Des recommandations pour un développement pérenne du digital au Maroc
Ce mois de janvier, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a organisé un atelier de restitution virtuel, dédié à la présentation de l’avis du Conseil intitulé « vers une transformation digitale responsable et inclusive », particulièrement d’actualité dans la foulée du lancement de l’initiative MoroccoTech. Dans son allocution d’ouverture, le président du CESE, M. Ahmed Réda Chami, a mis en avant l’importance du digital comme pilier essentiel de transformation stratégique, au regard de son impact transversal sur la gouvernance, la transparence, le bon fonctionnement des services publics, l’inclusion de la population, ainsi que sur la dynamique économique. « Conscient de l’importance de ce secteur créateur d’opportunités économiques et sociales majeures, notre pays a mis en oeuvre, depuis des années, plusieurs stratégies et programmes en vue d’accélérer sa transformation digitale tels que Maroc numérique 2013 et Maroc digital 2020 », a rappelé M. Chami. Il s’est également doté d’arsenal juridique et d’instances spécialisées en la matière dont l’Agence du Développement du Digital (ADD), la Commission Nationale de Contrôle de la Protection des Données à Caractère Personnel (CNDP) et la Direction Générale de la Sécurité des Systèmes d’Information (DGSSI), a-t-il ajouté. M. Chami a également mis l’accent sur les avancées notables qui ont été réalisées dans ce sens, notamment en termes d’infrastructures d’accès assurant une bonne couverture télécom et un accès généralisé à la téléphonie mobile, et en matière de digitalisation de l’administration et de certains secteurs (services bancaires numériques, paiement des taxes et impôts en ligne, dématérialisation des procédures douanières, le e- parapheurs, la plateforme « TELMIDTICE » pour l’enseignement à distance, etc.).
Mais le CESE a relevé de nombreux manquements qui empêchent le Royaume de tirer pleinement avantage des potentialités du digital. En effet, les différents efforts fournis et initiatives lancées restent manifestement insuffisants pour assurer les prérequis d’une transformation digitale aboutie et résorber une fracture numérique patente que la crise de la Covid-19 n’a fait qu’exacerber, a fait observer le président du Conseil. Et de préciser que plusieurs faiblesses et fragilités peuvent expliquer cette situation, notamment un retard accusé dans la mise en oeuvre de politiques antérieures de transformation digitale au niveau de plusieurs secteurs tels que l’administration, la santé, l’éducation et l’industrie le caractère parcellaire et parfois inadapté du cadre législatif et réglementaire, notamment en matière de télétravail, une faible couverture géographique en infrastructures Internet haut débit et très haut débit. Il s’agit également du nombre insuffisant d’acteurs technologiques marocains, de la faible production du contenu digital, culturel et éducatif national, en plus de la feuille de route nationale en matière d’IA qui peine à voir le jour ou à se déployer, a-t-il estimé.
Des recommandations concrètes
Sur la base d’un diagnostic partagé, le CESE a formulé une vision et plusieurs recommandations pour faire du digital un véritable levier de développement économique et social de notre pays, a fait savoir M. Chami, notant que deux prérequis demeurent nécessaires à toute avancée à ce niveau.
Premièrement, assurer, dans un délai maximal de trois ans, un accès généralisé à l’Internet haut débit et très haut débit, à l’ensemble de la population, avec une qualité de service satisfaisante et un prix concurrentiel abordable et deuxièmement, moderniser, dans un délai maximal de trois ans, les services administratifs par la digitalisation de l’ensemble des procédures administratives, a fait savoir le président du CESE. Et d’expliquer: « Grâce aux gains en productivité et efficience provenant de la dématérialisation, ceci pourrait à terme économiser environ 718 millions d’heures de travail par an, soit une économie de l’ordre de 1% du PIB (plus de 10 milliards de dirhams) ». Il s’agit également d’augmenter la contribution du secteur des Technologies de l’information et de la communication à plus de 10% du PIB et le lancement d’au moins une licorne marocaine dans le domaine de l’intelligence artificielle, la Fintech ou l’Agritech dans un délai de cinq ans, a-t-il noté. « Il est important d’ériger l’IA en priorité nationale dans le chantier de la transformation digitale du pays eu égard à son importance capitale, aux plans stratégique et économique et aux réponses qu’elle apporterait aux besoins différenciés des citoyens », a souligné à ce propos M. Chami De son côté, Amine Mounir Alaoui, président de la commission chargée de la société du savoir et de l’information qui a supervisé l’élaboration de l’avis, a insisté sur la numérisation totale de l’ensemble des procédures administratives de bout en bout et la mise à disposition du réseau très haut débit pour le maximum de citoyens de manière à ce qu’ils puissent accéder à ces services, ce qui rendra la relation entre les citoyens et l’administration simplifiée.
Il a également souligné l’impératif d’intégrer la digitalisation dans la vie quotidienne des jeunes et faire en sorte que ça devienne réellement une façon de vivre.
L’atelier virtuel a vu s’enchaîner les interventions et les présentations sur le sujet. Parmi celles-ci, on notera les remarques des évaluateurs internationaux quant au développement du numérique au Maroc. Si le Royaume performe bien sur certains indicateurs, comme l’internet mobile, tous relèvent des faiblesses au niveau de l’internet fixe, ainsi que de l’inclusivité du digital. Poursuivre le développement digital du Royaume sans remédier en premier lieu à ces faiblesses fondamentales ne ferait que les aggraver davantage…