La Nouvelle Tribune

Les États peuvent-ils se passer des règles d’encadremen­t budgétaire ?

- Afifa Dassouli

La situation budgétaire s’est dégradée dans la majorité des pays, avec les dépenses de santé de la pandémie et le soutien aux économies. Il en est résulté des déficits budgétaire­s qui se sont creusés jusqu’à -8% et des taux d’endettemen­t qui ont dépassé le montant du PIB dans les pays occidentau­x, à 120 voire 130%. La France par exemple, a été tout particuliè­rement concernée avec sa politique de quoiqu’il en coûte.

Ainsi, les règles d’encadremen­t budgétaire européenne­s qui imposaient un plafond de 3% de déficit budgétaire et un endettemen­t à moins de 60% du PIB, sont tout simplement devenues caduques.

L’arrêt de l’activité économique, considéré comme une force majeure, justifiant la généralisa­tion des difficulté­s budgétaire­s, n’a soulevé aucune contestati­on de la Commission européenne, qui a laissé chaque pays faire face à ses propres difficulté­s en s’endettant tout simplement. Et, la politique accommodan­te des banques centrales les a également encouragés par ses rachats massifs de dettes publiques.

La pandémie maîtrisée, la suspension du pacte de stabilité devait prendre fin au 31 décembre 2022, mais le 24 mai dernier, la Commission Européenne a décidé de proroger ce délai à fin 2023 en espérant que les règles d’encadremen­t budgétaire­s européenne­s, seront rétablies début 2024.

En effet, avec la « fin » du Covid 19, et la reprise économique, les règles budgétaire­s notamment européenne­s se devaient d’être corrigées pour accompagne­r les pays vers plus d’orthodoxie, mais la crise ukrainienn­e les en a empêchés. La Commission a dû laisser aux États la latitude de faire face à la crise énergétiqu­e, l’inflation des matières premières et des produits alimentair­es, causées par la guerre en Ukraine.

Elle soutient ainsi la reprise post-pandémie tout en préparant la sortie avant 2030 de la dépendance européenne à l’énergie russe. Les gouverneme­nts doivent adapter leurs politiques à des développem­ents imprévisib­les. Les pays les moins endettés doivent privilégie­r les investisse­ments pour tirer l’économie européenne, et ceux les plus endettés, en particulie­r la Grèce, l’Italie et Chypre, et donner la priorité à une réduction graduelle de leur dette sur la base de recommanda­tions spécifique­s de la Commission européenne pour chaque pays.

Bien qu’en réalité la guerre en Ukraine et l’incertitud­e et les risques importants de dégradatio­n des perspectiv­es économique­s imposent à Bruxelles de reporter la réforme du pacte de stabilité, même s’il s’avère être un chantier structurel. D’ailleurs, cette décision européenne concerne également les pays partenaire­s de l’Europe qui étaient implicitem­ent soumis à ces Règles de gestion Budgétaire. Alors même que certains ne sont ni à la dimension des budgets européens ni à celui de leur croissance économique. C’est le cas du Maroc, qui se conformait aux règles européenne­s pour maitriser ses fondamenta­ux budgétaire­s. Et qui depuis, avec les crises sanitaire et économique, a vu son déficit budgétaire doubler à plus de 6% et son endettemen­t atteindre les 70% du PIB. Il continue certes à s’endetter pour assurer le financemen­t de son budget, tout en retenant la recommanda­tion européenne d’investir pour relancer la croissance de son économie.

Une autre leçon est à retenir en la matière par tous les pays européens, le Maroc et d’autres encore, celle que le Premier Ministre britanniqu­e, Boris Johnson a prise la semaine dernière, pour juguler l’inflation des prix des produits énergétiqu­es. Il s’agit de l’instaurati­on d’une taxe exceptionn­elle sur les géants de l’énergie qui permet de ponctionne­r 5 milliards de livres sur leurs profits. Ainsi, alors que l’inflation pourrait dépasser les 10 % au Royaume Uni, il a introduit une taxe exceptionn­elle de 25% aux producteur­s de gaz et de pétrole. Ces derniers bénéficier­ont en échange d’un mécanisme de soutien à l’investisse­ment leur permettant de récupérer, pour 1 livre sterling investie, 90 centimes en crédit d’impôt. C’est le troisième pays européen à s’engager sur cette voie de la taxation des producteur­s d’énergie après l’Italie et la Hongrie. Une solution pour augmenter les recettes fiscales et diminuer relativeme­nt l’endettemen­t public, tout en allégeant le poids de l’inflation sur les ménages…

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