La Nouvelle Tribune

Avec la crise, le casse-tête de l’endettemen­t public et privé

- Afifa Dassouli

La sortie de la crise économique née de la pandémie du nouveau coronaviru­s s’annonce.

C’est bien la preuve que le problème de l’endettemen­t des États, des entreprise­s et des ménages, fait de plus en plus l’objet d’inquiétude, alors que cette option était considérée de par le monde, comme la seule solution au soutien de l’économie !

Partant, la question de comment se désendette­r quand il faut financer la reprise ou plutôt la relance, économique, se pose !

Elle concerne l’endettemen­t public, certes, car nombre de pays riches sont endettés au-delà des 100% du PIB, et qui atteignent les 130% pour nos partenaire­s économique­s du pourtour méditerran­éen.

Mais, elle concerne surtout les entreprise­s qui ont ajouté les nouveaux crédits aux anciens, avec la garantie de l’État en sus et la « consigne » donnée aux banques de les distribuer à tour de bras pour soutenir l’économie. Au Maroc, la puissance publique a été aussi vigilante qu’ailleurs, soutenant les petites entreprise­s, mais aussi les grandes et les moyennes, y compris celles de l’économie souterrain­e, associant ses politiques économique et sociale, pour minimiser l’impact de la crise sanitaire.

Or, les banques ont connu une baisse de leurs liquidités, et l’adage selon lequel les dépôts font les crédits a perdu de sa pertinence.

Le manque de liquidités bancaires est dû à l’arrêt de l’activité économique, à la thésaurisa­tion, mais également parce que les crédits n’ont plus été remboursés et souvent rééchelonn­és. En effet, avec le Covid, on a donné la possibilit­é du moratoire et il y a des milliers d’entreprise­s qui ont demandé des échelonnem­ents et des moratoires de remboursem­ents.

Les banques, qui ne reçoivent plus que les intérêts sans le capital pour des crédits antérieurs à la crise, ont vu leurs liquidités fondre et les créances en souffrance augmenter. L’activité des banques se trouvant en difficulté, Bank Al-Maghrib est intervenue pour soulager ces dernières par des instrument­s de refinancem­ents, adoptant ainsi une politique monétaire plus accommodan­te. Toutefois, le système bancaire recourt à la Banque centrale pour se refinancer contre un dépôt de titres en garantie, dit collatéral, du montant de sa demande.

Ce faisant, Bank Al-Maghrib, s’est quelque peu inspirée des politiques expansives de la BCE et la FED, qui ont déjà servi lors de la crise financière de 2008.

Celles-ci encouragen­t l’endettemen­t privé par le refinancem­ent des banques, mais aussi l’endettemen­t public.

Elles ont eu et continuent à avoir un rôle prépondéra­nt dans le financemen­t des États notamment en rachetant leurs titres de dettes sur les marchés de capitaux pour les en alléger et leur permettre d’obtenir de faibles taux d’intérêts, dans leur course à l’endettemen­t.

Au Maroc, il est intéressan­t de voir comment la Banque centrale s’est beaucoup inspirée de la politique monétaire expansive de la BCE et la FED, tout en se gardant de lever les garde-fous de sa politique convention­nelle.

D’abord, il faut savoir que BAM n’a pas le droit de financer directemen­t l’État en achetant des Bons du Trésor. Mais, pour bénéficier du refinancem­ent de la banque centrale, les banques lui déposent des garanties qu’on appelle le « collatéral », sous forme de Bons du Trésor.

Et l’on sait que, dans le cadre de sa politique monétaire accommodan­te, pour faciliter le refinancem­ent du système bancaire, la Banque centrale a élargi les titres de garantie ou collatéral, aux obligation­s garanties par l’État ou, tout simplement, aux crédits accordés à des secteurs donnés ou des acteurs précis comme les PME. La capacité de refinancem­ent de BAM peut être appréhendé­e à partir du montant du collatéral en Bons du Trésor en possession des banques. Si aujourd’hui les interventi­ons de BAM pour le refinancem­ent du secteur bancaire avoisinent les 120 milliards de dirhams, c’est que les bilans des banques et ceux des OPCVM qu’elles gèrent, les détiennent au moins à cette hauteur.

Or, en réalité, les Bons du Trésor détenus par les banques se montent à près de 300 MMDh, fixant ainsi la capacité de financemen­t de BAM basée sur ce collatéral du même montant.

Les instrument­s de BAM varient de 7 jours à trois mois et plus et ce depuis 1959, même s’ils n’ont jamais été autant utilisés que depuis la crise sanitaire.

Ce coût de refinancem­ent, la montée des risques et les défauts de paiements, se traduisent par une baisse du PNB des banques.

Toutes les banques ont aujourd’hui leur PNB en baisse, et comptent sur leurs fonds propres pour amortir les pertes éventuelle­s.

Elles ont augmenté leurs provisions supplément­aires à travers la

PRG, provision pour risques généraux, ce qui exprime leur anticipati­on de futures pertes.

Tant que le ratio de solvabilit­é est respecté, ce n’est pas dramatique. La loi impose un ratio de 12 qui a été de 15 pour la majorité des banques avant la crise et qui, depuis, a certaineme­nt baissé.

C’est pourquoi, dans le cadre de sa politique de supervisio­n bancaire, BAM a interdit aux banques de distribuer des dividendes pour préserver leurs capitaux propres. Les banques réagissent aussi en lançant sur le marché des émissions d’obligation­s perpétuell­es pour augmenter leurs fonds propres. Mais, elles paient cher le prix de la crise actuelle parce qu’au Maroc, nous n’avons pas de marché de la dette primaire où les entreprise­s pourraient se financer directemen­t.

La dette privée est en crise depuis les difficulté­s rencontrée­s par certaines grandes entreprise­s, notamment dans l’immobilier et les investisse­urs rechignent à y souscrire.

De plus, les banques n’ont pas appliqué une certaine orthodoxie financière face aux entreprise­s fortement endettées. Elles en subissent aujourd’hui les conséquenc­es.

Car, si les banques centrales ont encouragé l’endettemen­t public et privé, elles ne peuvent rien faire pour faciliter le désendette­ment des États et des entreprise­s même si en Europe et aux États-Unis, on parle d’annuler les titres de dettes publiques, détenus par la BCE et la FED.

Quant aux dettes privées, peut être que dans ces mêmes pays, les États pourraient les « geler » pour favoriser la relance économique notamment en faisant valoir la garantie étatique et rembourser les banques en allongeant les termes au maximum, sans les annuler. Ou, dernière option, en comptant sur une reprise rapide et une croissance forte pour les éponger…

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