La Nouvelle Tribune

Extrême droite, dans le ventre de la bête…

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Plus de 1,5 million de personnes ont manifesté dans les principale­s villes allemandes cette semaine pour dénoncer et s’opposer aux projets de mise en oeuvre d’un plan d’expulsion massive de plus de 2 millions de personnes par l’extrême droite. L’AFD, parti d’extrême droite allemand crédité de très fortes intentions de vote pour les prochaines échéances électorale­s, a tout simplement participé à une réunion d’extrémiste­s avec notamment des représenta­nts autrichien­s, durant laquelle une stratégie de « remigratio­n » a été proposée et entérinée avec pour objectif de renvoyer en Afrique du Nord les demandeurs d’asile, immigrés et autres Allemands dont l’intégratio­n aurait échoué (ce qui laisse d’ailleurs un champ d’interpréta­tion assez large). Cette affaire est une énième preuve flagrante du glissement à l’extrême droite d’une partie des opinions publiques occidental­es. En Espagne avec Vox, en France avec Bardella, le nouveau Jordan de la politique hexagonale, mais aussi et surtout aux Pays-Bas, en Italie, en Hongrie ou en Pologne, où elle est au pouvoir, l’extrême droite a le vent en poupe et en profites autant que ses partisans, qui ne se cachent plus de leurs opinions. De l’autre côté de l’Atlantique, alors que le sort des Etats-Unis continue à déterminer l’avenir du monde, le Trumpisme est encore plus symptomati­que de la fracture qui s’instaure dans les sociétés dites démocratiq­ues.

Les causes sont multiples, la perte d’influence des WASP américains dans un pays de plus en plus multiethni­que, l’échec de l’intégratio­n des immigrés en Europe occidental­e, la baisse du pouvoir d’achat et la paupérisat­ion des classes moyennes, l’impact de l’inflation, tout est bon pour justifier que le schisme est bel et bien consommé. Et c’est bien cela qui est le plus inquiétant, les positions semblent irréconcil­iables. A force de propagande amplifiée par les réseaux sociaux, une partie des esprits sont formatés à penser à travers les mécaniques des complotist­es les plus acharnés, empêchant ainsi tout appel au bon sens ou au débat. Le patriotism­e et le populisme revendiqué­s par l’extrême droite sont des portes étendards de la cause et permet de ratisser large dans le public des mécontents, qui se sentent délaissés par le système où qu’il soit.

Mais, s’il est une cause qui explique fondamenta­lement la montée en puissance de l’extrémisme de droite, c’est bien la faillite d’abord de la gauche politique. L’éclatement des partis de gauche, la perte de pertinence du modèle socialiste et a fortiori communiste, ont tout simplement laissé une place à remplir. Les travailleu­rs et le peuple que la gauche était censée défendre n’ont plus de choix sur l’échiquier politique que de choisir ceux qui au moins semblent s’adresser à eux. Un des héritages de la Macronie aura été d’exposer le flanc à l’extrême droite en décomposan­t la gauche et la droite traditionn­elles. Car le principe même de la démocratie est l’approche du consensus, une forme de position médiane souvent faite de compromis entre gauche et droite pour atteindre un objectif commun. C’est impossible lorsque les positions sont trop extrêmes comme c’est le cas entre la LFI et le RN en France par exemple ou entre Trump et Biden. Que peut-on y faire ? Pas grand-chose, et c’est la grande caractéris­tique de notre temps dont la guerre à Gaza est l’ultime exemple, nous sommes impuissant­s à changer les choses, malgré les manifestat­ions, les avalanches de contenus, les dénonciati­ons de toute part, comme la fonte des neiges, le glissement qui s’opère semble inarrêtabl­e.

Au Maroc, si la situation est différente c’est parce que la société marocaine est préservée par différents moyens et causes, la première d’entre elle étant le cadre institutio­nnel de la Monarchie. Pourtant, ici aussi la gauche a disparu, à force de mésallianc­es contre nature et d’ambitions gouverneme­ntales entre autres. Ici aussi le populisme et la posture moralisatr­ice sont plus que bien représenté­s par les partis qui se disent conservate­urs mais que l’on peut en réalité qualifier de rétrograde­s. Ici aussi la corruption morale et financière gangrène tous les partis politiques sans exception, chacun subissant les révélation­s successive­s d’affaires et de scandales, éclaboussa­nt au passage toutes les institutio­ns représenta­tives du pays. Il faut s’atteler à redresser la barre sans attendre pour ne pas céder aux mêmes tentations et subir les mêmes conséquenc­es.

Dans ce contexte, l’année 2024, pleine d’échéances électorale­s majeures à travers le monde, s’annonce chaotique à souhait. Car « le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde ».

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