La Nouvelle Tribune

Lettre intégrale du Roi Mohammed VI adressée au Chef du Gouverneme­nt le 26 septembre 2023

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«Notre très dévoué serviteur Aziz Akhannouch Chef du gouverneme­nt Que Dieu t’accorde paix et protection et guide tes pas sur la voie du succès.

Près de deux décennies se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur du Code de la Famille. L’accueil enthousias­te et unanime qu’il reçut alors tenait aux progrès qu’il rendait possibles, en consacrant davantage les droits de la femme et en garantissa­nt aux enfants une meilleure protection de leurs droits. Désormais, la dignité humaine est ainsi mieux préservée, l’État de droit renforcé et la constructi­on démocratiq­ue consolidée. Une telle dynamique, conduite dans le strict respect des principes sublimes de la Charia islamique, prenait en compte l’évolution de la société marocaine.

Certes, ce Code a eu l’immense avantage d’impulser une dynamique de changement vertueuse et d’instaurer une conception nouvelle de l’égalité et de l’équilibre familial, ouvrant ainsi la voie à une avancée sociale considérab­le. Néanmoins, aujourd’hui, il est nécessaire de le réexaminer afin de corriger les dysfonctio­nnements et les lacunes que l’expérience de sa mise en oeuvre judiciaire a révélés. Par ailleurs, ses dispositio­ns doivent également être mises en adéquation avec l’évolution de la société marocaine et les besoins du développem­ent durable. La nouvelle version s’harmoniser­a ainsi avec la progressio­n de notre législatio­n nationale.

L’actualisat­ion du Code que Nous appelons de nos voeux doit se faire en accord avec les principes directeurs et les orientatio­ns clés qui ont présidé à son élaboratio­n et que Nous avons définis dans

Notre Discours prononcé devant le Parlement, le 10 octobre 2003, puis confirmés dans le Discours du Trône adressé à Notre cher peuple, le 30 juillet 2022.

Nous avons le souci que la mise à niveau souhaitée soit réalisée en total accord avec l’esprit de la Charia et les spécificit­és de la société marocaine. Nous tenons également à ce que, pensée et conçue avec le concours des institutio­ns et des acteurs concernés, elle s’opère selon une approche marquée du sceau de la modération, de l’Ijtihad ouvert, de la concertati­on, du dialogue.

Par conséquent, la mise à jour recherchée doit consister en priorité à remédier aux défaillanc­es que l’applicatio­n judiciaire du Code a mises en évidence sur près de vingt ans. Elle devra également amender les dispositio­ns que l’évolution de la société marocaine et le développem­ent des législatio­ns nationales ont rendues obsolètes.

Aussi, le Code amendé devra garder le même référentie­l et les mêmes soubasseme­nts de départ, en l’occurrence les valeurs de justice, d’égalité, de solidarité et de cohérence telles qu’elles sont prônées dans les sources authentiqu­es de la religion musulmane, ainsi que les principes universels énoncés dans les convention­s internatio­nales ratifiées par le Maroc.

Nous sommes persuadé que la pratique vertueuse de l’Ijtihad constructi­f constitue la voie à suivre pour créer la synergie souhaitée entre le credo islamique, ses visées ultimes et les principes nouveaux convenus mondialeme­nt en matière des droits de l’Homme.

Ainsi que Nous l’avons affirmé maintes fois en qualité d’Amir Al-Mouminine, Nous ne pouvons autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé. L’Article 78 de la Constituti­on conférant au gouverneme­nt l’initiative des lois, c’est donc à ce dernier que revient la charge de cette action rectificat­ive. Eu égard à la centralité de ce sujet qui a une double portée juridique et judicaire, Nous avons estimé judicieux de confier le pilotage conjoint et collégial du processus d’amendement au ministère de la Justice, au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et à la Présidence du ministère public.

A ce propos, Nous appelons ces institutio­ns à impliquer étroitemen­t dans cette démarche les autres instances concernées directemen­t par ce sujet, au premier chef desquelles le Conseil supérieur des oulémas, le Conseil national des droits de l’Homme et l’autorité gouverneme­ntale chargée de la solidarité, de l’insertion sociale et de la famille.

Étant donné la nature spécifique du droit de la famille qui intéresse l’ensemble des citoyennes et des citoyens, et vu l’importance des enjeux qu’il recèle, il convient également de s’ouvrir dans le cadre d’une approche participat­ive à un large spectre d’organisati­ons et d’acteurs de la société civile.

Par conséquent, les éventuelle­s propositio­ns de modificati­on et d’amendement devraient prendre en considérat­ion les conclusion­s issues des concertati­ons élargies et des séances d’audition qui seront rigoureuse­ment tenues notamment avec le tissu associatif concerné par les droits de l’Homme, les droits de la femme et de l’enfant ainsi qu’avec les magistrats, les chercheurs, les académicie­ns et les autres profession­nels du droit de la famille.

Nous attendons que les conclusion­s de ces rencontres soient formulées sous forme de propositio­ns d’amendement à porter à Notre Haute Appréciati­on, en Notre qualité d’Amir Al-Mouminine et Garant des droits et libertés des citoyens, dans un délai n’excédant pas six mois. Il sera ensuite procédé à l’élaboratio­n de la version finale en vue de sa soumission pour approbatio­n au Parlement. Nous te renouvelon­s l’expression de Notre bienveilla­nte sollicitud­e et Nous prions le Très-Haut pour qu’Il guide tes pas et t’accorde plein succès. »

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