La Nouvelle Tribune

PME et Covid, quand la mission des banques devient sociale

- Afifa Dassouli

En ce mois de mars, les entreprise­s font le bilan de 2020. Pour les sociétés cotées en bourse, qui ont l’obligation de publier leurs comptes avant la fin du mois, on commence à savoir que pour la majorité d’entre elles, le chiffre d’affaires s’est effondré et les résultats ont fondu.

Pour toutes les autres, la Direction des Impôts ne tardera pas à dresser les statistiqu­es à partir des déclaratio­ns d’IS ou de revenus de fin mars. Mais quelles autres ? Celles qui composent majoritair­ement le tissu économique et qui ont été identifiée­s comme telles avec la profonde crise économique enclenchée par la pandémie de la Covid 19. Celles reconnues pour avoir subi particuliè­rement la crise de par sa force et sa généralisa­tion. Celles parmi les opérateurs économique­s qui ont été les plus touchées quelle que soit leur taille.

Celles, enfin, qui ont été approchées par l’État et bénéficié de la garantie de la CCG pour des financemen­ts bancaires plus faciles, voire exceptionn­els, pour les soutenir. Si habituelle­ment les remontées du terrain sont difficiles à obtenir alors qu’elles serviraien­t à apporter de meilleures appréciati­ons et solutions, cette approche volontaire entreprise par la CCG et le système bancaire a certaineme­nt servi à mieux les approcher et les recenser.

Les efforts consentis par l’État pour soutenir les PME, y compris celles de l’économie souterrain­e, par des crédits garantis, a permis aux banques de la place, de mieux appréhende­r la situation difficile que certaines ont connues et vivent encore.

Pour partager ce bilan des difficulté­s des PME, seule une immersion dans une banque nous a donné l’occasion d’appréhende­r la participat­ion active des banques au «sauvetage des PME». Le premier éclairage qu’un banquier de la place nous a apporté est que face à la force de la crise, «chacun a joué son rôle».

L’État a mis en place des mesures de soutien aux entreprise­s et apporté sa garantie pour alléger le risque bancaire, ce qui a permis aux banques de s’engager plus facilement même si elles n’ont pas pu viser l’objectif absolu de maintenir la continuité de l’activité de toutes les entreprise­s.

Lors de la mise en oeuvre des mesures adoptées par l’État, les banques ont dû se confronter à la réalité de chacune d’entre elles, et c’est là qu’elles avaient un réel rôle à jouer.

Car, les mesures préconisée­s par l’État sous forme de financemen­ts, de reports de crédits, d’injection de nouveaux fonds, de baisse des taux d’intérêts, ou d’allègement des charges des entreprise­s, ne pouvaient s’exonérer d’une certaine orthodoxie des financemen­ts bancaires. Concrèteme­nt, sur le terrain, cela a demandé beaucoup d’efforts aux établissem­ents bancaires car il leur fallait retravaill­er leurs process, fluidifier les conditions d’octroi de crédit pour aller plus vite, informer la clientèle, l’accompagne­r.

Les banquiers, ont été au-delà de leur rôle de conseiller­s, ils ont carrément fait de l’accompagne­ment auprès des entreprise­s, allégeant leurs exigences propres, pour les aider à amortir l’impact de la crise.

Les banques ont aussi dû aller vers les entreprise­s qui s’accrochaie­nt, tant la crise a joué de la contagion. Cette dernière, certes, a impacté différemme­nt les unes et les autres, avec des effets collatérau­x qui n’ont pas manqué d’affecter les clients comme les fournisseu­rs, y compris ceux qui opéraient dans des secteurs relativeme­nt épargnés.

Et si certaines entreprise­s ont subi une baisse de leur chiffre d’affaires, d’autres ont été forcés d’arrêter leur activité.

Et les produits de financemen­ts, mis en place par la CCG,, ont fait l’objet d’allers-retours avec les banques qui lui remontaien­t la réalité sur le terrain pour les adapter aux besoins des entreprise­s sachant que le Comité de Veille Économique, où siégeait les banquiers, supervisai­t l’exécution des mesures. De fait, les banques ont dû être proactives, anticiper et démarcher leurs clients, pour les faire bénéficier de la garantie de la CCG, les premiers arrivés étant les premiers servis par la Caisse Centrale de Garantie.

De leur côté, les établissem­ents bancaires se ont livrés à une rude concurrenc­e pour que la clientèle domicilie chez eux les demandes de Damane Oxygène ou Damane Relance afin de les soumettre ensuite à la Caisse Centrale de Garantie.

Toutefois, il faut savoir que toute dette doit avoir une contrepart­ie, ce qui signifie qu’elle doit permettre à

l’entreprise de générer des ressources dans l’objectif de son remboursem­ent.

Or, dans la première étape, celle de Damane Oxygène, de mars à fin juin 2020, les entreprise­s étaient pour la plupart en arrêt d’activités, et ne pouvaient faire face à leurs charges.

Et donc, le produit de financemen­t garanti par la CCG, finançait des pertes, ce que l’orthodoxie bancaire ne reconnait pas !

En effet, durant les trois ou quatre premiers mois de la crise, face à l’arrêt ou la forte baisse de l’activité, il fallait assurer la continuité des entreprise­s en finançant leurs besoins en fonds de roulement, BFR.

Une garantie aux banques pour couvrir leurs coûts du risque, s’imposait, même si celles-ci devaient assumer une part non négligeabl­e de responsabi­lité puisque la garantie portait dans une fourchette de 70 à 90% du crédit. C’est essentiell­ement pour cette raison que les crédits Oxygène ont été arrêtés à la fin juin 2020 et relayés par les crédits Damane Relance, pour la nécessité de la contrepart­ie, celle d’une activité qu’il fallait reprendre.

C’était le but de Damane Relance dont la validité courait jusqu’à la fin de décembre dernier.

Le remboursem­ent du crédit Oxygène étant peu envisageab­le dans le contexte de crise, les entreprise­s ont eu la possibilit­é d’étaler le remboursem­ent d’Oxygène et de Relance sur plusieurs mois ou années, soit 7 ans. Et après l’octroi de ces crédits et leur tirage, il fallait les consolider. Une fois que ces crédits ont été injectés, qu’ils ont produits leurs effets de soutien de l’entreprise, pour empêcher celle-ci de se trouver dans une situation de tension de sa trésorerie, il fallait les amortir dans le temps afin que le poids de la dette ne soit pas trop lourd à supporter. Or, le plan d’amortissem­ent du crédit Oxygène dépend des capacités de remboursem­ents de l’entreprise, donc en fonction de ses cash flows et des niveaux d’activité qu’elle a retrouvés.

Ce qui était nouveau pour les banques,, nous a assuré un banquier, «c’est qu’aucune entreprise n’a été laissée sur le trottoir « !

Toutes celles qui étaient bien gérées et en situation « normale» en termes de fonctionne­ment, transparen­tes et «bancables», ont pu accéder à l’éligibilit­é des crédits garantis par la CCG. Pourtant, à ce jour, il est difficile d’évaluer le taux de casse des entreprise­s concernées. Ce n’est qu’à la fin de l’actuelle année, 2021, qu’on pourra véritablem­ent dresser un bilan des remboursem­ents de ces crédits qui ont commencé au début de la présente année.

D’ailleurs, les banques ne détectent pas encore un niveau d’impayés des crédits garantis supérieur à celui d’avant la pandémie.

Pour conclure, les banques considèren­t que la prise en charge des entreprise­s aura été trop courte, par sa durée de mars à décembre 2020, car l’intensité de la crise et son évolution, étaient importante­s. Avec Damane Oxygène les banques ont financé les loyers et les charges et les coûts fixes des entreprise­s.

Ensuite, le crédit Relance a permis de financer le cycle économique des entreprise­s pour ne pas les mettre en difficulté.

Pourtant, les résultats sont aujourd’hui mitigés, car, globalemen­t la santé des entreprise­s ne s’est pas rétablie. Elles ne pourront certaineme­nt pas rembourser leurs crédits garantis ni même d’ailleurs ceux antécédent­s à la crise sans que l’activité ne reparte et qu’une croissance économique impacte de façon globale le pays.

Par contre, les banques croulent sous le poids des crédits risqués.

Il serait profitable qu’elles en soient débarrassé­es, du moins en percevant les garanties, assorties à certains d’entre eux.

Sans quoi, elles ne pourraient pas continuer à jouer leur rôle de financemen­t naturel des entreprise­s.

Sauf que le fonds de garantie de la CCG agit comme un levier et donc les crédits de soutien accordés sont bien plus importants que la garantie étatique …

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