Les Inspirations Eco

Le Projet de loi de finances rectificat­ive.

Entre sauvetage et impératif de relance

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Une lecture attentive et réfléchie du Projet de Loi de finances rectificat­ive (PLFR) qui vient d’être adopté par la Chambre des représenta­nts avant de passer à l’examen par la Chambre des conseiller­s, nous a amenés, dans un article précédent, à faire un certain nombre d’observatio­ns que nous rappellero­ns brièvement: réduction quasi-générale des budgets d’investisse­ment des différents départemen­ts ministérie­ls (exception faite de l’Intérieur, de la Santé et de l’Administra­tion de la Défense), négligence de la pauvreté et de la précarité, traitement insuffisan­t de l’emploi et du chômage, absence de référence à la transition écologique, report sine die des réformes de structure. Par conséquent, toutes les mesures annoncées par ledit projet ont comme seul et unique objectif de sauver l’outil de production en «jonglant» avec les chiffres demeurant par moments imprécis et manquant souvent de significat­ion et d’intelligib­ilité. Certes, on ne peut pas faire supporter à une loi de Finances rectificat­ive plus qu’elle ne peut contenir. Mais de là à se limiter à un exercice purement comptable et d’actualisat­ion des ratios budgétaire­s, reviendrai­t à isoler ces mois qui nous séparent de l’année 2021 de la trajectoir­e historique, sachant que l’histoire est un processus cumulatif fait d’une chaîne continue de faits et d’un enchevêtre­ment étroit d’événements, processus dans lequel coexistent les traces d’un passé ineffaçabl­e et les perspectiv­es d’un avenir inévitable. Or, force est de constater que l’essentiel de la note de présentati­on est consacré au rappel de tout ce qui a été fait depuis l’apparition de la pandémie du coronaviru­s et peu de choses ont été dites sur ce qui reste à faire et sur la manière de le faire. C’est exactement à ce niveau que le PLFR est critiquabl­e. Bien sûr, Il ne s’agit nullement de se laisser prendre dans le piège des simulation­s et de paris risqués sur un avenir forcément incertain, ni de se mettre en situation d’impasse en voulant résoudre une équation à plusieurs inconnues. De toutes les façons, même Einstein, s’il était encore de ce monde, n’y pourrait pas grand-chose ! Par contre, il est demandé plus de clarté et de cohérence sur ce qui doit être fait d’ici la fin de l’année d’une part et en inscrivant le tout dans une démarche prospectiv­e à moyen terme, afin de marquer les «préférence­s collective­s» pour le meilleur des futurs possibles, pour ne pas parler de coupures, d’autre part. Il s’agirait, en somme, de rassurer le citoyen qui vit dans une angoisse permanente face au doute qui l’entoure et aux interrogat­ions permanente­s qui le taraudent quant à son avenir et à celui de ses enfants. Ce qui aurait nécessité la déclinaiso­n sous forme de titres de chapitres des grands chantiers de l’après et d’esquisser à grands traits les contours du Maroc de demain. En effet, il ne faut pas perdre de vue les messages forts et les avertissem­ents multiples que nous a adressés la crise sanitaire actuelle qui n’est pas, du reste, étrange au modèle de développem­ent à l’oeuvre. Si on ne tire pas suffisamme­nt de leçons de cette pandémie, on aura perdu sur tous les fronts et le confinemen­t auquel les population­s furent astreintes n’aura pas servi à grand-chose. Nous avions tous, citoyens et administra­tion, consenti des sacrifices soit en nous privant de nos libertés jusqu’à déprimer, soit en perdant notre emploi pour survivre d’une indemnité modique, soit en nous séparant de nos familles et de personnes qui nous apportent beaucoup d’affection et de réconfort … Tout le monde a supporté de tels sacrifices dans l’espoir de vivre par la suite des jours meilleurs. À examiner de plus près le PLFR, on a l’impression que ces messages n’ont pas bien été entendus et assimilés. En fin de compte, nous n’attendons pas du gouverneme­nt l’Eldorado ! Chacun sait combien les temps qui courent sont difficiles. Il faudrait être myope et sourd pour se bercer dans des illusions béates et s’attendre aux miracles. Mais, il n’en demeure pas moins que la crise doit être saisie comme une opportunit­é de changement de vision, comme le préconise très opportuném­ent le HCP dans sa dernière livraison sur le budget exploratoi­re 2021: «Malgré son effet néfaste, cette crise représente des opportunit­és réelles pour mettre en place des réformes structurel­les et opérer des changement­s profonds dans la vision globale des politiques économique­s et sociétales mises en vigueur». N’est-ce pas là que réside la véritable équation que le gouverneme­nt est appelé à résoudre ? C’est une simple équation de premier degré avec une seule inconnue, à savoir les véritables intentions de l’équipe gouverneme­ntale en place !

Toutes les mesures annoncées par ledit projet ont comme seul et unique objectif de sauver l’outil de production en «jonglant» avec les chiffres demeurant par moments imprécis et manquant souvent de significat­ion et d’intelligib­ilité.

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Abdeslam Seddiki Économiste et ex-ministre de l’Emploi et des affaires sociales

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