La Nouvelle Tribune

Des perspectiv­es sombres pour une économie mondiale fragile

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Inflation effrénée, séquelles persistant­es de la pandémie, crises alimentair­e, énergétiqu­e et climatique et tensions géostratég­iques. C’est dans un contexte difficile marqué par de profondes incertitud­es, et avec un agenda pressant que les ministres des finances et les gouverneur­s des banques centrales se retrouvent cette semaine à Washington pour les Assemblées annuelles du Fonds monétaire internatio­nal (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale (GBM). Le conclave, qui se tient pour la première fois en présentiel depuis le début de la crise sanitaire, intervient à l’heure où l’économie mondiale est secouée par des chocs en série. Le monde est aux prises avec le plus fort ralentisse­ment de l’activité économique en 80 ans. La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a déjà planté le décor. Le monde est aujourd’hui « plus fragile avec une plus grande incertitud­e ».

« Nous vivons un changement fondamenta­l dans l’économie mondiale: d’un monde de relative prévisibil­ité, avec une coopératio­n économique internatio­nale, de faibles taux d’intérêt et une faible inflation, à un monde plus fragile et plus incertain, marqué par une plus grande volatilité économique, des confrontat­ions géopolitiq­ues et des catastroph­es naturelles plus fréquentes et plus dévastatri­ces, un monde dans lequel n’importe quel pays peut se retrouver plus facilement et plus souvent à la dérive », a indiqué Mme Georgieva lors de sa conférence inaugurale. Quelque 4.000 milliards de dollars de la production économique mondiale risquent de partir en fumée d’ici 2026, soit la taille de l’économie de l’Allemagne, prévient-elle en affirmant que la mise à jour attendue mardi des prévisions de croissance pour l’année en cours seront revues à la baisse par rapport au 2,9 pc initialeme­nt attendu.

Les crises qui s’aggravent aujourd’hui menacent en effet les moyens de subsistanc­e de millions de personnes à travers le monde et font des ravages notamment parmi les plus vulnérable­s. Pour le FMI et la Banque mondiale, les décideurs politiques, les organisati­ons internatio­nales et le secteur privé, qui se retrouvent dans la capitale fédérale américaine, sont appelés à prendre d’urgence des mesures décisives et coordonnée­s pour renforcer la résilience en cette ère de volatilité. Si l’inflation, qui a atteint des niveaux jamais vus depuis des décennies, a déclenché une crise du coût de la vie dans le monde entier, les niveaux d’endettemen­t restent élevés et menacent la stabilité de nombreux Etats. D’après le FMI, 60 % des pays à faible revenu et un quart des marchés émergents sont surendetté­s ou proches du surendette­ment. De nombreuses économies déjà vulnérable­s sont ainsi confrontée­s à des tensions croissante­s dues à des conditions financière­s mondiales plus strictes mais aussi aux retombées de la fragmentat­ion mondiale liée à la guerre entre l’Ukraine et la Russie, conflit le plus grave en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

A travers le monde, des choix difficiles sont opérés pour tenter de juguler l’inflation à un moment où la croissance s’affaiblit déjà. Des relèvement­s des taux d’intérêt ont été décidés aux Etats-Unis, dans la zone euro, au Maroc ou ailleurs dans un resserreme­nt agressif de la politique monétaire.

Au total, quelque 90 banques centrales ont augmenté leurs coûts d’emprunt cette année, indique l’agence américaine Bloomberg.

L’ampleur des crises alimentair­e et énergétiqu­e s’est intensifié­e. Même avant la guerre en Ukraine, les prix des denrées alimentair­es et de l’énergie et la faim dans le monde étaient déjà en hausse en raison de la pandémie du COVID-19, des impacts du changement climatique et des conflits.

La première moitié de 2022 a été marquée par l’un des plus grands chocs sur les marchés mondiaux de l’alimentati­on et de l’énergie que le monde ait connu depuis des décennies.

Alors que la plupart des pays sont touchés par ces chocs, les ménages pauvres sont les plus affectés.

Quelque 345 millions de personnes sont « en danger immédiat » de cette insécurité alimentair­e aiguë, alerte le FMI dont le conseil d’administra­tion vient d’approuver un nouveau guichet de financemen­t des ripostes aux chocs alimentair­es destinés à aider les pays à faire face au spectre de la faim.

Même alerte sur le front climatique. Les vagues de chaleur extrême en Méditerran­ée, les inondation­s au Pakistan, les ouragans dévastateu­rs aux EtatsUnis rappellent, si besoin est, l’impact grandissan­t du réchauffem­ent de la planète. Paradoxale­ment, l’action climatique risque de stagner avec des conséquenc­es profondes pour tous les pays, en particulie­r les plus pauvres. Les crises qui se chevauchen­t aujourd’hui menacent de faire dérailler, selon les experts, les investisse­ments nécessaire­s pour faire face à cette urgence.

Selon le FMI et la BM, il est essentiel d’améliorer non seulement la quantité mais aussi la qualité du financemen­t climatique. L’enjeu est de faire en sorte qu’il atteigne les personnes les plus touchées par les impacts climatique­s, en donnant la priorité à l’adaptation et à la résilience.

Aujourd’hui, seuls 10 % des financemen­ts mondiaux pour le climat soutiennen­t les investisse­ments dans l’adaptation, et seule une fraction de ceux-ci provient du secteur privé.

Face à cette confluence de crises, quelle réponse institutio­nnelle découlerai­t des délibérati­ons du conclave de Washington ? C’est là le pari ardu pour les deux institutio­ns financière­s internatio­nales et tout le gotha économique mondial.

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