Pesticides et réglementation des produits agro-alimentaires : Un grand oublié, le consommateur marocain ! (1ère partie)
blerait que les lois dans ces pays n’obligent pas leurs exportateurs à se conformer à la réglementation nationale, en vigueur chez eux.
Ceci dit, nous avons interrogé un expert de l’INRA France, internationalement reconnu sur les procédés de transformation des céréales, Joël Abecassis. Ses explications s’agissant de la culture des céréales sont plutôt rassurantes : «Pour les pesticides de culture, on considère que leur rémanence est de courte durée. On ne trouve pratiquement plus de résidus dans les produits 4 à 6 semaines après application des traitements». S’agissant du blé importé, que se passe-t-il dans les cales de bateaux ou sont entreposés les graines de céréales ?
Les traitements utilisés s’agissant des céréales, pendant le transport maritime, sont les traitements chimiques (ex. Fumigation). Les traitements par fumigation peuvent être uniques ou associés. Ils sont efficaces contre tous les ravageurs mais également contre les arthropodes, les champignons, les nématodes, etc. Les fumigeants les plus couramment utilisés sont : le carbonyl sulphide (sulfure de carbonyle), l’ethane dinitrile, l’ethyl formate, l’hydrogen cyanide, le methyl bromide, le methyl iodide, le methyl isothiocyanate, la pPhosphine, le sulphur dioxide, le sulphuryl fluoride. Ces traitements peuvent être associés à des traitements de type thermique sec (utilisant l’air chauffé pour porter le produit à une température requise) ou thermique dit diélectrique. D’autres traitements existent mais ils ne portent pas sur les céréales (traitement thermique à la vapeur, par immersion dans l’eau chaude, traitement à froid). dans le bateau et remis aux autorités compétentes à l’arrivée :
• Le certificat phytosanitaire, document officiel requis lors de l’expédition d’articles réglementés tels que des végétaux, des produits végétaux ou d’autres articles réglementés. Le certificat phytosanitaire, formulaire PPQ 577, est utilisé pour certifier que les végétaux ou produits végétaux domestiques ont été inspectés par un organisme officiel selon les procédures appropriées et qu’ils sont considérés comme exempts d’organismes de quarantaine, pratiquement exempts d’autres ravageurs nuisibles et conformes à la réglementation phytosanitaire nationale et du CODEX. Au Maroc, normalement c’est un document exigé par l’ONSSA, condition nécessaire même pour importer des semences ou plants pour des essais. Les certificats phytosanitaires sont délivrés pour indiquer que les envois de végétaux, de produits végétaux ou d’autres articles réglementés satisfont aux exigences phytosanitaires d’importation spécifiées et sont conformes à la déclaration de certification du modèle de certificat approprié. Dans certains cas, le CP accompagnant un envoi doit porter une déclaration supplémentaire « il est déclaré que cet envoi est indemne des organismes nuisibles mentionnées dans l’arrêté marocain du 19 mars 1984 ». • Le certificat sanitaire d’exportation, document utilisé dans les transactions d’exportation, délivré par les organisations gouvernementales des pays d’origine, pour certifier qu’une expédition de denrées alimentaires est propre à la consommation humaine et répond aux normes de sécurité ou à toute autre législation requise pour l’exportation. Le consommateur marocain soucieux pour sa santé, voudrait savoir auprès des services de l’ONSSA, sur la base de ces certificats phytosanitaires et sanitaires, quels sont les traitements utilisés pendant le transport maritime disons du Canada vers le Maroc et le degré d’innocuité de ces produits ?
Au niveau du stockage des blés au Maroc et afin de lutter contre les charançons, les bruches (les insectes des denrées stockés), les organismes stockeurs utilisent des fumigants (phosphure d’aluminium tel le phostoxin) mais également d’autres insecticides. La question est : «ces produits utilisés laissent-t-ils des résidus ?».
Dans un document (2010) publié par un chercheur de l’INRA France, Francis Fleurat-Lessard et intitulé : «Devenir des résidus des traitements insecticides des grains jusqu’à l’aliment Un risque à gérer par la seule prévention ?», l’auteur confirme que des «dépôts de pesticides persistants restent fixés dans le grain sous forme de résidus». Il ajoute : «Les résidus sont très labiles lorsque la mouture est effectuée 5j après le traitement du grain : – La farine de brosse à sons et les remoulages sont chargés de résidus pris sur le son – Après 70 j de stockage, les résidus sont mieux fixés au niveau du son et relarguent moins vers les autres fractions»
Ces résultats rejoignent les explications du Professeur Joël Abecassis :
S’agissant des traitements par fumigation (phosphure d’aluminium, gaz particulièrement toxique), il ne semble pas qu’il y ait des résidus en raison du fait que c’est une « gazéification » des céréales qui nécessite à la fin de l’opération une bonne aération et que les graines de céréales sont dures et non molles, ce qui ne permettrait pas au produit de traitement d’entrer à l’intérieur. Mais nous ne sommes pas sûr. Au Maroc un arrêté du ministre de l’agriculture et de la réforme agraire n°777-72 du 21 Août 1972 (publié au bulletin officiel sous le numéro BO403129 du 18 août 1972, page 1368) définit les conditions d’emploi du phosphure d’aluminium (phostoxin), qualifié de poison, pour la désinsectisation des graines de céréales destinées à la semence ou à l’alimentation et déterminent les précautions à prendre pour les personnes qui l’emploient. Question : quels sont les produits utilisés par les
minoteries marocaine pour traiter le grain stocké dans les silos et sont-ils homologués ?
Dans l’article de Amar Hamimaz («inquiétudes autour du pain et de la farine»), il a été demandé aux acteurs concernés d’apporter, sur ces colonnes, des éclaircissements destinés à rassurer le consommateur et de décrire pour le consommateur le processus complet de lavage et de nettoyage du blé si d’aventure il avait lieu. les résidus de pesticides sur la surface des grains de blé. Décrivons ce processus de nettoyage : le blé réceptionné subit un pré nettoyage comprenant deux phases : un élévateur à godet pour soulever le blé et le stocker dans des boisseaux et un séparateur aspirateur qui enlève les grosses impuretés? Ce pré nettoyage se fait à sec au moyen de deux brosses (une avant conditionnement et l’autre après conditionnement). A partir de là, on entre dans une seconde phase de nettoyage des blés avec des appareils à débit correct. Il y a à ce stade un second séparateur aspirateur de nettoyage. Deux tamis travaillent : l’un pour faire passer les bons grains et le second qui fait passer les impuretés. La phase suivante est celle de l’épierrage avec un appareil indispensable : l’épierreur. C’est un tamis incliné avec un mouvement de rotation et de déviation. On enlève à ce niveau, toutes les petites pierres et poussières qui n’ont pas été éliminés lors des premières phases. On transite ensuite par une phase de triage qui, normalement, doit inclure les grains longs et les grains ronds. C’est indispensable pour écarter des graines d’orge ou autres qui ne sont pas des blés. Certaines graines comme par exemple l’ivraie sont toxiques, elles doivent être éliminés. Pour parfaire le nettoyage, on utilise une première brosse, avec un réglage fin. Les grains sont brossés à sec. Ensuite commence la phase de mouillage et de conditionnement. L’objectif est de séparer l’enveloppe du grain et d’amener le blé au degré d’humidité convenable. A la sortie des boisseaux, il y a un autre stade (le second) de brossage. Certaines minoteries peuvent aller même jusqu’à trois brossages. En principe, à l’issue de ce processus, et si celui-ci a été fait dans les règles d’art, les résidus de pesticides ont été considérablement amoindris mais non supprimés totalement.
Les explications apportées par le Professeur Abecassis confirment nos inquiétudes quant au fait qu’il peut y avoir un effet systémique des pesticides sur les denrées stockés (plutôt pénétrants car systémiques : un mode de transport des pesticides dans la plante via les tissus conducteurs. Cela ne semble pas le cas des semences qui germent) qui pénétreraient l’enveloppe du blé et toucheraient le coeur, l’amande. Mais on ne sait pas si tous les produits de traitement sont concernés ou seulement quelquesuns. Les minoteries marocaines le savent-elles ? Nous demandons également à la fédération nationale de la minoterie de décrire au consommateur ces opérations de nettoyage et de dire si elles ont bien lieu selon les normes exigées. C’est le droit du consommateur d’exiger toutes ces explications et cette transparence en vertu de l’article 4, Titre 2, de la loi 28-07 relative à la sécurité sanitaire des aliments et la loi n°31-08 édictant des mesures de protection du consommateur rappelées tous les deux, dans les textes ci-dessous.
Notre insistance à demander aux acteurs concernés de s’expliquer est motivée, en toute légitimité, par la loi sur la sécurité sanitaire des produits alimentaires qui est censée protéger le consommateur marocain : le Dahir n° 1-10-08 du 26 safar 1431 (11 février 2010) portant promulgation de la loi n°28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires. L’article 4 du Titre 2 (des conditions de mise sur le marché des produits alimentaires et des aliments pour animaux) affirme : «Aucun produit primaire ou produit alimentaire ne peut être mis sur le marché national, importé ou exporté, s’il constitue un danger pour la vie ou la santé humaine. De même, aucun aliment pour animaux ne peut être importé, mis sur le marché national ou exporté ou donné aux animaux s’il est dangereux».
Ce droit à l’information, s’agissant des produits qu’achète et consomme le consommateur marocain, est explicité dans le Dahir n°1-11-03 du 14 rabii I 1432 (18 février 2011) portant promulgation de la loi n°31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, Titre II information du consommateur. Article 3 :
Il faut signaler que toute la philosophie de cette tribune du consommateur est nourrie, s’agissant des produits alimentaires, par l’esprit de ces deux lois, la loi n° 28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires et la loi n°31-08 édictant des mesures de protection du consommateur.