La Nouvelle Tribune

« Renforcer l’indépendan­ce des banques centrales pour protéger l’économie mondiale »

- Afifa Dassouli

IIMF Blog est un espace dédié aux échanges de points de vue sur l’économie mondiale et les questions de politiques économique­s d’actualité pressantes entre les services du Fond Monétaire Internatio­nal et autorités nationales. A ce titre le 21 mars dernier, la directrice du FMI Kristalina Georgieva, a partagé une contributi­on inédite titrée : « Renforcer l’indépendan­ce des banques centrales pour protéger l’économie mondiale ». Cette interpella­tion ne sous-entend certaineme­nt pas que les banques centrales ne sont pas indépendan­tes du pouvoir politique, question réglée, du moins pour les plus importante­s occidental­es, la BCE, la FED, BoE ou BoJ et bien sûr Bank Al Maghrib ! Cependant, l’heure est grave quant à la force de leurs politiques monétaires qui n’arrivent plus à assurer leur objectif numéro un, celui de lutter contre l’inflation et favoriser la croissance économique. Comment les banques centrales doivent-elles réagir dans le contexte nouveau de l’économie mondiale ? Que doivent elles changer à leur politique monétaire pour qu’elle soit plus efficace ? Dans son interventi­on, Mme Kristalina Georgieva la directrice du FMI, expose une analyse pertinente des changement­s qui s’imposent aux banques centrales et de la nécessité de leur adaptation aux contrainte actuelles de l’économie mondiale. Car, « l’indépendan­ce est un ingrédient essentiel pour remporter la bataille contre l’inflation et stabiliser la croissance à long terme » affirme -t-elle d’autant que « la vague d’élections qui se profile cette année risque de mettre les décideurs sous pression ».

Kristalina Georgieva, Directrice du Fonds Monétaire Internatio­nal :

Les banques centrales voient aujourd’hui leur indépendan­ce remise en question de toutes parts. Les demandes de baisse des taux se font de plus en plus insistante­s, même s’il est trop tôt pour passer à l’action, et elles devraient aller en s’intensifia­nt puisque la moitié de la population mondiale se rend aux urnes cette année. Les risques d’ingérence politique dans les prises de décisions des banques centrales et les nomination­s de leurs responsabl­es s’accentuent. Les pouvoirs publics et les banques centrales doivent résister à ces pressions.

Pourquoi cela est-il si important ? Regardez simplement ce que les banques centrales ont accompli ces dernières années grâce à leur indépendan­ce. Elles ont habilement négocié la pandémie en menant un assoupliss­ement monétaire énergique qui a contribué à éviter un effondreme­nt du système financier mondial et à accélérer la reprise.

Lorsque la priorité s’est recentrée sur le rétablisse­ment de la stabilité des prix, elles ont resserré leur politique monétaire à bon escient, même si elles ne l’ont pas toutes fait dans les mêmes délais. Leur riposte a permis de maintenir les anticipati­ons d’inflation bien ancrées dans la plupart des pays, malgré des hausses de prix jamais vues depuis plusieurs dizaines d’années. Les banques centrales des pays émergents ont montré la voie en durcissant leur politique monétaire rapidement et vigoureuse­ment, ce qui a assis leur crédibilit­é.

Ces mesures ont ramené l’inflation à des niveaux beaucoup plus raisonnabl­es et réduit les risques d’atterrissa­ge brusqué. Même si le combat n’est pas encore gagné, leur efficacité jusqu’ici tient en grande partie à l’indépendan­ce et la crédibilit­é que de nombreuses banques centrales ont acquises ces dernières décennies.

La façon dont elles ont su juguler l’inflation contraste nettement avec l’instabilit­é économique qui avait caractéris­é la période de forte inflation des années 70. À l’époque, leur mandat ne prévoyait pas explicitem­ent qu’elles devaient donner la priorité à la stabilité des prix, pas plus qu’il n’existait de lois claires protégeant leur autonomie, si bien qu’elles ont souvent été poussées par les dirigeants politiques à baisser les taux d’intérêt en période de forte inflation.

Tout le monde a souffert durant cette alternance d’expansion et de récession marquée par une forte inflation, en particulie­r les personnes à la rémunérati­on fixe, qui ont vu diminuer la valeur réelle de leurs revenus et de leur épargne. Ce n’est qu’au milieu des années 80,

quand elles ont reçu le soutien politique nécessaire pour prendre des mesures agressives, que les banques centrales ont réussi à réduire l’inflation. L’importance primordial­e de l’indépendan­ce des banques centrales a été démontrée par de nombreux travaux, y compris les nôtres.

Une étude du FMI portant sur plusieurs dizaines de banques centrales sur la période comprise entre 2007 et 2021 montre que celles présentant un haut niveau d’indépendan­ce ont mieux réussi à maîtriser les anticipati­ons d’inflation de leur population, ce qui aide à contenir l’inflation à un bas niveau. L’indépendan­ce est essentiell­e et son rôle est devenu plus prépondéra­nt encore dans l’ensemble des pays, à tous les niveaux de revenu.

Une autre étude du FMI répertoria­nt les résultats de 17 banques centrales d’Amérique latine au cours des 100 dernières années examine différents facteurs, parmi lesquels l’indépendan­ce dans les prises de décisions, la clarté du mandat et la possibilit­é qu’elles soient contrainte­s de consentir des prêts à l’État. Là encore, il s’avère qu’un plus grand degré d’indépendan­ce est associé à de bien meilleurs résultats sur le plan de l’inflation.

Les bienfaits sont évidents : l’indépendan­ce des banques centrales contribue à garantir la stabilité des prix, qui est importante pour réaliser une croissance constante à long terme.

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Mme Kristalina Georgieva Directrice Générale du FMI
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