La fuite en avant des sociétés cotées
Dans sa note de recherche sur le marché actions du mois d’avril, Attijari Research, sur la base de constats, attire notre attention sur un fait nouveau qui porte sur la politique de distribution de bénéfices des sociétés cotées, au-delà de la fonte de leurs résultats en cette période de crise économique.
En effet, la norme en matière de distribution de résultats est de partager avec les actionnaires le résultat réalisé par leur entreprise.
On parle d’ailleurs comptablement de résultat net d’impôt de la part de celui-ci dite distribuée, sachant que les sociétés anonymes, nature juridique des sociétés cotées, ont théoriquement le choix de la part de bénéfices à distribuer, à une petite exception près, celle de la constitution d’une réserve dite légale de 5% du résultat annuel à hauteur de 10% du capital.
Cette réserve destinée à renforcer les fonds propres des entreprises étant faible, elle peut être renforcée par des réserves statutaires donc imposées par les statuts des entreprises ou encore d’autres, dites tout simplement facultatives, qui sont décidées au moment de la distribution du résultat annuel.
Elles dépendent du montant distribué de fait car le bénéfice non distribué reste forcément en réserves dans l’entreprise.
Justement, cette alternative permet généralement aux sociétés, en général et anonymes et cotées en particulier, de constituer des réserves pendant les années fastes pour financer des investissements ultérieurs pour leur croissance ou tout simplement faire face aux moments difficiles.
Là, on ne peut qu’établir qu’il est tout simplement contre indiqué de distribuer une partie des résultats quand ceux-ci sont faibles, qu’ils ont connu une chute exceptionnelle pour cause d’une crise généralisée et qui s’inscrit dans la durée.
Et c’est le cas aujourd’hui avec la crise sanitaire de la Covid-19 et ses conséquences économiques.
Or, quelle n’est pas notre surprise que de constater que nombre de sociétés cotées ont procédé à une distribution de bénéfices, en de telles circonstances, préférant jouer le rôle de « la Cigale dans la fable de Jean de La Fontaine qui, contrairement à la fourmi, « ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue » !
En effet, selon les analyses d’Attijari Research du mois d’avril, après la publication fin mars 2021 des résultats financiers 2020 des sociétés cotées, les constats sont les suivants : En premier, les réalisations financières des sociétés cotées au terme de l’année 2020, ressortent faibles, sans grandes surprises pour les investisseurs.
Globalement, la masse bénéficiaire du marché boursier accuse en 2020 un repli significatif de -34,4%, de 17,4 milliards de dirhams.
Même si cette chute inclut l’effort de solidarité des sociétés cotées qui a atteint 6,6 MMDH, versés au profit du fonds spécial Covid-19, la croissance bénéficiaire corrigée de la cote reste négative de -29,0%.
Certes, certains secteurs ont été plus touchés que d’autres par la grave crise économique qui a sévi en 2020, comme les secteurs Financier et Immobilier, en raison d’un effort de provisionnement historique pour le premier et de la chute de la demande pour le second.
Toutefois, l’autre constat étonnant porte sur le fait que nombre de sociétés cotées ont consenti un effort considérable de distribution du peu de bénéfices qu’elles ont réalisé afin de rémunérer les investisseurs en Bourse.
Ainsi le montant total des dividendes décidés au titre de 2020 et en attente de distribution s’élève à 16,7 MMDH. Pire encore, le taux de distribution des bénéfices des sociétés cotées est de 96%, soit la quasi-totalité des bénéfices réalisés, qu’Attijari Research qualifie à juste titre d’historique !
Avec ce niveau de distribution de bénéfices des sociétés cotées, le rendement de dividende moyen offert par le marche en 2020 s’avère supérieur de 90 points de base aux Bons du Trésor à 5 ans, soit 2,9% contre 2,0%.
Mais cela tout en appauvrissant les sociétés concernées, dont l’avenir risque de ne pas leur garantir une croissance de résultats pour compenser les 100% de résultats distribués en 2020.
Preuve en est qu’à la mi 2021, la reprise économique n’est toujours pas au rendez-vous. Donc, en 2021, quels résultats réaliseraient ces sociétés ? N’y a-t-il pas un doute sur toute possibilité future de distribution des résultats 2021 ?
N’auraient-elles pas mieux fait de réserver le peu de résultats réalisés en 2020 pour faire face à la crise qui continue et dont on ne voit pas la fin ? L’avenir proche nous le dit déjà !