La Loi de Finances portée par l’exceptionnel
Parmi les grandes réformes opérées au Maroc, celle de la loi organique des finances a apporté une grande clarification tant au niveau de l’élaboration de cette dernière qu’au niveau de son exécution. Tout d’abord son extension sur trois années a permis aux administrations de prévoir des budgets exécutables dans la durée. Les ministères devant mesurer le degré d’exécution de leurs engagements annuels avec la latitude de les poursuivre l’année suivante quand avant ils se précipitaient à en terminer la réalisation en fin d’année de peur de les perdre.
Par ailleurs, une première étape d’analyse budgétaire a été établie, celle de mesurer à partir des recettes et dépenses ordinaires, soit de fonctionnement, le solde ordinaire du budget général pour démontrer un premier équilibre du budget public.
Pour exemple, à fin septembre 2022, le taux de couverture des dépenses ordinaires par les recettes ordinaires a été de 103%. Et, 48,9% de ces recettes ont été consacrées aux dépenses de personnel, 22% aux dépenses de matériel, 10,8% aux intérêts de la dette, 12,5% aux émissions de la compensation.
Alors que les investissements de l’État se distinguent des dépenses courantes, le solde ordinaire ne peut généralement pas les financer. Pour ce faire, l’État a systématiquement recours à l’endettement. Les investissements sont donc le premier objet de la dette du Trésor, laquelle à ce niveau resterait restreinte sachant que le montant des investissements tourne autour de 50 milliards de dirhams et 55 MMDHS pour septembre 2022. Donc, une partie des dépenses émises au titre du budget général de l’État est financée principalement par le recours à l’emprunt.
Parmi les autres dépenses budgétaires identifiées à part, se distinguent celles de la Caisse de compensation qui ont toujours été quant à elles, couvertes par les recettes non fiscales dont celles des comptes spéciaux. Ainsi, en septembre 2022, les recettes des comptes spéciaux du Trésor ont atteint 115,6 MMDH, le solde de l’ensemble des comptes spéciaux du Trésor à cette date s’élevant à 40 MMDH.
Ces recettes dites non fiscales proviennent des privatisations éventuelles, de la redevance gazoduc et des versements des comptes spéciaux. Mais aussi des recettes de monopole et peuvent être alimentées par les recettes en atténuation des dépenses de la dette. En septembre, pour continuer à s’appuyer sur les réalisations les plus récentes, les versements des comptes spéciaux du Trésor au budget général ont été de 9 MMDH et celles des recettes de monopoles de 11,4 MMDH. Ces dernières ont été versées par, l’OCP pour 6,5 MMDH, l’Agence de la conservation foncière 2,9 MMDH, Maroc Télécom 786 MDH et Bank Al-Maghrib 565 MDH.
La lecture de la Loi de finances peut ainsi se faire en deux étapes, celle du budget général qui à partir des recettes et dépenses ordinaires donne le solde ordinaire, lequel agrégat en devenant positif sur les dernières années, démontre d’un premier équilibre du budget.
La seconde lecture de la loi de finance ou celle d’en bas, recense les dépenses exceptionnelles incarnées par celles de la compensation. Lesquelles avec la pandémie sanitaire de 20202021 et la crise économique actuelle caractérisée par une inflation durable, ont fortement cru en 2022.
Ces dépenses caractérisées d’exceptionnelles par oppositions aux ordinaires du budget général, sont couvertes par des recettes autant exceptionnelles dont celles énumérées ci-dessous mais aussi par des appels à travers la création de fonds comme celui de solidarité pour la gestion de la pandémie qui est toujours ouvert parce que le risque du covid n’a pas totalement disparu ou encore par le fruit des OPCI publics qui engrangent des recettes très exceptionnelles qui atteignent plus de 20 milliards de dirhams aujourd’hui et qui relèvent des cessions des immobilisations de l’État données en gestion aux OPCI qui les rénovent et le lui louent.
Toutefois, ces ressources et dépenses autant exceptionnelles qu’elles soient, ne s’équilibrent en général pas, d’où le déficit budgétaire qui gravite autour de 6 à 7% du PIB, financé par l’endettement public qui s’aggrave dépassant les 60% du PIB. La conclusion qui s’impose porte sur le constat que l’activité économique du pays et les recettes fiscales ordinaires qu’elles engendrent ne constituent pas l’essentiel du budget public lequel s’étend par les recettes non fiscales ou exceptionnelles pour faire face aux dépenses qu’exige les politiques publiques portant sur des réformes en cours comme l’élargissement de l’AMO ou encore les soutiens apportés par l’État en général ou dans des circonstances particulières de crises… Ainsi, une partie des dépenses émises au titre du budget général de l’État a été financée principalement par le recours à l’emprunt.