La Nouvelle Tribune

« Toutes les associatio­ns féministes sont en faveur d’une réforme profonde et globale du code de la famille »

- Propos recueillis par Afifa Dassouli

On ne présente plus Nouzha Skalli, figure emblématiq­ue du paysage politique marocain, de la gauche et du féminisme engagé. Elle a été successive­ment ministre du Développem­ent Social, de la Famille et de la Solidarité, députée à la Chambre des Représenta­nts et première femme cheffe de Groupe Parlementa­ire. Son engagement pour la cause de la Femme a également jalonné son parcours en tant que Fondatrice de l’Organisati­on Marocaine des Droits Humains, de l'Associatio­n Démocratiq­ue des Femmes du Maroc (ADFM), du Centre d'Écoute et d'Assistance Juridique aux Femmes Victimes de Violence (à Casablanca) et du Centre pour le Leadership Féminin (CLEF) ou encore à travers le Think Tank AWAL qu’elle préside depuis 2018. Dans cette interview franche et sans langue de bois, elle revient sur le chemin parcouru, les échecs et les succès du combat pour une place équitable de la Femme marocaine dans la société, mais surtout sur ce qu’il reste à faire à travers la réforme initiée par le Roi Mohammed VI.

Mme Nouzha Skalli, vous êtes une femme politique et une militante sociale, vous avez occupé le poste de ministre du développem­ent social, de la famille et de la solidarité, en charge des droits des femmes. Pouvez-vous à ce titre retracer pour nos lecteurs, le contexte de la réforme de la Moudawana lancée par Sa Majesté ?

Mme Nouzha Skalli : En effet, il est important de connaître le chemin parcouru et savoir où nous voulons aller par rapport à d’où nous venons !

Avant la première réforme de 2003, la situation de la femme était catastroph­ique, le Code du statut personnel était centré sur l’homme qui était le principal décideur, dans le mariage, la reconnaiss­ance des enfants et la tutelle, la répudiatio­n et en tout autre circonstan­ce familiale. L’épouse ou les épouses lui devaient obéissance. En un mot, il avait tous les pouvoirs et la loi était là pour conforter sa suprématie ! Les femmes, elles, étaient prisonnièr­es du mariage et n’avaient accès au divorce que dans des circonstan­ces exceptionn­elles, très difficiles à prouver.

Malgré les luttes du mouvement pour les droits des femmes, on se rappelle de la polémique créé artificiel­lement par les tenants de l’Islam politique pour contrecarr­er toute volonté de réforme de ce Code.

Le jour où Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait annoncé la réforme le 10 octobre 2003 au parlement j’étais moi-même parlementa­ire et cheffe de groupe parlementa­ire du PPS. C’était pour moi et pour le mouvement féministe une grande joie. Cette journée du 10 Octobre a d’ailleurs été adoptée comme journée nationale de la femme par SM Le Roi en 2008, durant mon mandat en tant que ministre.

Le projet de loi a été adopté par le parlement à l’unanimité en février 2004 et le nouveau Code de la famille a été publié sur le journal officiel. Parmi les avancées, il s’agissait d’abord de la co-responsabi­lité des hommes et des femmes dans le foyer, et l’obligation de l’obéissance au mari a été supprimée. L’âge légal du mariage qui était de 15 ans, a été fixé à 18 ans par l’article 19, sauf dérogation, dans des cas exceptionn­el. La tutelle imposée aux femmes a été supprimée. Dorénavant les femmes peuvent se marier sans tuteur.

Et, ce que je qualifie de géant, les femmes ont obtenu l’accès au divorce à travers le « Chiqaq » ou désunion. Toute femme qui demande le divorce doit l’obtenir dans un délai maximum de 6 mois, et ceci quelle que soit la raison, donc sans avoir à se justifier ou à produire des preuves qu’elle serait victime de violence ou de défaut d’entretien (Nafaka).

Les femmes divorcées ont acquis le droit de garder les enfants au domicile conjugal alors qu’avant elles devaient quitter le domicile avec leurs enfants après la répudiatio­n.

Sans compter que la polygamie a été pratiqueme­nt interdite, sauf raison exceptionn­elle. Alors que dans l’héritage, l’injustice selon laquelle les petits enfants par le fils avaient droit à l’héritage alors que les petits enfants par la fille en étaient privés, a été également rétablie, à travers Al Wassia Al wajiba.

A l’époque nous les féministes, étions très satisfaite­s de ces changement­s et avions le sentiment d’avoir franchi un pas très important!

Pourquoi malgré les avancées, la mise en applicatio­n du nouveau code a révélé des insuffisan­ces et des disfonctio­nnements?

En effet, malgré les progrès importants accomplis, certains objectifs majeurs comme l’interdicti­on du mariage des mineures ou de la polygamie, sauf situation exceptionn­elle, n’ont hélas pas été atteints. L’exception

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marocain, de la gauche et du féminisme engagé
Mme Nouzha Skalli, figure emblématiq­ue du paysage politique marocain, de la gauche et du féminisme engagé

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