Le “come back ” gagnant de Maghreb Steel
Maghreb Steel revient de loin. Cette entreprise, à qui l’on refusait des crédits il n’y a pas si longtemps, souffrant d’un endettement de plusieurs milliards de dirhams, surfe de nouveau sur la vague de la réussite. Mais comment en est-on arrivé là ? Récit.
En 2015, Maghreb Steel était au bord du gouffre et sans un apport en numéraire de la famille Sekkat, l’actionnaire majoritaire, de 400 millions de dirhams, elle aurait depuis longtemps été rayée de la liste des entreprises du secteur sidérurgique national.
Depuis, il n’y a pas eu de nouvel apport en capital, mais un important abandon d’une partie de la dette junior, qui ne génère pas d’intérêt.
L’endettement de Maghreb Steel sur le long terme, se décompose en dette bancaire, de plus de trois milliards et demi de dirhams et en émissions obligataires.
Et, bonne nouvelle ! Il y a une dizaine de jours, les banques ont accepté un abandon sur une partie de leurs créances afin de permettre à la société de maintenir une situation nette positive à 25% du capital conformément aux règles sur la S.A. Cet abandon s’est chiffré à un milliard deux cents millions de dirhams et sera comptabilisé en 2021 en tant que bénéfice exceptionnel. Si, sur le plan financier, les créanciers font d’importants efforts pour maintenir l’aciérie à flot et conforter Maghreb Steel dans sa politique de consolidation de ses fondamentaux, c’est parce qu’elle est le principal fournisseur du marché local. Par ailleurs, fin 2019, la mise en place de mesures de sauvegardes commerciales par l’Etat s’est révélée efficace pour faire face à la très sévère crise impactant très négativement les prix et les marges.
Maghreb Steel, dont l’investissement initial a été colossal, a été créée dans le but d’être une aciérie nationale pour servir les besoins du pays, mais l’importation sauvage et le dumping l’en ont empêchée. Le management de la société n’a eu de cesse de réclamer une protection commerciale cohérente et globale qui a été logiquement obtenue . En effet, auparavant, les mesures de sauvegarde accordée par la puissance publique consistaient en des mesures anti-dumping ciblées, notamment contre les producteurs turcs, et n’étaient donc pas générales. Elles ne s’appliquaient pas aux produits venus notamment d’Ukraine, d’Egypte et des Etats-Unis, qui en 2018-2019, ont causé beaucoup de tort à Maghreb Steel. Fort heureusement, fin 2019 est entrée en vigueur la mesure de sauvegarde qui permet de préserver la production locale et la protéger pour une période donnée, par l’imposition de droits de douane à 25%, qui s’appliquent à tous les pays, à quelques exceptions près, en faveur de pays en voie de développement. Cette fois-ci, et comme demandé par Maghreb Steel et par l’écosystème, la protection englobe aussi les produits transformés et notamment les tubes.
Sans tarder, la récente protection publique accordée à Maghreb Steel a d’ailleurs donné lieu à un nouveau business plan adopté sur la base d’une étude qui établissait la viabilité de l’entreprise.
L’année 2020 l’a démontré en commençant sur un élan, même si la Covid l’a quelque peu ralenti, avant que l’activité de Maghreb Steel ne reprenne dès octobre de cette année-même.
Dès lors Maghreb Steel a bénéficié d’une autre bonne conjoncture, celle d’une envolée des prix de l’acier et une pénurie sur le marché international, qui l’a positionnée comme un producteur national essentiel. Sa production tourne quasiment à plein régime, notamment pour la partie froide de l’unité de Tit Mellil, et à 60% pour la partie chaude, aciérie et laminoir.
Pour le management de l’entreprise, il s’agit donc désormais de consolider son activité avec le maximum d’efficacité en termes de qualité et de délais, mais aussi de compétitivité.
Maghreb Steel peut alors se projeter sur les dix prochaines années de validité de la sauvegarde de l’Etat pour les produits chauds. Quant aux produits froids, protégés depuis 2015, la clause de sauvegarde sera valable jusqu’en 2024, ce qui laisse à l’entreprise trois années pour gagner en compétitivité malgré des droits de douane à zéro à cette échéance, alors que ces produits représentent un tiers de la production.
Dans cette perspective, Maghreb Steel poursuit donc plusieurs objectifs : consolider le marché local, élargir ce marché, chercher d’autres utilisations de l’acier et stimuler la demande, élargir la gamme de produits, et enfin assurer la réduction des coûts, ce qu’elle a commencé depuis un certain temps, avec de très bons résultats ces deux dernières années.
En effet, son principal objectif est de fidéliser une clientèle croissante.
Il s’agit des « tubistes et des stockistes », mais également des industriels. C’est qu’une bonne partie de la production va vers des clients qui vont transformer l’acier en tubes et qui vont vendre le tube, de la tôle en feuille, et qui offrent au marché une disponibilité et c’est pourquoi on les appelle « les stockistes ».
Ils s’adressent à ceux qui construisent des capacités de stockage, hangars, mais aussi à l’agriculture pour les serres, aux ouvrages d’art pour les ponts, les tours, etc.
Et ainsi, avec la fermeture du marché aux importations frauduleuses et de dumping, on peut prétendre qu’aujourd’hui, Maghreb Steel représente au moins 80% du marché local.
Cette embellie se confirme par ses chiffres puisque la société a enregistré un EBITDA 2020 meilleur que celui de 2019, et un début de 2021 largement supérieur à ce qu’il était au début de l’année dernière.
De plus, on constate une amélioration des volumes, mais aussi des marges parce que depuis octobre 2020, les prix de l’acier ont augmenté à l’international.
Les prix de la matière première ont certes augmenté, mais l’augmentation des produits finis a été supérieure à celle de l’acquisition des matières premières.
Par ailleurs, Maghreb Steel, pour conforter ses clients face à la hausse brutale à l’international du prix de l’acier, a joué un rôle tampon en leur faveur. Par exemple, la livraison actuelle de commandes passées en novembre et décembre aux prix de l’époque, sans répercussion donc des dernières augmentations survenues entretemps. De plus, la société n’a pas hésité à baisser ses allocations à l’export pour assurer la disponibilité de la matière aux consommateurs marocains. Ainsi, et contrairement à nos voisins, il n’y a pas eu de cas graves de ruptures induisant des arrêts prolongés d’usines.
Aussi, elle accompagne ses clients en consentant des gestes commerciaux afin de leur permettre d’honorer leurs engagements sur les marchés remportés avant la hausse.
Et ces dernières sont parfois très conséquentes. Ainsi, pour la ferraille, si la tonne était à 250 dollars il y a six mois, aujourd’hui, elle coûte 460 dollars !
Pour le laminé à chaud, il valait entre 450 et 500 dollars il y a six mois et aujourd’hui, il coûte entre 900 et 1000 dollars la tonne. In fine, en ce début de 2021, la situation de Maghreb Steel est bien meilleure, et son management affirme disposer d’une bonne visibilité à court terme avec des carnets de commandes fournis sur trois mois. L’on sait déjà donc que le premier semestre sera très bon pour Maghreb Steel, avec un premier trimestre où le milliard de dirhams de chiffre d’affaires a été dépassé, tandis que le second trimestre sera sans doute encore meilleur !
La poursuite de cette tendance donnerait de très bons résultats 2021, à l’image de ceux réalisés au premier semestre.
Ainsi, Maghreb Steel aura réussi un très beau redressement avec des résultats plus que probants. Ce qui prouve que le concept d’une industrie nationale de l’acier est absolument stratégique pour le Royaume, comme nous l’a enseignée la perte de la SAMIR comme raffinerie nationale.