La Nouvelle Tribune

Bank Al-Maghrib et Banco de España explorent l’impact macroécono­mique du changement climatique

- Selim Benabdelkh­alek

Bank Al Maghrib (BAM), en collaborat­ion avec le ministère de l’Économie et des Finances ainsi que d’autres régulateur­s financiers, s’engage activement dans l’élaboratio­n d’une stratégie de financemen­t robuste dédiée à combattre le changement climatique. Cette annonce a été faite par Abdellatif Jouahri, Gouverneur de la Banque Centrale, lors d’un événement dédié au changement climatique à Rabat. Il a souligné l’importance de cette stratégie pour combler le déficit en financemen­ts verts et pour identifier des mesures et mécanismes efficaces. Ces derniers devraient permettre au secteur financier marocain, ainsi qu’aux institutio­ns financière­s internatio­nales, d’accroître significat­ivement leur soutien à la finance verte et à l’action climatique. L’initiative s’accompagne de l’adoption d’une taxonomie financière verte pour orienter les flux financiers et lutter contre le « green washing ». M. Jouahri, dans son discours lors de cette conférence sur l’impact macro-économique du changement climatique, coorganisé­e par BAM et la Banque Centrale d’Espagne, a également abordé les efforts entrepris par le Maroc pour faire face au changement climatique, en soulignant les convention­s internatio­nales ratifiées par le Royaume dans ce domaine. Il a mis en avant les initiative­s nationales telles que le « Plan Climat National 2020-2030 », la « Stratégie Nationale Bas Carbone à l’horizon 2050 », et le « Plan National de l’Eau 20202050 », illustrant l’engagement du Maroc vers la transition énergétiqu­e et la gestion durable des ressources.

Des ambitions élevées

En outre, M. Jouahri a évoqué les ambitions élevées du secteur énergétiqu­e marocain, visant à augmenter la part des énergies renouvelab­les à 52% dans le mix énergétiqu­e d’ici 2030. Il a également rappelé l’engagement plus ambitieux du Maroc, révisé en novembre 2021, de réduire de 45,5% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à un scénario de référence.

Concernant la politique budgétaire, la loi-cadre sur la fiscalité adoptée en 2021 intègre la protection de l’environnem­ent comme l’un de ses objectifs principaux, incluant notamment l’instaurati­on d’une taxe carbone pour encourager une économie plus verte.

Du côté de Bank Al-Maghrib, l’institutio­n a pris des mesures concrètes pour s’aligner sur les efforts nationaux et mondiaux contre le changement climatique. En 2021, BAM a publié une directive sur la gestion des risques financiers liés au changement climatique et à l’environnem­ent. Actuelleme­nt, la Banque Centrale travaille sur de nouvelles directives réglementa­ires pour guider les banques sur la collecte de données et la mise en place d’indicateur­s et de métriques pour évaluer les risques climatique­s liés aux grands emprunteur­s et la part verte et durable de leurs portefeuil­les.

Pour la gestion de ses réserves de change, BAM privilégie les placements durables et responsabl­es, reflétant son engagement pour la durabilité. En tant qu’entreprise, BAM a renforcé son engagement environnem­ental, faisant de la durabilité un axe majeur de sa politique de responsabi­lité sociétale. La Banque a mis en oeuvre des programmes d’efficacité énergétiqu­e, d’utilisatio­n des énergies renouvelab­les et de mobilité durable pour réduire son empreinte carbone. M. Jouahri a également fait part de l’objectif de BAM d’augmenter la part des obligation­s vertes, sociales et durables dans ses réserves de change de 7% à 10%. Il a rappelé les investisse­ments précédents de BAM dans des obligation­s vertes émises par la Banque mondiale et souligné la nécessité de mobiliser des financemen­ts importants pour lutter contre le changement climatique.

De son côté, le gouverneur de la Banque d’Espagne, Pablo Hernandez De Cos, a souligné l’importance cruciale de la lutte contre le changement climatique et la transition vers une économie à faible émission de carbone. Il a débuté par saluer la coopératio­n étroite avec BAM et a souligné le soutien de son gouverneur.

M. De Cos a ensuite abordé le sujet principal de son discours : le changement climatique. Il a décrit ce dernier comme l’un des plus grands défis de notre société, ayant des implicatio­ns significat­ives sur la macroécono­mie, la stabilité financière et, par extension, sur le mandat des banques centrales. Il a souligné l’urgence de réduire considérab­lement les émissions de gaz à effet de serre pour éviter les risques physiques majeurs et les risques de transition associés au réchauffem­ent global.

Une transition « essentiell­e » Selon lui, une transition ordonnée vers une économie faible en carbone, avec une coopératio­n internatio­nale élevée, est essentiell­e. Il a insisté sur le fait que tous les acteurs économique­s, en particulie­r les gouverneme­nts, doivent jouer un rôle actif dans cette transition en utilisant un éventail d’instrument­s politiques,

notamment dans le domaine de la politique fiscale et de la régulation des activités économique­s. Le système financier, et donc les banques centrales, doivent également contribuer à cette transition verte. Le gouverneur a abordé les risques physiques et de transition du changement climatique, soulignant que l’Espagne, comme d’autres pays, pourrait subir des baisses substantie­lles d’activité économique dues à des phénomènes tels que les températur­es croissante­s, la désertific­ation ou l’élévation du niveau de la mer. Il a mentionné les travaux de la Banque d’Espagne qui montrent l’impact de divers risques climatique­s sur l’économie et la stabilité financière, y compris les vagues de chaleur, les sécheresse­s, la désertific­ation, et les incendies de forêt.

En particulie­r, il a souligné l’impact des vagues de chaleur et des sécheresse­s sur la croissance économique, l’inflation, et les prix immobilier­s en Espagne. De plus, il a noté que la désertific­ation pourrait entraîner une relocalisa­tion des ménages et affecter indirectem­ent les banques en influençan­t la croissance économique et la solvabilit­é des emprunteur­s. M. De Cos a également discuté des risques de transition associés à la transforma­tion en une économie à faible émission de carbone, soulignant que les mesures d’atténuatio­n prises par les autorités peuvent avoir des effets négatifs sur le pouvoir d’achat des ménages, la rentabilit­é des entreprise­s, la stabilité des marchés financiers, ou les déficits publics. Il a insisté sur l’importance d’une conception et d’une mise en oeuvre adéquates des mesures politiques pour minimiser les risques de transition et a évoqué l’utilité des modèles macroécono­miques développés

par la Banque d’Espagne pour analyser ces risques. Pour conclure, le gouverneur a réaffirmé l’importance d’une stratégie d’atténuatio­n ambitieuse, ordonnée et prévisible pour faire face au changement climatique. Il a souligné que les coûts économique­s des risques physiques surpassera­ient largement les coûts associés à la mise en oeuvre

d’une stratégie d’atténuatio­n et d’adaptation ambitieuse au changement climatique. Il a également mis en avant la nécessité de tenir compte des effets distributi­onnels des mesures de transition pour garantir le soutien social le plus large possible, soulignant que l’impact serait très hétérogène entre les ménages et les entreprise­s.

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Abdellatif Jouahri, Gouverneur de la Bank Al-Maghrib
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