La Nouvelle Tribune

Quel scénario pour l’économie marocaine et la courbe des taux en 2022 ?

- Selim Benabdelkh­alek

L’Associatio­n Profession­nelle des Sociétés de Bourse (APSB) et la Bourse de Casablanca ont lancé ce mardi 17 mai leur 3ème cycle de conférence­s sur les résultats des sociétés cotées et leurs perspectiv­es. Pour la première rencontre, organisée en format hybride à la Bourse de Casablanca, Ahmed Zhani, directeur de la recherche macroécono­mique chez CDG Capital, a livré les analyses et prévisions de la filiale de la CDG. Une analyse particuliè­rement attendue dans une conjonctur­e mondiale très tendue et incertaine, avec une forte montée de l’inflation à travers le monde et une flambée de l’ensemble des cours des matières premières.

Younès Sekkat, Président de l’APSB, a tout d’abord expliqué dans son mot d’ouverture que « le Maroc a traversé plusieurs crises mondiales et sa résilience a été saluée […] La pandémie a démontré la capacité du Maroc à rebondir avec les différente­s mesures de soutien à l’économie ». Pourtant, « malgré cela, ces crises ne sont pas sans impact sur l’économie réelle et les marchés financiers ». D’où le titre de la présentati­on de M. Zhani : « Des équilibres fragiles dans un contexte global tendu ». Il a tout d’abord rappelé l’accumulati­on de crises qui marque la conjonctur­e actuelle : « Il s’agit d’abord d’une envolée des prix des matières premières énergétiqu­es, le fort accroissem­ent des coûts du fret et la perturbati­on des chaînes de valeurs ». Ensuite vient le conflit est-européen et les sanctions qui en découlent, et le resserreme­nt des politiques monétaires face à l’inflation, malgré la fragilité de la reprise. Mais ce n’est pas tout : « À ces 3 faits marquants je rajouterai­s la stratégie 0 covid de la Chine et sa perturbati­on des chaînes d’approvisio­nnement et de valeur ».

C’est pourquoi « l’ensemble des indices de la Banque Mondiale évoluent dans un sens haussier ». Heureuseme­nt pour OCP, et donc le Maroc, « la seule bonne nouvelle, c’est la hausse des prix de la roche phosphatée et fertilisan­ts, ce qui devrait équilibrer notre balance commercial­e et ramener de la valeur et des devises ».

Pour le Maroc qui subit la hausse des prix, le rétrécisse­ment des conditions de financemen­t à l’internatio­nal (les capitaux revenant vers les pays développés en temps de crise), et le ralentisse­ment de la demande étrangère (nos partenaire­s européens étant eux-mêmes en crise), les équilibres macro-économique­s du Royaume seront touchés : ralentisse­ment de la croissance économique, creusement du déficit commercial, hausse de l’inflation et plus grande difficulté à trouver de bonnes conditions de financemen­t à l’internatio­nal telles que prévues dans la Loi de finances 2022.

Les autres facteurs qui devraient toucher l’économie nationale et son évolution sont bien évidemment le risque de sécheresse et son impact sur la VA agricole, qui devrait afficher une très forte baisse. La hausse des prix des intrants impactera les marges du secteur secondaire. Notons toutefois que le tertiaire devrait mieux s’en sortir, avec la reprise du tourisme et du transport (qui profiteron­t d’un effet base très élevé après un quasiarrêt en 2021). L’économie est également touchée, comme tous les Marocains l’auront remarqué, par la composante alimentair­e et importée de l’inflation, avec un pic historique à 9,1% en mars. La demande interne devrait, comme celle externe, baisser cette année, avec un chômage toujours élevé, le retour des transferts des MRE à leur niveau habituel après un record en 2021 et la faiblesse des crédits bancaires.

Tout ceci aura un effet sur les équilibres extérieurs, avec « un creusement important du déficit commercial », selon M. Zhani.

Stabilité du cadre monétaire Du côté du cadre monétaire, « les prévisions reflètent une stabilité », selon CDG Capital, qui précise que le creusement de la liquidité ne devrait pas s’aggraver outre mesure, « si l’on se base sur la prévision d’une améliorati­on des réserves de change qui devrait compenser l’accroissem­ent de la circulatio­n fiduciaire ».

M. Zhani juge également que l’inflation au Maroc a un caractère passage, et que comme elle ne provient pas d’une hausse de la demande ou de la création monétaire, mais pslutôt d’une composante importée et d’un choc alimentair­e côté offre, Bank Al-Maghrib ne peut pas influer dessus avec sa politique monétaire, ce qui laisse supposer que la banque centrale laissera le taux directeur inchangé.

Stabilité du cadre monétaire

Du côté des finances publiques, « la tendance des charges est toujours haussière et que les recettes se redressent graduellem­ent et réduisent le déficit ordinaire ». CDG Capital prévoit ainsi une baisse du déficit, mais « tant qu’il demeure à un niveau qui dépasse la croissance, on devrait toujours avoir une alimentati­on du stock d’endettemen­t ». CDG Capital a donc établi plusieurs scénarios pour l’année 2022. Le scénario central, le plus probable selon les analystes, est donc le maintien du taux directeur, un besoin maîtrisé du Trésor public, une demande des opérateurs stable, et une exécution partielle du programme du financemen­t à l’internatio­nal (du fait de conditions dégradées). Ce scénario entraînera­it une stabilité de la partie courte de la courbe et une hausse supplément­aire des segments moyen et long termes, analyse CDG Capital.

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