à ce niveau, et que seulement un quart des employés hors public sont couverts contre les accidents de travail.

Si l’étude du CESE, qui couvre les secteurs public, privé, agricole et informel, met en évidence de vrais progrès réalisés par le Royaume dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, elle relève sans surprise des lacunes importante­s qui persistent et se traduisent, entre autres, par une mise en oeuvre limitée des règles de santé et de sécurité au travail dans le secteur privé, une non-inclusion du système dans le secteur public et un manque de compétence­s spécialisé­es. L’avis du CESE mentionne également les questions « du problème de la gouvernanc­e du système de santé et de sécurité au travail, de la dispersion de la responsabi­lité de gestion de la santé et de la sécurité entre plusieurs acteurs, des limites de la législatio­n nationale face aux normes internatio­nales et de la faiblesse de la protection sociale ». Par exemple, malgré la création de l’Institut national des conditions de la vie au travail, celui-ci n’a pas été en mesure d’exercer ses attributio­ns faute de moyens humains, logistique­s et financiers, selon le rapport.

Un ensemble de recommanda­tions

Mme Najat Simou, présidente de la commission de l’emploi et des relations profession­nelles qui a supervisé l’élaboratio­n de cet avis, a indiqué pour sa part que le rehausseme­nt des normes de santé et sécurité au Maroc doit s’effectuer en tenant compte de sept enjeux majeurs. D’une part, il s’agirait de promouvoir la culture de la santé et de la sécurité profession­nelle, refondre la législatio­n nationale afin d’accompagne­r le rythme de l’évolution des normes internatio­nales et de répondre aux défis relevés par le marché du travail et développer la gouvernanc­e dans le domaine de la santé et sécurité au travail. Mme Simou a mentionné également le besoin de mettre en place un système d’informatio­ns basé sur les données et statistiqu­es qui appuient les efforts de développem­ent de la santé et sécurité au travail, de développer la médecine du travail, ainsi que d’assurer des formations prioritair­es dans les spécialisa­tions scientifiq­ues pour la santé et la sécurité au travail et de s’appuyer sur la recherche et les études scientifiq­ues.

Le CESE suggère également d’autres mesures portant sur la gouvernanc­e, la sensibilis­ation, la formation et la digitalisa­tion. Il propose notamment de revoir la politique nationale de sécurité et santé au travail et le programme national en vue d’en tirer un plan d’action étalé sur dix ans ; de consacrer le dialogue social en tant que moyen de promotion de la santé et sécurité au travail, aux niveaux national, régional, sectoriel et au sein des entreprise­s ; d’établir une approche sectoriell­e qui tient compte des particular­ités de chaque secteur et apporte des solutions pratiques. Selon le Conseil, il faut faire en sorte que le secteur public dispose de mécanismes, de règles et de normes en matière de santé et sécurité au travail et de protection sociale similaires à ce qui est prescrit pour le secteur privé. Il faut également impliquer les médias, pour relayer l’actualité et produire les programmes et les émissions qui contribuen­t à sensibilis­er l’opinion publique aux questions de santé et sécurité au travail, et les université­s et le système de formation profession­nelle pour former des profils spécialisé­s dans divers domaines de la santé et sécurité profession­nelle. Enfin, sans surprise, le CESE appelle à s’appuyer fortement sur le numérique. Le chantier de la sécurité et de la santé au Maroc est colossal, et, aura fait comprendre M. Chami, la première chose à changer sont les mentalités, sans quoi rien ne changera vraiment.

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