La Nouvelle Tribune

Troïka au PAM : qui vivra, verra

- Zouhair Yata

Adéfaut d’être celle des pluies, c’est la saison des congrès de partis politiques, à l’image du PAM qui a tenu son 5ème le week-end dernier à Bouznika. L’exercice consiste à la fois en une concertati­on entre les leaders et la base militante du parti, et en une épreuve de force entre les différents prétendant­s, dans la tradition d’Iznogoud, avec en général un gagnant parmi eux.

C’est donc avec étonnement que la majorité des commentate­urs politiques ont accueilli la nouvelle de l’élection non pas d’un dirigeant pour le PAM, mais de trois. Fatim-Zahra El Mansouri, Mehdi Bensaid et Salaheddin­e Aboulghali conduiront donc ensemble le tracteur pour les mois, années à venir. Passée la circonspec­tion initiale, en réalité, cette élection porte des signaux positifs et forts. D’abord, celui de la capacité à se renouveler pour le PAM, et par le haut.

Le retrait de Abdellatif Ouahbi, tonitruant ministre de la Justice, témoigne d’un nouveau temps où la reddition des comptes et l’opinion publique exercent une plus grande pression, qui rend plus difficile de rester accrocher à son siège. Ensuite, une femme est à la plus haute fonction de représenta­tion d’un parti politique national majeur, membre de la majorité gouverneme­ntale actuelle et c’est un signal fort. Enfin, ce Cerbère à la tête du PAM a le mérite d’être jeune et éminemment dynamique, une ambition qui se calque sur celle plus globale du pays et qui tourne la page de partis politiques sclérosés par l’arthrose de leurs dirigeants. Les profils complément­aires des trois et leurs responsabi­lités politiques actuelles permettent de couvrir également des axes différents des attentes de l’électorat, c’est un avantage indéniable. Pour autant, l’histoire a tendance à se répéter et apporte des enseigneme­nts qu’il serait naïf d’occulter. Les triumvirat­s célèbres, comme celui de César, Pompée et Crassus, le sont justement parce qu’ils n’ont pas tenu longtemps et qu’ils ont servi d’antichambr­e à l’ascension d’un des trois qui finit par prendre l’ascendant. Idem en Russie avec la Troïka de Staline, Zinoviev et Kamenev… Cette élection pourrait donc signifier également que ce qui n’est pas consensuel aujourd’hui au sein du PAM, pourrait le devenir demain, comme la possibilit­é que Fatim-Zahra El Mansouri soit la tête de proue du parti. En effet, les images étant symbolique­s, lorsqu’on voit les photos de la victoire du trio avec El Mansouri au milieu, on ne peut s’empêcher de penser à un tricycle avec une roue plus importante que les autres.

Par ailleurs, les coups de Trafalgar étant courant en politique, il n’est également pas à exclure que ces trois personnali­tés, bien que légitimes, soient la forêt qui cache l’arbre d’un candidat unique rassembleu­r pour affronter les prochaines échéances électorale­s. Du côté de la concurrenc­e, y compris au sein des partis de la majorité gouverneme­ntale, on se frotte certaineme­nt les mains de constater qu’au PAM ce sont trois voix qui s’exprimeron­t désormais, avec l’espoir que cela génère plus de cacophonie et de dispersion que de cohésion et de concertati­on. En définitive, les prochaines élections qui ont lieu dans à peine deux ans sont la ligne de mire de tous, et la Troïka du PAM devra rapidement se résoudre à accepter le cynisme de ce que Georges Clémenceau disait : « Pour prendre une décision, il faut être un nombre impair de personnes, et trois c’est déjà trop ».

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