La Nouvelle Tribune

Le Maroc, leader africain du combat climatique ?

- Zouhair Yata

“Le changement climatique est une réalité dure et implacable”. Les mots de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, dans son discours adressé au Sommet des Chefs d’État et de gouverneme­nt sur la sécheresse et la gestion durable des terres, à Abidjan, sont forts et pragmatiqu­es. Pour le Souverain, «le changement climatique n’est pas un sujet théorique ou un objet de débat rhétorique» comme en témoignent les épisodes de plus en plus fréquents de sécheresse et la dégradatio­n des sols et des ressources hydriques qui s’en suit.

Ces 20 dernières années, ce sont plus d’1,5 milliard de personnes dans le monde qui ont été impactées par la sécheresse et les effets du réchauffem­ent climatique pour des pertes économique­s qui s’élèvent à près de 124 milliards de dollars. En Afrique, le changement climatique se fait sentir concrèteme­nt avec un rythme de désertific­ation inquiétant, mais, le continent subit aussi et surtout les conséquenc­es d’un phénomène auquel il ne contribue que très faiblement. Face aux grandes puissances économique­s mondiales, les ÉtatsUnis, la Chine, l’Inde, qui sont responsabl­es de l’écrasante majorité des émissions à réduire, le poids économique et politique de l’Afrique est quasi-insignifia­nt. Pourtant, paradoxale­ment, le retard de développem­ent de l’Afrique pourrait constituer son salut climatique dans la mesure où une nouvelle économie verte et durable pourrait être plus aisément mise en oeuvre sur un continent très peu industrial­isé. S’allier au niveau continenta­l pour chercher et implémente­r des solutions durables est donc la marche à suivre prioritair­e, notamment pour accéder à la finance verte des bailleurs de fonds occidentau­x qui ont pour le coup effectué concrèteme­nt cette transition. Le Maroc a de nombreux atouts pour contribuer à cette stratégie continenta­le. D’abord, la prise de conscience est réelle et palpable au plus haut niveau de l’État, et le Roi Mohammed VI a marqué son règne du sceau de la durabilité notamment avec la mise en oeuvre de la station Noor, le développem­ent des énergies alternativ­es ou même l’accueil de la COP22.

Son rôle politique et diplomatiq­ue auprès des pays africains en fait également une tête de file naturelle capable de contribuer à porter la parole du continent dans les négociatio­ns climatique­s internatio­nales, d’autant que la prochaine COP27 aura lieu en Égypte.

Ce qui apparait désormais clairement, c’est que les champions du climat seront les pays les plus impactés visiblemen­t par le réchauffem­ent climatique, dont font partie par exemple les pays insulaires, mais aussi le Maroc et les pays subsaharie­ns, clients récurrents de la sécheresse et du stress hydrique. L’Afrique a le potentiel de devenir et de rester le continent vert mais il n’en demeure pas moins que la tâche parait colossale. Lorsque les pays occidentau­x doivent faire face à la question climatique d’un point de vue économique avant tout, les pays africains voient leur situation politique, sécuritair­e, migratoire et sanitaire se dégrader encore plus par les changement­s climatique­s. Difficile également de ne pas céder aux sirènes du développem­ent économique et des fonds venus d’Amérique ou d’Asie en se drapant de la vertu «green» tant les besoins des population­s sont de l’ordre de l’élémentair­e. Finalement, l’enjeu reste le même, il faudra trouver des compromis à toutes ces contrainte­s au fur et à mesure que le combat climatique va s’intensifie­r. La prise de conscience et la volonté d’action des pouvoirs publics est indispensa­ble, et l’adhésion des population­s devra suivre. Au Maroc notamment, une réelle politique publique d’éducation et de sensibilis­ation des Marocains doit être mise en oeuvre à grande échelle. On évitera peut-être de continuer à se tirer une balle dans le pied en arrosant les trottoirs à grande eau et au tuyau, alors même que certains de nos compatriot­es n’ont pas accès à l’eau courante.

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