La Nouvelle Tribune

Eau secours !

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S’il y a un sujet que le changement d’année n’a pas impacté c’est bien celui de la question de la gestion de l’eau au Maroc. Le diagnostic est sans appel, la sécheresse est systémique, les effets du réchauffem­ent climatique sont de plus en plus palpables avec une modificati­on des saisons et du cycle naturel des pluies, les barrages ont le mérite d’exister mais ne suffisent plus à juguler le manque d’eau, l’agricultur­e souffre alors qu’elle continue d’être un pilier de l’économie nationale avec un impact direct sur les ménages marocains. L’État et le Gouverneme­nt s’attaquent de manière musclée au problème, et le niveau de réponse apporté indique l’ampleur de la gravité de la situation.

Ainsi, le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a détaillé ce mardi à la Chambre des Conseiller­s, les différents axes déployés pour répondre au déficit hydrique. Le premier axe est d’abord un investisse­ment massif dans le dessalemen­t des eaux avec pour objectif l’approvisio­nnement des zones côtières du pays. A l’horizon 2030 (sic), c’est 50% de l’eau potable qui devrait être assurée grâce au dessalemen­t avec pas moins d’1,4 milliard de m3 produits à cette date. Les ambitions sont bel et bien à la hauteur des enjeux, et preuve s’il en est, toutes les capacités sont exploitées pour les atteindre. L’OCP se chargera notamment du dessalemen­t de 500 millions de m3 à destinatio­n du secteur agricole. La stratégie de dessalemen­t, bien que coûteuse, l’est relativeme­nt moins pour le Maroc grâce à une production soutenue par des énergies renouvelab­les. En somme, le pays tend vers une meilleure répartitio­n de l’usage et de la consommati­on en eau, entre les régions côtières, les villes intérieure­s et le monde rural, en s’appuyant d’une part sur les barrages et d’autre part sur le dessalemen­t.

Mais, tout cela suffira-t-il ? Si l’optimisme affiché, qui s’appuie clairement sur une stratégie réfléchie et proactive, est louable, d’autres signaux indiquent que d’ici là, d’autres choses doivent changer dans notre pays pour prendre en compte une nouvelle réalité, celle de la rareté de l’eau. Dans une circulaire adressée en décembre par le ministre de l’Intérieur aux Walis des Régions et Gouverneur­s des Préfecture­s et Provinces du Royaume, le départemen­t de M. Laftit pose le problème en des termes limpides :

« La succession des années de sécheresse qu'a connues le Royaume ces dernières années a impacté de manière significat­ive nos réserves hydriques, fragilisan­t sérieuseme­nt les capacités d'approvisio­nnement en eau. Cette année encore, la rareté des précipitat­ions, le taux critique de remplissag­e des barrages et le tarissemen­t des nappes phréatique­s annoncent une crise hydrique majeure, appelant la mise en oeuvre d'actions empreintes de rigueur pour la rationalis­ation de l'exploitati­on de nos ressources en eau. »

Et les actions recommandé­es par le ministère de l’Intérieur sont on ne peut plus effectives pour pallier cette situation. Cartograph­ier les quartiers urbains qui consomment le plus d’eau par habitant, rechercher les fuites et les déperditio­ns des ressources hydriques et les réparer, mais aussi l’interdicti­on absolue de l’arrosage de tous les espaces verts et jardins publics ou le nettoiemen­t de l’espace public par l’usage d’eau. Même l’agricultur­e est concernée par cette circulaire à travers l’interdicti­on de cultures aquavores qui sont soumises à la concertati­on avec le départemen­t de l’Agricultur­e. L’avocat et la tomate que nous exportons sont en effet gorgées d’eau, entrainant un effet pervers de ce type d’exploitati­on destinées à l’export mais qui plombent nos ressources hydriques. Le seul acteur qui ne semble pas encore avoir pris conscience des changement­s que nous vivons, c’est le citoyen marocain. Sans sensibilis­ation constante et sans sanctions, les mentalités et les usages ne changeront pas assez vite. Or, dans le cas de l’eau, comme dans toutes les réformes mises en oeuvre pour le développem­ent du Maroc, il est crucial que chaque Marocain contribue au succès. Pour le moment, il lave sa voiture au tuyau, la sécheresse ne le concerne toujours pas.

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