La cote casablancaise entre résilience et fragilité face à la conjoncture
La publication des résultats semestriels des sociétés cotées, s’ils sont globalement positifs, fait ressortir des contrastes saillants selon les secteurs, et montre la fragilité d’une part conséquente de la cote casablancaise.
Selon les chiffres du département Recherche de CFG Bank, le RN/RNPG total des sociétés cotées au Maroc atteindrait au 1er semestre 2022 un total de 14,523 milliards de dirhams (MMDH), contre 14,947 MMDH au S1-2021, soit une baisse de 3%.
De son côté, BMCE Capital Global Research (BKGR) avance le chiffre, pour la capacité bénéficiaire semestrielle de la cote casablancaise, de 14,7 MMDH, soit une quasi-stagnation (-0,2%) par rapport à la même période en 2021. “L’effet prix favorable constaté par la quasi-totalité des secteurs ainsi que l’amélioration du coût du risque des Banques ayant été neutralisés par la provision constatée par Maroc Telecom suite à l’astreinte de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT). Cette dernière n’étant pas déductible fiscalement, elle a impacté négativement la capacité bénéficiaire globale pour près de 1 MMDH supplémentaire”, précise BKGR dans sa publication “Earnings S12022”. Hors impact de la provision d’IAM, le résultat net part du groupe (RNPG) global serait ressorti en hausse de 16,4% à 17,2 MMDH.
La marge nette en baisse
Sans retraitement, la marge nette du marché a perdu 1,9% par rapport à 2021, et même retraitée de l’astreinte de Maroc Telecom, elle reste en baisse de 0,3% à 11,7%. Les analystes jugent ainsi que les sociétés n’ont pas pu entièrement absorber l’impact de la forte inflation de cette année. Par branche d’activité, le RNPG des sociétés industrielles ressort en régression de 11% à près de 6,8 MMDH, impacté négativement par l’astreinte de 2,45 MMDH imposée à IAM.
Cette baisse a été partiellement compensée par la contribution positive de Managem qui a enregistré un bond de 650% à 1,2 MMDH, compte tenu d’un effet prix favorable redevable à la progression des prix des métaux précieux et de base au T1-2022, à l’appréciation de la parité moyenne USD/MAD de 9% sur le S12022 et à la consolidation des niveaux de production des différents métaux.
Il s’agit également des contributions positives de Lesieur Cristal qui a gagné 179 millions de dirhams (MDH) au niveau de son bottom-line suite principalement à une appréciation de l’activité commerciale de 52% et à un bond de +3,5x du résultat d’exploitation, et de Taqa Morocco qui s’est apprécié de 36,3% à 605 MDH sous l’effet mécanique de la hausse du chiffre d’affaires.
Retraitée de l’astreinte d’IAM, l’évolution du RNPG des industries se serait établie à près de 21,3% à 9,2 MMDH. Le RNPG des financières a progressé, quant à lui, de 11% à 7 MMDH, en raison essentiellement de la poursuite de l’allègement du coût du risque (-9% à 5,3 MMDH) dans le sillage de la normalisation progressive de ce poste suite à une année 2020 marquée par un renforcement du provisionnement des Banques lié à la crise sanitaire.
En dépit de cette baisse, le taux du coût du risque s’est établi à 1,1% au S1-2022 contre 1,2% au S1-2021, soit un niveau qui demeure supérieur à celui observé au S12019 (0,8%).
S’agissant de la capacité bénéficiaire du secteur Assurances/Courtage, elle s’est appréciée de 13% à 943 MDH grâce notamment à la croissance à deux chiffres (+26%) du RNPG de Wafa Assurance s’expliquant par la bonne tenue de ses indicateurs techniques ainsi que par l’amélioration de 56% de son Résultat non technique. Par ailleurs, l’analyse du breakdown de l’évolution de la capacité bénéficiaire au S12022 fait ressortir une contribution positive provenant principalement à hauteur de 37% de l’amélioration des résultats des minières suite à un effet prix et périmètre favorable et 19% de la baisse du coût du risque pour les financières pour 515 MDH.
Des secteurs qui souffrent
La contribution négative provient, quant à elle, à hauteur de 87% de la provision d’IAM sur l’astreinte de l’ANRT, fait savoir BKGR, notant que 51 sociétés, représentant 65% de la capitalisation boursière totale affichent une capacité bénéficiaire en progression au S1-2022, contre 19 compagnies en baisse.
L’analyse des résultats par secteurs fait également ressortir de grandes difficultés pour certains d’entre eux. On notera que la capacité bénéficiaire des cimentiers, touchés de plein fouet par le ralentissement de l’immobilier et surtout les coûts des matières premières et du transport, ressort en baisse de -23,6% à 1,233 MMDH, selon les chiffres du département Recherche de CFG Bank. Même son de cloche pour la distribution automobile, qui affiche des résultats globaux en baisse de -37,9% à 162 MDH, souffrant notamment d’une baisse à deux chiffres des ventes, et de problèmes d’approvisionnement. Le secteur le plus touché est celui des biens d’équipement dont la capacité bénéficiaire continue son plongeon, perdant -155,3% à -12 MDH.
On aura donc compris que si certains ont pu tirer leur épingle du jeu, notamment les entreprises auxquelles les crises successives ont bénéficié, et que d’autres, dont beaucoup étaient déjà en difficulté avant 2020, ont pu profiter d’un effet de rattrapage malgré la conjoncture, il persiste un groupe de sociétés cotées à la santé financière encore très fragile, et qui continuent à souffrir de l’évolution des marchés mondiaux. Sachant que la distribution de dividendes est annoncée à un niveau au moins égal, voire supérieur, à 2021, on peut s’inquiéter de l’impact de cette distribution sur les équilibres financiers d’une bonne partie de la cote…