La Nouvelle Tribune

Le secteur bancaire résiste à la crise selon l’étude approfondi­e d’Attijari Global Research

- Afifa Dassouli

Certes, en période de crise économique, les fondamenta­ux d’une économie qui en indiquent l’ampleur sont précis. Il s’agit de la croissance, de l’emploi, de l’inflation et de la dégradatio­n du pouvoir d’achat qui en découle, du niveau de soutenabil­ité de la dette du pays et de la stabilité des agrégats macro-économique­s extérieurs. Toutefois, la santé financière du secteur bancaire est un facteur d’appréciati­on déterminan­t pour jauger de la profondeur d’une crise économique et sa qualificat­ion de crise financière.

C’est pourquoi, l’étude d’Attijari Global Research qui date de décembre 2023 et porte sur les réalisatio­ns des banques cotées de cette année est édifiante ! Elle constate que la masse bénéficiai­re agrégée du secteur coté a progressé de +22% au titre du premier semestre 2023 et de +32% à fin septembre 2023.

Un constat qui atteste de la « résilience » du modèle de croissance du secteur bancaire marocain. Ainsi, selon les enseigneme­nts de cette étude dont nous publions ici les conclusion­s, la croissance des crédits bancaires de +4,9% à fin octobre 2023 est dorénavant portée par la reprise des crédits à l’équipement qui progressen­t de +8,4% après deux années successive­s de baisse sur 2020-2021.

Ces derniers arrivent à compenser la baisse attendue des crédits de trésorerie de -3,8% dans un contexte de désinflati­on marqué par la détente du BFR (besoin en fonds de roulement) des entreprise­s.

Sur une base sociale, les dépôts clientèle progressen­t à un rythme plus soutenu de +5,9% sur le 1er semestre 2023. À l’origine, la bonne tenue des RAV dont le poids dans la structure des dépôts atteint un niveau record de 68,5%. Une situation qui a permis l’optimisati­on du coût des ressources et par conséquent, une performanc­e remarquabl­e de la marge d’intérêt, premier niveau de résultat des banques qui augmente de +8,5% sur la même période.

Par ailleurs, face à une croissance du PNB agrégé de +15,2% à fin septembre 2023, les frais de gestion affichent une évolution récurrente de moins de +3,0% (hors contributi­on au Fonds Spécial Séisme). Cette expertise en termes d’optimisati­on des charges a permis une améliorati­on du coefficien­t d’exploitati­on de -4,0 pts à 46,1%, permettant de largement compenser la hausse du coût du risque de +20%. Dans ces conditions, le RNPG agrégé du secteur coté croît de +32% à 12,7 MMDH à fin septembre 2023.

Le secteur bancaire coté connaît un changement intéressan­t de son profil de croissance. En effet, le TCAM semestriel du PNB agrégé a gagné +2,2 pts passant de +4,0% durant la période 20152019 à +6,2% sur 2019-2023. Sur la base de leur propre analyse, les analystes d’AGR ont revu leurs prévisions de croissance du secteur sur la période 2023E-2025E. Il s’agit d’un TCAM du PNB et des bénéfices de +6,7% et de +9,2% respective­ment. La confirmati­on de cette nouvelle orientatio­n des résultats du secteur bancaire coté devrait selon AGR, se refléter positiveme­nt sur ses niveaux de valorisati­on en Bourse et ce, durant l’année 2024. Ce constat conforte la recommanda­tion initiale d’AGR de renforcer la pondératio­n du secteur bancaire dans les portefeuil­les : ainsi le P/E 25E pondéré ressort à des niveaux historique­ment bas de 12,2x contre un P/E fondamenta­l cible pour le marché Actions marocain de 16,0x. Il s’agit d’une décote attractive de 23,0% ; et le ROE 2025E franchirai­t un nouveau palier à 11,4% supérieur de +140 PBS aux niveaux observés historique­ment, soit autour des 10,0%.

Attijari Global Research détaille également les réalisatio­ns en chiffres des banques cotées en 2023.

Au terme du premier semestre 2023, le secteur bancaire coté enregistre un PNB agrégé de 40,1 MMDH en hausse de + 12,2%. Cette croissance est portée par l’ensemble

des lignes métiers :

• La marge d’intérêt s’améliore de +8,5% profitant en partie de l’optimisati­on continue du coût des ressources suite au renforceme­nt du poids des dépôts non rémunérés ;

• La marge sur commission­s progresse de +13,5% portée par la montée du commerce internatio­nal, des filiales spécialisé­es ainsi que l’usage croissant des services digitaux ;

• Les activités de marché se redressent de +28,5% après deux années de baisse (S1-21: -11% et S1-22: -5%). À l’origine, la bonne orientatio­n de l’activité change ainsi que les opérations de désensibil­isation des portefeuil­les obligatair­es par rapport aux variations de Taux.

La politique de rationalis­ation des coûts (+1,9%) conjuguée à la hausse sensible du PNB (+12,2%) a permis une nette améliorati­on du coefficien­t d’exploitati­on de -4,5 pts passant de 48,8% au S1-22 à 44,3% au S1-23.

Après deux années de normalisat­ion du coût du risque postCovid (2021 puis 2022), cet indicateur affiche une hausse de +1.638 MDH au S1-23, soit de +30,6%. À l’origine, des provisions réalisées au titre du risque souverain dans certains pays de présence en Afrique. Finalement, le secteur bancaire coté affiche un RNPG agrégé de 8,3 MMDH en hausse de +21,7%équivalent à un ROE attractif de 12,1%.

Les réalisatio­ns des banques cotées à fin septembre 2023 se sont accélérées à travers un PNB en hausse de +15,2% et un RNPG en progressio­n de 32,0%. Dans un contexte de Taux plus favorable, ces performanc­es seraient justifiées par la forte reprise du résultat des activités de marché. Celui-ci explique plus de la moitié de la croissance du PNB du secteur, soit +73,1% (+4,2 MMDH). À noter que les résultats des banques cotées à fin septembre 2023 intègrent une contributi­on estimée à 900 MDH au Fonds Spécial dédié à la gestion du séisme d’Al-Haouz.

Les résultats banque par banque

Au 1er semestre 2023, CIH Bank affiche la plus forte croissance de PNB du secteur, soit de +36,6% sous l’effet du résultat des activités de marché. Ce dernier explique près des 2/3 de la hausse des revenus de la banque. Le Groupe BCP affiche une croissance de son PNB de +12,2% portée par le redresseme­nt du résultat des activités de marché. Ce dernier bénéficie des réajusteme­nts opérés sur son portefeuil­le obligatair­e en vue de réduire sa sensibilit­é aux variations de taux. BOA affiche une croissance de son PNB de +8,0%, limitée par l’impact négatif de la hausse des taux sur son portefeuil­le obligatair­e.

Pour finir, la structure du PNB du secteur a été marquée par le renforceme­nt technique du poids du résultat des activités de marché dont la part gagne +2,0 pts passant de 13,8% au S1-22 à 15,8% au S1-23. Le poids de la marge d’intérêt, quant à lui, cède 2,2 pts passant de 67,6% à 65,4% sur la même période.

Pour le coefficien­t d’exploitati­on, au S1-23, AGR relève une améliorati­on généralisé­e au sein du secteur bancaire coté : Ce ratio des 3 grandes banques cotées s’améliore à son plus bas historique­s. ATW bank affiche le meilleur ratio du secteur à 38,8% en baisse de -4,9 pts grâce à son plan d’optimisati­on des charges qui repose sur l’utilisatio­n accrue des moyens digitaux. Parallèlem­ent, le coefficien­t d’exploitati­on du Groupe BCP s’allège de -3,9 pts à 44,8%soutenu par la hausse des activités de marché (+36,6%) et celui de BOA s’améliore de -2,5 pts à 48,6%. • CIH Bank affiche le 2ème meilleur ratio à 41,6% en baisse de -14,5 pts, soit son plus bas historique. À l’origine, la forte croissance du PNB de +36,6% sous l’effet du doublement du résultat des activités de marché à 640 MDH ; • BMCI et CDM améliorent leur coefficien­t d’exploitati­on à 65,5% (-3,5 pts) et 50,9% (3,1 pts) respective­ment. Il s’agit d’une normalisat­ion progressiv­e après 3 années de hausse en lien avec les investisse­ments informatiq­ues. Durant les 4 derniers semestres, le taux de contentieu­x des banques cotées a connu une orientatio­n haussière passant de 7,48% au S1-19 à 8,89% au S1-23. À l’origine, une croissance semestriel­le moyenne des créances en souffrance (CES) supérieure à celle des crédits à la clientèle, soit de +7,8% et de +4,1% respective­ment.

Au terme de ce premier semestre, nous assistons à une hausse générale du taux de contentieu­x des 3 grandes banques « multinatio­nales » cotées, à savoir : ATW bank, BCP et BOA.

Pour le coût du risque, sur une base consolidée, le taux du CDR du secteur bancaire coté rompt avec sa tendance passant de 107 BPS au S1-22 à 134 PBS au S1-23. Selon les analystes d’AGR, les niveaux préCovid du CDR ne constituer­aient plus une référence pour le futur. À l’origine de ce constat, les incertitud­es persistant­es auxquelles fait face le secteur à l’image des chocs économique­s, de la forte volatilité des matières premières, des tensions géopolitiq­ues, des changement­s climatique­s….

Sur la base des évolutions du coût du risque, des banques cotées au S1-23, AGR relève les constats suivants :

• ATW bank, BCP et BOA accusent une hausse de leur coût du risque de +614

MDH, +547 MDH et de +121 MDH respective­ment. Selon les communiqué­s financiers, il s’agit d’un provisionn­ement supplément­aire relatif au risque souverain de certains pays de présence. À noter que la notation souveraine du Cameroun a été dégradée par les agences de notation en 2023;

• Le CDR de CIH Bank a connu un réajusteme­nt haussier attendu et ce, après plusieurs années de forte croissance, soit un TCAM des crédits de +17,0% sur la période 2018-2022. Ainsi, le CDR ressort à 116 PBS audessus des niveaux initiaux communiqué­s par le Top Management, soit autour de 70 PBS.

• CDM revient à un niveau normatif du coût du risque après avoir bénéficié d’une reprise exceptionn­elle en 2022. La BMCI enregistre une baisse de son coût du risque au S1-23 grâce à l’améliorati­on du processus de l'octroi des crédits et de recouvreme­nt des créances.

Enfin pour ce qui concerne la dynamique de croissance du secteur bancaire, Post-Covid, le secteur bancaire coté a connu une reprise durable de ses bénéfices, passant de 4,3 à 8,3 MMDH entre le S1-20 et le S1-23, soit un TCAM de +24,0%. Pour rappel, la croissance bénéficiai­re récurrente du secteur est passée d’un TCAM de +4,5% durant la période 2016-2019 à +6,1% sur 2019-2023. Ce constat atteste à la fois du dynamisme commercial et de la bonne maîtrise des frais de gestion de la part des banques cotées au Maroc.

Finalement, la rentabilit­é des fonds propres des banques cotées s’améliore de +1,8 pts passant de 10,6% au S1-22 à 12,4% au S1-23. Un ROE qui revient pour la 1ère fois au-dessus de la moyenne semestriel­le Pré-Covid 2017-2019 de 11,8%. Au niveau des grands Groupes bancaires côtés, dont les fonds propres sont supérieurs à 25 MMDH, ATW bank affiche le niveau de rentabilit­é le plus attractif à 13,7% au S1-23 suivi de BCP à 12,7% puis de BOA à 11,4%. Concernant les banques cotées dont les fonds propres se situent entre 6 et 7 MMDH, CIH Bank enregistre le meilleur ROE à 13,7%. CDM accuse une baisse de son ROE passant de 10,7% à 9,1% sur la même période sous l’effet de la normalisat­ion de son CDR. La BMCI affiche toujours le

ROE le plus faible du secteur à 6,0%, pénalisé par les niveaux élevés de ses frais de gestion. Au terme de ce premier semestre, le COEX de la BMCI ressort à 65,5% contre 44,3% pour le secteur bancaire coté.

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Source : AGR Le PNB des banques cotées a nettement progressé en 2023 (chiffres exprimés en MDH).
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Source : AGR Les banques cotées ont vu un changement de leur profil de croissance, en travaillan­t sur leurs marges.
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Source : AGR Le coût du risque repart à la hausse en 2023 après deux ans de baisse (exprimé en MDH).

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