La crise sanitaire a favorablement impacté les transferts de fonds
Selon un rapport de la Banque Mondiale, les transferts de fonds des migrants constituent la principale source de financement extérieures, pour les pays en développement de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), devant l'aide publique au développement, l'investissement direct étranger (IDE) et les flux de placement et d'endettement. En 2021, les envois de fonds vers les pays en développement de la région MENA ont augmenté de 7,6% pour atteindre 61 milliards de dollars. A l’occasion de la Journée internationale des envois de fonds à la famille instaurée par l’Organisation des Nations Unies et dans l’objectif de célébrer les 5 millions de femmes et d’hommes marocains travailleurs migrants à travers le monde, H2OHUB en partenariat avec CAP Unlimited ont organisé un déjeuner-débat, sponsorisé par Wafacash, autour de la thématique «Les transferts de fonds un levier économique et social, l’impact de la pandémie COVID-19».
Il est à préciser qu’au Maroc, les transferts de fonds effectués par les Marocains résidant à l'étranger se sont élevés à près de 93,3 milliards de dirhams à fin décembre 2021, contre 68,18 milliards de dirhams une année auparavant, selon l'Office des changes. Un chiffre record qui montre l’importance de cette manne financière.
Plusieurs explications peuvent justifier cette hausse selon Hazim Sebbata, président-APEP et DG de Cashplus, notamment l’envie des MRE de soutenir leur famille durant la crise sanitaire.
Une explication soutenue par Laidi El Wardi, vice-président de 13ème région des Marocains entrepreneurs du Monde de la CGEM qui souligne que des études ont démontré que les transferts de migrants augmentent de manière significative dans deux cas de figure : une crise dans le pays d’origine ou une crise dans le pays de résidence.
L’autre explication est le fait que les gouvernements européens ont soutenu financièrement leurs citoyens durant cette crise, dont les MRE qui sont restés au Maroc.
Une explication donnée également par la Banque mondiale qui estime que la croissance économique enregistrée dans les pays d'accueil de l'Union européenne, ainsi que par les migrations de transit, ont contribué à la hausse des envois vers des pays d'accueil temporaire comme l'Égypte, le Maroc et la Tunisie. La troisième explication selon M. Sebbata, est la formalisation du flux d’argent qui jadis était informel et par conséquent ne pouvait pas être compté. En effet, la fermeture des frontières aériennes et terrestres a poussé les MRE, qui envoyaient de l’argent à leur famille à travers les amis, la famille ou autres connaissances, à se tourner vers les établissements de paiement et les banques.
Les intervenants ont souligné le fait que les transferts de fonds des migrants impactent significativement et positivement la croissance économique et l’investissement dans les pays de destination. Cette manne financière que reçoivent les familles des migrants est principalement dédiée à subventionner leurs besoins en matière de logement, d’éducation, d’alimentation et de santé.
«Plus de 80% des transferts des MRE sont destinés à la consommation (paiement de factures, etc.), 15% va à l’investissement immobilier et puis le reliquat vas vers de l’investissement productif», a souligné Karim Amor, président de la 13ème région des MeM de la CGEM. Et de préciser que la 13ème région des MeM veut susciter l’intérêt des MRE pour investir au Maroc et d’accompagner la dynamique de développement de l’économie nationale. Des pistes sur la manière dont les transferts de fonds pourraient être utilisés afin de faciliter l’insertion des pays émergents dans les mécanismes de la finance internationale ont ainsi été présentées. Cette insertion serait d’autant plus nécessaire pour cause de diminution des aides publics au développement, qui obligerait les pays à se tourner vers des modes de financement privés, dits «innovants». Une des pistes explorées concerne justement l’utilisation des transferts de fonds comme une garantie de revenus à
moyen ou long terme.
Le rôle de la digitalisation
Le digital ne pèse pas encore beaucoup pour le comparer aux circuits classiques du transfert des fonds explique Mouawia Essekelli, PDG de Wafacash. Et de préciser que c’est un moyen qui permet de réduire le coût d’envoi à moins de 3% qui est l’objectif initial des grands organismes internationaux, notamment l’ONU et la Banque mondiale. Il est à noter que selon la base de données de la Banque mondiale sur les coûts des transferts d’argent dans le monde, le tarif moyen pour l’envoi de 200 dollars était de 6% au quatrième trimestre de 2021, soit le double de la cible fixée par les Objectifs de développement durable (ODD), à savoir 3%. Au Maroc, chez certains opérateurs, les commissions atteignent jusqu’à 15%, souligne M. Amor. «Aujourd’hui à travers les fintechs et à travers la digitalisation telle qu’elle se profile, on pourrait mécaniquement augmenter les transferts car il suffit de réduire les coûts des transactions», affirme-t-il. De son côté M. Essekellion reste confiant quant à l’adaptation du Marocain au digital dans les années comme il s’est adapté au paiement par carte.