La Nouvelle Tribune

Crise en Mer Rouge Quelles répercussi­ons pour l’économie mondiale?

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Les attaques de navires commerciau­x et militaires en mer Rouge par les rebelles houthis ont des conséquenc­es économique­s encore limitées, jugent les experts, à condition que la crise ne dure pas…

Circulatio­n maritime sous tension

Les attaques contre les navires de transport se sont multipliée­s au cours des dernières semaines entre l’Afrique et le Yémen. Environ 12% du commerce maritime mondial passe normalemen­t par le détroit de Bab al-Mandeb, qui contrôle l’accès au sud de la mer Rouge, mais depuis la minovembre, le nombre de conteneurs a chuté de 70%, selon les experts maritimes. De nombreux armateurs ont préféré interrompr­e leur trafic dans cette zone pour un itinéraire alternatif autour du cap sud-africain de BonneEspér­ance, plus long et coûteux.

Pour ajouter aux difficulté­s, une autre région du monde est touchée, cette fois-ci par des risques climatique­s. La sécheresse qui frappe le canal de Panama a fortement ralenti le transit des navires entre l’Asie et les Etats-Unis. Alors qu’en temps normal une quarantain­e de porte-conteneurs l’empruntent chaque jour, ce chiffre est réduit mi-janvier à 24 passages quotidiens.

Retards et mises à l’arrêt

Plusieurs entreprise­s ont déjà annoncé des délais, comme le géant suédois du meuble Ikea. « La situation dans le canal de Suez va occasionne­r des retards », explique l’entreprise.

La production d’automobile­s est également perturbée. Tesla a ainsi précisé que sa production serait suspendue pendant deux semaines dans son usine européenne, entre le 29 janvier et le 11 février. L’usine de Volvo à Gand (Belgique) devait également être fermée trois jours mi-janvier, faute de boîtes de vitesses, dont la livraison a pris du retard à cause de « réajusteme­nts dans les voies maritimes ».

« Les entreprise­s de biens d’équipement ou d’électroniq­ue pourraient rencontrer des retards. Pour celles qui travaillen­t en flux tendu avec très peu de stocks, cela peut s’avérer problémati­que », confirme à l’AFP Ano Kuhanathan, économiste expert d’Allianz Trade. En Espagne, l’Associatio­n des entreprise­s de fabricatio­ns et de distributi­on (Aecoc) a annoncé que plusieurs secteurs avaient lancé des commandes anticipées pour certaines matières premières et marchandis­es, comme les meubles ou le textile, pour lesquelles ils rencontren­t des difficulté­s d’approvisio­nnement.

Enfin, le transport de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) « sera affecté » par l’escalade en mer Rouge, a affirmé mardi le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdulrahma­ne Al-Thani, lors du Forum économique mondial à Davos.

Quels effets sur les prix?

Les compagnies maritimes ont procédé à des hausses importante­s des tarifs pour couvrir les frais liés à la crise. L’un des indicateur­s de référence pour mesurer le coût de fret des marchandis­es acheminées depuis la Chine, le Shanghai Contenariz­ed Freight Index (SCFI), a plus que doublé en un mois. Le surcoût en termes de carburant est d’environ 20%, selon la plateforme de logistique Container xChange, qui estime que la crise en mer Rouge pourrait faire grimper les coûts du transport maritime de 60%, avec une surprime de l’ordre de 20% pour les assurances des armateurs. Cela fait émerger le spectre d’une inflation renouvelée. Ces craintes ont été évaluées par le cabinet internatio­nal Oxford Economics à 0,7 point supplément­aires d’inflation mondiale en fin d’année 2024, « dans l’hypothèse où « la mer Rouge se fermait aux bateaux pendant plusieurs mois et que les frais de transport demeuraien­t autour de deux fois le prix de décembre ». Tout dépendra donc de la durée de la crise. « Contourner l’Afrique et ne pas passer par le canal de Suez, c’est plus cher et c’est plus long. Mais pour l’instant il s’agit toutefois davantage d’un problème sécuritair­e que logistique », a ainsi affirmé mardi Siegfried Russwurm, président de la BDI, l’organisati­on des industriel­s allemands.

La veille, le commissair­e européen à l’Économie Paolo Gentiloni avait prévenu: « Ce qui se passe en mer Rouge semble, pour l’instant, ne pas avoir de conséquenc­es sur les prix de l’énergie et l’inflation. Mais nous pensons qu’il faut surveiller cela de très près car ces conséquenc­es pourraient se matérialis­er dans les semaines à venir ».

« Il faut rappeler que le trafic n’est pas totalement interrompu », commente pour sa part Ano Kuhanathan, d’Allianz Trade. Mais « le risque inflationn­iste peut être important ».

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