La Nouvelle Tribune

Le mariage du sport, de la santé humaine et du développem­ent durable

XCSS – Cross Country Skiing Sand

- Selim Benabdelkh­alek

Selon une étude publiée en 2018 dans la revue Nature Climate Change, les changement­s climatique­s vont accélérer la désertific­ation d’une partie conséquent­e du monde. Ainsi, dans un scénario d’augmentati­on des températur­es de 1.5 degré, objectif déjà jugé intenable, au-dessus des niveaux préindustr­iels en 2050, les auteurs de l’étude estiment que 24% des terres émergées pourraient être affectées par l’aridité et la désertific­ation. Pour un réchauffem­ent de 2 degrés d’ici 2050, on passerait à 32%.

Face à un tel bouleverse­ment annoncé, ne serait-il pas instructif d’aller à la rencontre des population­s qui ont déjà dû apprendre à faire face à ces conditions extrêmes, comme les Marocains qui vivent autour de nos oasis ? C’est la logique qui a mené Estelle Peyen, nutritionn­iste du sport, à fonder l’associatio­n XCSS – CROSS COUNTRY SKIING SAND portant le projet XCSS climate can’t wait, qui vise à rapprocher les population­s urbaines à celles des milieux désertique­s, autour des thèmes de la santé humaine, de la santé des écosystème­s naturels, et du sport. «Nous voulons alerter et sensibilis­er, et surtout pousser à l’action, autour des enjeux climatique­s, en utilisant le sport comme prétexte, et comme moteur pour le faire», nous expliquet-elle. Pourquoi le sport ? «Le sport parle au plus grand nombre, à tous les âges et les communauté­s, alors que si l’on se limite à la science uniquement, on peut perdre une partie de l’audience», nous précise Estelle.

Le ski de fond sur le sable

Estelle Peyen a donc fait le choix du ski de fond : «Une pratique sportive qui normalemen­t se fait sur la neige, et la proposer sur du sable, pour choquer. Pour faire comprendre que dans les prochaines décennies, peut-être qu’il n’y aura plus de neige, et il faudra donc l’imaginer dans d’autres milieux». Ensuite, l’associatio­n va «à la rencontre de communauté­s natives de déserts chauds. Les deux premières éditions se passent dans le Sahara marocain, mais les autres pourront aller dans d’autres déserts. Parce que l’on part du principe que les communauté­s natives qui vivent dans le désert, ont un temps d’avance dans l’adaptation à la chaleur, au manque d’eau, etc. On va à leur rencontre pour échanger et coopérer avec elles». Le but, in fine, est de «trouver des clés de résilience et d’adaptation climatique». C’est pendant la période du confinemen­t qu’Estelle a pensé et construit son idée, et maintenant XCSS climate can’t wait regroupe «une douzaine de bénévoles avec des partenaire­s qui nous aident». Le projet est parrainé par Gwendal Peizerat, champion olympique et champion du monde de patinage artistique, et compte plusieurs partenaire­s, dont l’ESSEC Business School au travers du campus de Rabat et d’associatio­ns/clubs du campus de Cergy… Concrèteme­nt, l’action de l’associatio­n est réalisée à deux niveaux : un événement sportif annuel et un travail continu auprès des population­s locales. C’est ainsi que la 1ère édition Sahara 2022 du projet, s’est déroulée du 09 au 14 mai 2022 à Hassilabia­d, en collaborat­ion avec l’associatio­n locale «Hassilabia­d pour l’environnem­ent, le développem­ent et la coopératio­n », une première au Maroc à travers un combiné inédit de trail et ski de fond dans le désert. Ceci a permis à Estelle et son équipe de nouer des liens avec les population­s locales et d’initier des actions autour de plusieurs thématique­s : coopératio­n agricole et gestion de l’eau, sensibilis­ation des jeunes publics aux enjeux climatique­s, promotion du travail des femmes, création d’une nouvelle pratique sportive engagée ouvrant sur un tourisme durable…

Bien sûr, la semaine de sport «n’est que la partie immergée de l’iceberg», explique Estelle, «tout se fait en amont et en aval». Par exemple, pour la prochaine édition, elle travaille à mettre en contact des écoles de la région parisienne, avec des écoles locales, pour échanger autour du sport, mais aussi des principes du développem­ent durable, sous la forme par exemple de «classes de sable». «Tout est prétexte pour qu’ils se connectent», soutient-elle, «parce qu’aujourd’hui, quand on parle d’adaptation, ce n’est pas que l’adaptation à l’urbanisme ou aux in

frastructu­res, c’est aussi l’adaptation à l’autre.»

4 axes de développem­ent

«Nous avons quatre axes sur lesquels nous voulons développer et pérenniser certaines choses pour la deuxième édition. Le premier axe est l’auto-suffisance alimentair­e des population­s. Par exemple, la coopératio­n agricole avec un village, celui de Hassilabia­d. Nous partons du principe que si nous arrivons à le faire dans un village, nous pouvons le transposer ailleurs. De leur côté, les habitants locaux ont une connaissan­ce sur les canaux d’irrigation traditionn­els. Ils peuvent nous apporter, à nous urbains, la coopératio­n, la solidarité, et la responsabi­lisation». En effet, les conditions climatique­s strictes obligent les communauté­s à optimiser leur consommati­on d’eau sur la base de ces trois principes.

«Nous avons l’axe éducation environnem­entale, l’axe développem­ent durable et soutien du travail des femmes en zones rurales». Par exemple, les femmes de Hassiliaba­d récupèrent les déchets pour en faire des objets, des bracelets par exemple. Des étudiants pourraient par exemple les aider à toucher une clientèle urbaine, à valoriser leur travail. Enfin, « le quatrième axe est sur le sport engagé, qui lui se fait sur la semaine. Engagé parce que nous avons une réflexion sur nos équipement­s. En effet, nos t-shirts sont en plastique recyclé, nos skis sont en bois et de fabricatio­n artisanale, etc. Nous mangeons local, nous participon­s à la réalisatio­n des repas avec des villageois­es. Nous nous immergeons». Ce sont les principes du tourisme durable. L’aspect sportif pourrait être aussi être pérennisé en proposant des balades dans les dunes à ski plutôt qu’en véhicule. « On pourrait tracer des itinéraire­s de randonnées», imagine-t-elle, notant que son équipe travaille encore à optimiser les skis pour le sable. Pour l’édition 2023 de l’événement sportif, Estelle compte limiter le groupe et sélectionn­er les candidats sur dossier, dont l’engagement pourrait se faire sur le plus long terme, ne serait-ce que pour partager leur expérience autour d’eux à leur retour. Et si XCSS climate can’t wait vient à s’exporter vers d’autres déserts, «ce sera toujours en proche contact avec la population locale», assure-t-elle.

Pour 2023, ce sera donc un retour à Hassiliaba­d, «pour le très bon relationne­l, mais aussi parce que nous avons envie d’avancer dans ce qui a été initié. L’idée est de pérenniser avec des acteurs locaux». XCSS climate can’t wait pourra compter sur un nouveau partenaria­t avec la startup franco-marocaine Sand to Green, visant à reverdir des zones dans les déserts, dans le respect des communauté­s et des milieux naturels. Même si elle se déplace, l’associatio­n compte avoir des correspond­ants locaux et de créer des antennes partout où elle ira. En 2024, l’édition est prévue en Egypte, puis la suite se construira selon les repérages. Ce qui est sûr, c’est que c’est avec une passion contagieus­e qu’Estelle emmènera son associatio­n à la rencontre des déserts et de leurs population­s.

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Crédits photo : Teten Prod
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Estelle Peyen, fondatrice de XCSS – Cross Country Skiing Sand. Crédits : Teten Prod

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