L’Etat Social plane sur le PLF 2023, mais à quel prix ?
Il est important de constater dans un premier lieu que par rapport à tous les PLF, le texte de 2023 est en train de marquer une certaine rupture. Jusque-là, les PLF avaient comme souci majeur de veiller sur les équilibres macroéconomiques du pays. La Caisse de Compensation, elle, s’occupait du reste, particulièrement le chapitre socio-économique. Aujourd’hui, la donne a changé. Radicalement même. Ainsi en a décidé le Gouvernement conduit par Aziz Akhannouch, qui ne cesse de souligner que ce PLF 2023 s’emploie à renforcer les bases de l’Etat social à différents niveaux à travers des interventions rapides et ciblées.
En ce début de semaine, au siège de la MAP, la ministre de l’Économie et des Finances, Mme Nadia Fettah Alaoui a démontré son grand optimisme pour le PLF 2023. Devant la presse nationale, elle a expliqué que la stratégie de financement prévue par le PLF de l’année 2023 se base sur un arbitrage entre les dettes intérieure et extérieure : « Ce projet de loi prévoit une dette extérieure de 60 MMDH, contre 40 MMDH en 2022. Cela ne signifie pas qu’on va endetter davantage les finances publiques. Pour cette année et compte tenu des volatilités et de manque de visibilité des marchés internationaux, il n’y a pas eu de sortie sur les marchés financiers internationaux. On le fera une fois qu’on aura de la visibilité, pour sauvegarder l’image forte du Maroc dans les marchés internationaux jusqu’à présent ».
Évoquant les relations avec le FMI, la ministre a affirmé que des discussions permanentes sont entamées depuis le début de l’année autour des moyens de financement, dans le but d’explorer d’autres mécanismes qui vont être des mécanismes de crédit ou d’assurance plutôt que des purs mécanismes de financement.
Dans le même sens, elle a indiqué que la stratégie de privatisation sera au coeur des fonctions de l’Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l’État, notant que PLF 2023 prévoit 5 MMDH pour la privatisation, et que le portefeuille privatisable se fera soit par une introduction en bourse ou une cession à des institutionnels privés ou internationaux.
Pour sa part, le ministre délégué auprès de la ministre de l’Economie et des finances, chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, est revenu sur un certain nombre de questions qui alimentent le débat public. En effet et en ce qui concerne la subvention du gaz butane, il explique qu’il est des moments où il faut savoir choisir. Aujourd’hui, le gouvernement a tranché, et finie la confusion des genres : « On envisage de passer progressivement de la subvention du gaz butane à l’octroi des aides directes pour continuer à faire face à la hausse des cours mondiaux », a-t-il dit, tout en ajoutant que « le débat de la Caisse de Compensation et du ciblage au Maroc nous ont pris 10 ans et nous étions toujours d’accord sur le fait que les subventions exhaustives de la Caisse de Compensation ont toujours été contre-productives… Les personnes ayant un faible pouvoir d’achat ayant le moins bénéficié de ces subventions ». Et d’indiquer dans le même sens qu’afin de garantir l’efficacité des aides publiques, « nous devons alors passer de ces subventions, à des aides directes via des transferts financiers directs, et c’est ce que prévoit le PLF 2023. À partir de cette année nous allons allouer 20 MMDH aux aides directes au profit des ménages vivant dans la précarité ».
Par la même occasion, M. Lekjaa a donné un aperçu sur les moyens d’accorder les subventions aux populations ciblées et la distribution d’aides directes aux ménages les plus démunis. A cet égard, il a souligné l’importance de l’amélioration de la contribution des grandes sociétés réalisant un bénéfice net supérieur à 100 MDH, qui seront assujetties à un taux de 35%, y compris celles exerçant des activités en situation de monopole. Ceci permettra, a expliqué le ministre, la consécration du principe de solidarité sociale et de la neutralité fiscale et aura un impact considérable sur la réforme de la Caisse de Compensation et le ciblage des ménages les plus vulnérables dans les programmes sociaux.
Mais, ce qu’il a tenu à démontrer avant tout est qu’entre le maintien de la Caisse de Compensation dans son état actuel et les réformes de la Santé, l’Ecole publique et la Protection sociale, des décisions doivent être prises. Autrement dit, les dès sont jetés. L’Etat social prôné par le Gouvernement Akhannouch serait en marche.