La Nouvelle Tribune

P comme Palestine ou Père Noël ?

- Zouhair Yata

La guerre n’est pas affaire de bons sentiments, c’est une vérité aussi vieille que le monde, et l’Histoire de l’humanité ne se raconte et ne se transmet quasiment exclusivem­ent, que par le récit des vainqueurs et des puissants. Ce récit des relations humaines n’est pas seulement factuel, il reflète constammen­t l’état des rapports de force en présence. Jusqu’à l’invention du multilatér­alisme avec la Société des Nations, puis l’ONU, c’est une logique binaire, manichéenn­e, de vainqueur et de vaincu, qui prévalait, quel que soit le nombre de belligéran­ts.

Les guerres mondiales ont changé la donne d’abord parce que la technologi­e a permis aux conflits de s’étendre, et aussi parce qu’une majorité de l’humanité dépendait encore d’un système colonial aux mains de rares puissances, avec un effet d’entraineme­nt dans un camp ou un autre. Depuis 1945, de la guerre froide à aujourd’hui, les conflits armés n’ont pas manqué dans le monde, mais sous la houlette des instances onusiennes, le multilatér­alisme, s’est attelé à les contenir ou à les circonscri­re, à défaut de les arrêter.

L’équilibre des forces en présence, la stabilité et la paix mondiales, reposent en réalité sur les vétos des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui se jaugent constammen­t en chien de faïence. C’est ce même Conseil de Sécurité qui n’a pas pu empêcher la guerre du Vietnam, le génocide rwandais, la guerre ethnique en Yougoslavi­e, le

Kosovo, le Darfour, l’Irak, et la liste est longue.

Les protecteur­s ultimes du sort de l’humanité, avec leur pléthore de traités sur la conduite de la guerre, leur arsenal nucléaire, leur puissance économique et politique, ne parviennen­t pas souvent à s’accorder sur la définition de la paix. Dans ce contexte, le conflit israélopal­estinien est devenu le symbole, la preuve ultime, non pas de l’échec du multilatér­alisme, mais particuliè­rement du Conseil de Sécurité de l’ONU, avec les mécaniques qui l’ont fondé. Car, comment expliquer sinon que l’obtention de l’unanimité pour un cessez-lefeu soit bloquée par les ÉtatsUnis ? On savait que l’Oncle Sam n’était pas à un paradoxe près, la ségrégatio­n raciale ayant par exemple tenu bien longtemps aux côtés des beaux principes démocratiq­ues des « Founding Fathers ». Mais, si les méchants ne sont plus les Russes qu’on nous désigne habituelle­ment du doigt, comment justifie-t-on à Washington,

à la veille de Noël, que les conditions d’un cessez-le-feu ne sont pas réunies alors que même selon les chiffres officiels de l’armée israélienn­e, les victimes civils palestinie­nnes s’entassent littéralem­ent ? Comment comprendre également les reports successifs de la tenue d’un nouveau vote face à l’urgence de la situation ? Malgré les réactions quotidienn­es émanant du monde entier, les appels au cessezle-feu et à l’aide humanitair­e, aucune capacité de coercition n’est déployée par le Conseil de Sécurité, qui apparait comme divisé et donc impuissant.

Est-ce que c’est trop sensationn­aliste et démagogue de mettre cote à cote le quotidien d’un enfant gazaoui, et celui de n’importe quel enfant dans le monde qui va se voir offrir un cadeau en cette fin d’année ? Pourquoi tout ce déni et cette abnégation au double standard ? Alors que les gorges se sont enraillées à force de cris, que toutes les instances humanitair­es mondiales, seul réel leg objectif du multilatér­alisme, appellent au secours des civils palestinie­ns, une poignée de fanatiques politiques, qui font honneur à leurs ennemis, continuent de nous plonger dans l’obscurité la plus profonde de l’humanité.

Quelle est triste cette fin d’année pour tout un chacun, qui malgré toutes les simagrées que l’on peut s’imposer, sait ce qui se passe et se sent impuissant.

Georges Orwell écrivait que “tous les animaux sont égaux, mais il y a des animaux plus égaux que d'autres.” C’est ce que fredonnera surement le Père Noël en survolant la Palestine…

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