« Ramadan vibes »
Après quelques jours, le mois sacré de Ramadan est désormais installé dans le quotidien des Marocains et tous les marqueurs forts qui sont habituellement associés à cette période très attendue par nos concitoyens, sont réunis.
Chebbakia, l’hrira, les tables de ftour qui rassemblent les familles et les proches, la communion de tous autour de nos traditions et la transmission des ainés aux plus jeunes, notamment de la spiritualité et de la solidarité, à l’image des générations qui se retrouvent pour les prières de Tarawih. La liste est bien évidemment longue et adaptable à souhait selon ce que chacun attend de ce mois dont les bénéfices sont nombreux pour l’esprit et le corps. En revanche, ce qui est également certain, c’est que pendant le mois de Ramadan, le jour et la nuit ne se ressemblent pas, et que se révèlent aussi des comportements étonnants par leur inadéquation avec le principe même de ce mois.
Certes, certains sont moins graves que d’autres, à l’image du manque de civisme flagrant qui sévit devant toutes les pâtisseries et boulangeries, ou encore le fait que les voitures des parents s’agglutinent dans des embouteillages monstrueux aux abords des écoles, faisant l’économie au passage d’habituer les enfants à faire 20 mètres à pied. Il n’y a pas mort d’homme dans ces cas et celui qui oserait rappeler à l’ordre ceux qui créent une zizanie injustifiée sera qualifié d’impatient, peut-être parce qu’il est buveur de café, fumeur, diabétique ou sujet à la tension artérielle. En revanche, ce qui ne s’explique absolument pas, sous aucun prisme, dans aucune logique ou rationalité possible, ce sont les fous du volant, de tout âge et des deux sexes, qui sévissent à l’approche de la rupture du jeun et qui mettent en danger la vie d’autrui en plus de la leur, pour un bol de hrira ou une datte. La religion a décidément toujours bon dos. En réalité, malgré une volonté affichée de s’élever pendant ce mois, pour beaucoup de nos concitoyens, l’apparat social, les stories instagram et TikTok pour les uns, la boulimie alimentaire pour les autres, les commérages acerbes qui accompagnent les longs litres de cafés, thés et autres jus au lait et aux fruits, la torpeur teintée de mauvaise foi qui anime chaque jour un peu plus le monde professionnel avec une baisse de la productivité digne d’un crash boursier, prennent souvent le pas sur les bonnes intentions associées à ce mois. Même lorsque Bank Al Maghrib décide de ne pas relever les taux directeurs, on peut se demander si ce n’est pas pour éviter de donner trop de travail à tous ceux qui seraient impactés par une hausse.
Ajoutez à tout cela une vacuité terrible de l’actualité politique et économique nationale, les feuilletons télévisés et les spots publicitaires que nous regardons semble-t-il que pour mieux les critiquer, il ne reste que les « affaires » à commenter. Fort heureusement elles sont très nombreuses, touchent pratiquement toutes les couches politiques nationales et sont riches en rebondissements, déclarations, arrestations, mises en examen, condamnations, ce qui permet certainement d’étoffer les conversations nocturnes.
Dans la pratique, le mois de Ramadan est à l’image de la société marocaine, multiple et riche, naviguant entre tradition et modernité en brouillant constamment les frontières entre les deux. Ce sont les « Ramadan vibes » pour utiliser aussi la combinaison linguistique la plus à la mode entre la darija et l’anglais.