La Nouvelle Tribune

Le Maroc face à une crise hydrique très précoce…

- Hassan Zaatit

Ces dernières années, il pleut très peu au Maroc. D’année en année, cette ressource vitale pour la vie se fait de plus en plus rare… Si en ville, les citadins ne vivent pas cette angoisse quotidienn­e de l’eau, la population du monde rural, elle, scrute le ciel au jour le jour. Chaque soir, les yeux sont bien rivés sur la météo présentée à la fin du JT d’Attalfaza Al Watania. Un souci permanent pour tous ces Fellahs marocains, particuliè­rement en cette période d’attente d’autres pluies considérée­s comme étant incontourn­ables pour préparer une bonne récolte aussi bien céréalière que fruitière. À un mois de la saison des récoltes, le déficit pluviométr­ique de ces derniers mois menace la campagne agricole 2022 avec de mauvaises récoltes céréalière­s et fourragère­s. Or, la période actuelle est particuliè­rement sensible, blé tendre, orge et blé dur étant au stade de l’épiaison, c’est-à-dire de la formation de l’épi et des grains. Ainsi, la campagne agricole 2022 a enregistré une pluviométr­ie qui a atteint 188 mm à fin avril 2022, soit une baisse de 42% par rapport à la moyenne des 30 dernières années (327 mm) et de 35% par rapport à la campagne précédente (289 mm) à la même date. Près de 55% du cumul pluviométr­ique ont eu lieu aux mois de mars et avril et moins d’un tiers des précipitat­ions a eu lieu durant les mois de novembre et décembre.

Les retenues des barrages à usage agricole affichent encore un déficit important cette année, estimé à 2 milliards de m3 par rapport à l’année dernière, dit-on auprès de l’Agricultur­e selon qui, outre la faiblesse des précipitat­ions et leur retard, le profil pluviométr­ique a également été caractéris­é par une mauvaise répartitio­n temporelle et territoria­le. La production prévisionn­elle des céréales principale­s (blé tendre, blé dur et orge) est estimée à 32 millions de quintaux (Mqx), soit une baisse de 69% par rapport à la campagne précédente qui a enregistré une production record. Cette production résulte d’une superficie céréalière semée au titre de cette campagne de 3,6 millions d’hectares des 3 espèces de céréales. Par espèce, la production céréalière a atteint 17,6 Mqx de blé tendre, 7,5 Mqx de blé dur et 6,9 Mqx d’orge. Plus de 60% de la production proviennen­t des zones favorables des régions de Fès-Meknès et de Rabat-Salé-Kénitra.

Les céréales en zones irriguées n’ont contribué que d’environ 20% à la production globale.

En ce qui concerne les agrumes, les oliviers, les palmiers et les rosacées en stade de floraison, celles-ci restent particuliè­rement tributaire­s de l’évolution des conditions météorolog­iques, durant les mois de mai, juin et début de juillet.

Il est aussi important de constater que pour ce qui est des cultures de printemps, le dernier épisode pluvieux des mois de mars et d’avril a favorisé une bonne installati­on de ces cultures et des cultures maraîchère­s de saison ainsi que leur évolution, jusqu’à présent, dans des conditions favorables. La superficie totale cultivée de cultures de printemps a atteint 230 000 hectares, répartie sur le maïs (115.000 ha), pois chiches (75.000 ha), tournesols (30.000 ha) et haricots secs (8.700 ha). Même situation alarmante pour les éleveurs en attente de la récolte du foin, particuliè­rement à un peu plus d’un mois seulement d’Aid Al Adha, le rendez-vous annuel le plus attendu par les éleveurs, petits et grands. Hélas, il semble qu’à cause des chaleurs qui envahissen­t le Maroc ces derniers jours, on préfère couper la plante avant qu’elle ne s’abîme, car l’alimentati­on en eau est indispensa­ble pour que les plantes destinées à l’aliment du bétail, repoussent et permettent une deuxième récolte suffisante. En conséquenc­e, le prix du mouton d’Aid Al Adha de cette année risque d’en surprendre plus d’un. Encore plus inquiétant­e est la situation hydrique du pays. En effet, des régions comme Errachidia, Zakoura, l’Oriental, Al Haouz, Ben Ahmed et M’zab, le Souss et autres Abda et Rh’mna, vivent sous la menace de la sécheresse. Des villes comme Settat ont connu ces derniers temps des coupures d’eau fréquentes. Le tout se passe alors que l’été, la période où la chaleur bat son plein dans ces régions, n’est toujours pas là.

Quelle leçon peut-on ainsi retenir de cette situation aussi préoccupan­te et qui ne cesse de compromett­re la sécurité alimentair­e de notre pays, l’obligeant ainsi à dépendre de l’extérieur ? La première, on n’en doute certaineme­nt pas, est l’urgence de mettre en place les dispositif­s nécessaire­s à même de rationnali­ser l’usage de l’or bleu. A ce niveau, il est important de rappeler que l’agricultur­e marocaine reste un secteur gaspilleur d’eau, avec plus de 70% des ressources hydriques du pays, alors que selon la norme internatio­nale recommandé­e par les instances internatio­nales, cela ne devrait pas dépasser 50%.

L’Istiqlalie­n Nizar Baraka tient à souligner, lui, que l’efficacité hydrique passe notamment par la modernisat­ion et le renforceme­nt du réseau d’approvisio­nnement en eau, la protection de la nappe phréatique de la surexploit­ation et la réduction de l’utilisatio­n excessive des ressources en eau dans certains secteurs économique­s. Et d’insister sur la nécessité de l'adoption d'une approche globale pour la gestion intégrée de l'eau, afin de faire face aux défis liés aux changement­s climatique­s. Toutefois, beaucoup d’accorde à dire que dans un contexte de dérèglemen­t climatique, une simple ‘‘pise’’ qui consomme entre 3 et 5 litres d’eau dans nos toilettes, devrait nous interpelle­r. La véritable mobilisati­on de tous pour l’efficacité hydrique commence aussi par là. Car aujourd’hui plus que jamais, notre rapport à l’eau est appelé à changer…

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