Une “véritable alliance africaine" face à un “ennemi commun"
Discours du Roi Mohammed VI à Abidjan
Le Roi Mohammed VI a appelé à la mise en place d’une «véritable alliance africaine contre la désertification», dotée de ressources financières et technologiques adéquates et propres à une action efficace.
Dans un discours adressé au Sommet sur la sécheresse et la gestion durable des terres, qui a ouvert ses travaux lundi à Abidjan, et dont lecture a été donnée par le ministre de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, M. Mohamed Sadiki, SM le Roi a salué l’Initiative d’Abidjan qui sanctionnera les travaux de ce Sommet, formant le souhait qu’elle soit « la plateforme d’une mobilisation soutenue et pratique, afin de traduire les engagements politiques en actions concrètes».
«Nous sommes résolument décidés à mener le combat contre cet ennemi commun, par une action coordonnée et solidaire», a affirmé le Souverain relevant que cette rencontre de haut niveau fait partie des «initiatives régionales phares, adaptées aux réalités africaines, qui concourent à faire émerger la résilience africaine face à la sécheresse».
Face à un climat qui change, des ressources hydriques qui se raréfient, des populations qui croissent, des villes qui s’étendent et des terres agricoles qui se réduisent et se dégradent, le Sommet d'Abidjan apporte une logique d'action qui est la bienvenue, parallèlement à l’échéance conventionnelle de la COP 15 sur la désertification. «Contre la sécheresse et la dégradation des terres, Notre conviction est faite. L’heure est effectivement à l’accélération de la mise en oeuvre de programmes opérationnels de lutte contre la désertification, dans le cadre d’une coopération régionale concrète, pragmatique et renforcée», a dit le Souverain, se félicitant du fait que l’initiative d’Abidjan s’inscrive dans la continuité de l’élan donné par le Sommet Africain de l’Action en faveur d’une co-émergence continentale, organisé à Marrakech en marge de la COP 22 sur le climat.
SM le Roi a souligné, dans ce cadre, que la complémentarité est effectivement «parfaite» entre l’Initiative d’Abidjan et les trois Commissions Climat pour l’Afrique issues du Sommet de Marrakech de 2016 : la Commission du Bassin du Congo ; la Commission de la Région du Sahel ; et Commission des Etats Insulaires, relevant que l’initiative d’Abidjan résonne aussi avec l’Initiative Triple A pour une Agriculture Africaine Adaptée, et l’Initiative 3S pour la Soutenabilité, la Stabilité et la Sécurité en Afrique.
Dans son discours, le Souverain s’est attardé sur la situation en Afrique, un continent particulièrement touché par la désertification, avec des millions d'hectares menacés en raison de l'avancée du désert, qui progresse dans certaines régions à un rythme de 5 km par an.
Un état des lieux préoccupant puisque «la dégradation des terres est un multiplicateur de vulnérabilités». Et d'ajouter : «Avec la sécurité environnementale, se trouvent en jeu la sécurité alimentaire, la sécurité humaine et la sécurité "tout court". Une terre perdue à la vie est une terre gagnée à l’insécurité». Il a précisé sur ce point que «les zones en prise avec une dégradation extrême des conditions environnementales, sont bien souvent aussi, celles où les conflits éclatent, où les populations sont déplacées et où les groupes terroristes et séparatistes cherchent à s’infiltrer».
Autant de faits qui prouvent que «le combat contre la désertification et la dégradation des terres est véritablement une lutte existentielle, qui se pose à tous, et à l’Afrique, avec une acuité singulière», a souligné le Souverain, insistant que «le combat ne doit s’achopper ni à l’absence de capacités technologiques, ni au défaut de ressources économiques, ni – encore moins – à un manque de volonté politique».
Pour réussir ce «combat de tous, et de tous les instants» contre la désertification, SM le Roi a fixé les défis à relever : réduire les vulnérabilités à la sécheresse ; construire des capacités de gestion durable des terres ; faire converger les efforts régionaux et internationaux ; permettre le déploiement de solutions spécifiques et maîtriser le stress hydrique. C'est dans cet état d'esprit qu'intervient, justement, le Sommet d'Abidjan sur la sécheresse et la gestion durable des terres qui constitue, comme l’a souligné SM le Roi, «le visage déterminé d’une mobilisation concrète face au problème de la sécheresse qui, dans notre continent africain plus qu’ailleurs, constitue un défi structurel» et «le reflet éclatant de cette Afrique qui Nous est si chère : l’Afrique entreprenante, qui prend son destin en main». Du côté du Maroc, le Royaume est conscient que « la lutte contre le changement climatique n’est pas seulement une affaire d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de gestion durable des terres», s'est engagé sur plusieurs fronts, particulièrement ceux de la préservation des écosystèmes, de la sauvegarde de la biodiversité et de l’atténuation de la précarité des populations vulnérables. Cet engagement s'est traduit par des actions entreprises sur les plans régional et international avec, à chaque fois, une déclinaison nationale, a pour
suivi le Roi Mohammed VI. Ainsi, «le Maroc, qui a abrité la COP 22, est aussi celui qui a révisé à la hausse sa Contribution Déterminée Nationale à 45,5 % de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon 2030 », a-t-il rappelé dans ce cadre.
Par ailleurs, le Souverain a souligné la centralité de la question de l'eau qui se situe «à l'intersection de Notre engagement pour la lutte contre la sécheresse, la sauvegarde de la biodiversité et la préservation des écosystèmes».
Cette cause ne doit pas être perçue comme «un sujet théorique ou un objet de débat rhétorique» mais plutôt comme « une réalité dure et implacable, qui sévit par des sécheresses de plus en plus fréquentes, de plus en plus intenses et de plus en plus dévastatrices", insiste le Souverain, faisant observer qu'avec plus de 1,5 milliard de personnes impactées dans le monde et plus de 124 milliards de dollars de pertes économiques durant les vingt dernières années, la récurrence des épisodes de sécheresse et la cadence de la dégradation des sols « se posent réellement en défi majeur» au monde d'aujourd'hui.