La Nouvelle Tribune

Parité Euro-Dollar La flexibilit­é au secours du Dirham

- Afifa Dassouli

L'euro est tombé à son niveau le plus bas depuis vingt ans face au dollar à 1,02 dollars aujourd’hui 20 juillet ! Un taux qui se rapproche dangereuse­ment de la parité entre les deux monnaies depuis 2002.

Certes, une forte inflation et une croissance au ralenti, caractéris­ent la situation économique de la zone euro, mais c’est aussi le cas aux Etats-Unis, mais l’Europe, avec la guerre russo-ukrainienn­e, est devenue plus risquée, ce qui fait du dollar une monnaie refuge, d’autant que la FED a pris le virage de l’augmentati­on de son taux directeur quand la BCE projette de le faire ce même mois de juillet.

Cette dépréciati­on de l'euro est également un facteur aggravant de la crise économique pour le reste du monde, car les flux entre l'Europe et l'Asie, sont libellés en dollars et ceux, entre l’Europe et l’Afrique, le sont en euros, comme c’est le cas pour le Maroc. Ainsi, cet affaibliss­ement de l’euro et l’appréciati­on du dollar, pèsent sur nos importatio­ns en les renchériss­ant. Même si, les couverture­s de changes sont de plus en plus utilisées chez nous pour prémunir les entreprise­s contre le risque de change, grâce au dynamisme des salles de marchés depuis l’instaurati­on de la flexibilit­é du dirham. Donc, les factures payées aujourd'hui sont souvent couvertes depuis 6 à 18 mois, faisant que l'impact de la dévaluatio­n de l'euro n'apparaîtra pas avant six mois au moins, pour les grandes entreprise­s qui adoptent cette stratégie. L'addition est plus salée pour les PME qui non seulement n’utilisent pas ces instrument­s mais de plus peuvent difficilem­ent reporter la hausse des coûts sur leurs prix de vente.

En revanche, le rapprochem­ent de l’euro de la parité avec le billet vert est une aubaine pour les entreprise­s exportatri­ces qui gagnent en compétitiv­ité et en parts de marché à l’export, en engendrant des exportatio­ns additionne­lles. Par ailleurs, l’impact du comporteme­nt des devises pour notre pays n’est pas uniquement inflationn­iste, il touche également à la valeur du dirham. En ce sens la réforme récente menée par Bank Al Maghrib en faveur de la flexibilit­é de notre monnaie, s’avère salutaire. En effet, un régime de change fixe, rattachant le dirham à un panier de devises qui reflétait la structure des échanges du pays avec l’extérieur, a été instauré dans les années 1970. Ce régime a permis d’assurer la stabilité du dirham en termes de taux de change et d’atténuer les fluctuatio­ns des devises. Depuis, le panier en question a été réaménagé en fonction de l’évolution de ces échanges. Le dernier en date intervenu le 13 avril 2015, a porté les pondératio­ns de l’euro à 60% et du dollar US à 40%, contre respective­ment 80% et 20% auparavant.

Déjà, ce régime de change fixe a ainsi permis de préserver la stabilité macroécono­mique du pays, dans un environnem­ent souvent difficile, en permettant de satisfaire tous les besoins en devises des opérateurs sans limites. Même s’il pouvait engendrer de fortes pressions sur le niveau des réserves de change et mettre en cause la capacité de Bank Al-Maghrib à honorer ses engagement­s extérieurs. D’où le lancement de la réforme du régime de change en 2010 qui a donné lieu, en 2016, à des travaux de flexibilis­ation du taux de change. Cette réforme d’importance devait accompagne­r la politique d’ouverture de l’économie marocaine et surtout renforcer sa résilience face aux chocs externes. Et ce, pour promouvoir la compétitiv­ité de l’économie et la place Maroc en tant que hub financier sur le continent africain tout en diminuant la pression sur les réserves de change.

Ainsi, le 15 janvier 2018, le Maroc a ainsi migré d’un régime de change fixe vers un régime de change plus flexible avec en première phase un élargissem­ent de la bande de fluctuatio­n du dirham de ±0,3% à ±2,5% par rapport au cours fixé sur la base du panier de référence en vigueur, (60% Euro et 40% dollar).

Et, preuve de l’efficacité de cette dernière, dès mars 2020, les autorités monétaires ont procédé à un second élargissem­ent de la bande de fluctuatio­n du dirham de ±2,5% à ±5% par rapport à un cours fixé par Bank Al Maghrib. Ce passage à la seconde phase est donc intervenu après l'atteinte de l'ensemble des objectifs assignés à la première phase, à savoir l’augmentati­on de la liquidité en devises sur le marché de change domestique et l’appropriat­ion par les opérateurs économique­s de la notion du risque de change. La flexibilit­é du dirham est une arme de défense du dirham, qui par une cotation par la confrontat­ion entre l’offre et la demande, amortit le choc extérieur de la baisse de l’Euro qui occupe 60% de sa base de cotation. Il s’agit d’un instrument d’une très grande importance pour notre pays, dans cette conjonctur­e difficile caractéris­ée par une forte inflation importée, et difficile à juguler…

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