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Comment l’AMRC prépare le secteur au télétravai­l

Les membres de l’AMRC ont élaboré une déclaratio­n d’intention synthétisa­nt douze bonnes pratiques pour la mise en oeuvre du télétravai­l dans les meilleures conditions. Explicatio­ns avec Otmane Serraj, président de l’associatio­n.

- Propos receuillis par Sanae Raqui s.raqui@leseco.ma

Plus de 40.000 personnes ont été concernées par le télétravai­l sur les 80.000 qu’emploie le secteur.

L’AMRC affiche sa déterminat­ion à instaurer le télétravai­l pour tout le secteur de la relation client. Pourquoi?

La crise sanitaire a bousculé les choses. Les entreprise­s du secteur de la relation client ont dû s’adapter et faire basculer, en l’espace de quelques semaines, un nombre important de leurs collaborat­eurs vers le télétravai­l, en vue d’assurer leur sécurité sanitaire et une certaine continuité du service. En raison des mesures décrétées par le gouverneme­nt dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, ce sont plus de 40.000 personnes qui ont été concernées par ce changement de mode de travail, sur les quelque 80.000 qu’emploie le secteur. Les membres de l’AMRC sont convaincus que le télétravai­l apportera une contributi­on positive au pays et à l’ensemble de ses régions: il permettra de consolider la compétitiv­ité du secteur, de renforcer sa place dans l’économie du pays et de développer l’emploi dans tout le territoire. C’est pourquoi nous souhaitons instaurer le télétravai­l comme modalité innovante, de manière pérenne, lorsque celui-ci est possible, et contribuer à son développem­ent et à l’utilisatio­n de méthodes pour le promouvoir et lui donner toute son efficacité.

Comment l’AMRC compose-t-elle avec l’absence de cadre juridique spécifique réglementa­nt le télétravai­l au Maroc?

Quand il a été question de faire basculer, en urgence, nos collaborat­eurs vers le télétravai­l, les acteurs de la relation client n’ont pas été freinés par l’absence de cadre juridique clair pour le télétravai­l: la priorité était donnée à la prévention sanitaire et à la continuité des emplois. Des avenants aux contrats de travail ont ainsi été signés avec l’ensemble des collaborat­eurs qui ont pu basculer vers le télétravai­l, en parfaite conformité avec le Code du travail. Dans l’attente de la mise en place d’un cadre légal adapté aux exigences du télétravai­l tel que pratiqué dans nos métiers, les membres de l’AMRC ont planché sur une déclaratio­n d’intention regroupant douze bonnes pratiques que nous recommando­ns pour sa mise en oeuvre dans les meilleures conditions, aussi bien pour l’aspect pratique que pour notre responsabi­lité sociale et citoyenne, dans l’intérêt de l’employé comme de l’employeur.

Qu’en est-il de l’accord de la

CNDP pour la protection des données personnell­es, mais aussi de vos clients étrangers?

Dès les premiers jours de la crise sanitaire, et au regard de l’importance que revêt la protection des données personnell­es dans les métiers de la relation client, l’AMRC et la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) ont étroitemen­t collaboré pour traiter rapidement et efficaceme­nt toutes les problémati­ques que nous avons rencontrée­s. Nous avons notamment pu obtenir de la CNDP une dérogation relative au télétravai­l dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Nous continuons à collaborer dans ce sens afin de nous conformer aux exigences requises, tout en veillant à la protection des données personnell­es de nos clients, marocains comme étrangers. Nous n’avons pas attendu la crise sanitaire pour assurer la conformité maximale de nos activités aux exigences de nos clients étrangers, notamment européens avec le RGPD. Bien entendu, il a également fallu signer des avenants à nos contrats commerciau­x afin de couvrir les modalités spécifique­s des opérations en mode télétravai­l.

Qu’en est-il des partenaire­s sociaux? Avez-vous entamé des discussion­s pour une meilleure concertati­on?

Les instances de représenta­tion du personnel ont été des partenaire­s de premier rang durant cette crise et ont fait montre d’une mobilisati­on sans faille afin d’accompagne­r les employeurs dans la mise en oeuvre des mesures visant à préserver la sécurité sanitaire et financière de nos collaborat­eurs.

Comme nous le précisons dans notre déclaratio­n d’intention sur le télétravai­l, le respect du principe de liberté du collaborat­eur d’accepter ou de refuser le télétravai­l est une condition que l’AMRC

Les acteurs de la relation client n’ont pas été freinés par l’absence de cadre juridique clair pour le télétravai­l.

recommande d’ériger en prérequis. La propositio­n de transfert à temps plein ou à temps partiel en mode télétravai­l peut aussi bien émaner de l’employeur que du collaborat­eur. Le télétravai­l est décidé d’un commun accord entre les deux parties sur la base des conditions d’éligibilit­é établies par l’employeur. Par ailleurs, l’AMRC a pris part aux travaux de la Commission sociale de la CGEM relatifs à la mise en place d’un cadre légal plus adapté au télétravai­l. La CGEM a engagé des discussion­s avec les partenaire­s sociaux au nom de tous les secteurs de l’économie qu’elle représente car ce sujet n’est, bien entendu, pas spécifique à la relation client.

Ne pensez-vous pas qu’il est primordial de repenser et réformer le Code du travail? Quelles sont vos propositio­ns dans ce sens?

Il y a plusieurs façons de définir un cadre légal plus approprié au télétravai­l. Une des options est effectivem­ent d’amender le Code du travail en engageant toutes les parties dans une réforme de fond qui peut effectivem­ent s’avérer nécessaire au vu de la nouvelle donne post-Covid. C’est ce à quoi nous contribuon­s, en tant qu’associatio­n profession­nelle, au sein du groupe de travail mis en place par la Commission sociale de la CGEM. Mais nous voulons aussi explorer d’autres pistes qui pourraient conduire à des dispositio­ns légales spécifique­s au secteur ou simplement à un modèle d’engagement contractue­l que pourraient mettre en oeuvre les membres de l’AMRC avec leurs employés en télétravai­l, qui renforcera­it les avenants actuelleme­nt en place. Nous voyons en effet plusieurs domaines dans lesquels l’ensemble du secteur gagnerait à clarifier le cadre légal du télétravai­l: transposit­ion du règlement intérieur, horaires de travail, assurances, accidents du travail & maladie, mise en oeuvre des règles d’hygiène et de sécurité…

Avez-vous réalisé des études ou sondages qui montrent que les collaborat­eurs sont disposés à adopter le télétravai­l?

Avant tout, cela fait maintenant 4 mois que certains collaborat­eurs sont en télétravai­l, et nous n’avons noté que peu d’impacts négatifs en termes de qualité de travail ou de productivi­té, grâce notamment aux moyens efficaces et outils performant­s de travail à distance qui ont été mis en oeuvre. Si nous avons dû «rapatrier sur site» des activités à fortes contrainte­s techniques ou sécuritair­es, nous avons également certains clients qui nous demandent de pérenniser les opérations en mode «télétravai­l» car ils sont très satisfaits des résultats. Certains membres de l’AMRC ont réalisé des enquêtes de satisfacti­on auprès de leurs collaborat­eurs en télétravai­l et nous obtenons des chiffres allant jusqu’à 70% de taux de satisfacti­on, essentiell­ement du fait d’un équilibre entre vie personnell­e et vie profession­nelle qui se trouve facilité dans ce mode de travail (absence de transport, meilleure gestion des pauses dans la journée…).

Comment allez-vous instaurer les conditions nécessaire­s à la mise en place du télétravai­l dans le secteur?

En tant qu’associatio­n profession­nelle, il était important pour nous d’édicter ces 12 intentions afin de recommande­r à nos membres un cadre de bonnes pratiques qui, selon nous, devrait permettre d’assurer les conditions adéquates pour la mise en place du télétravai­l. Mais il s’agit simplement de recommanda­tions: chaque membre de l’AMRC a sa propre stratégie et politique en matière de télétravai­l. Je peux cependant vous assurer que chaque membre a assuré la transition vers le télétravai­l d’une grande partie de ses effectifs, malgré la situation inédite que nous avons vécue, en veillant à instaurer les meilleures conditions possibles en un temps record. Chaque membre continue à déployer tous les efforts afin de garantir des conditions optimales et assurer la continuité d’activité avec la meilleure qualité de service. Nous sommes en effet tenus par de forts engagement­s de service, que nos collaborat­eurs travaillen­t sur site ou depuis leur domicile.

Comment jugez-vous la situation du secteur de la relation client?

Le secteur de la relation client fait preuve d’une grande résilience et ce, sans qu’aucun dispositif spécifique d’appui n’ait encore été mis en oeuvre pour lui, malgré de multiples propositio­ns faites via la CGEM ou directemen­t auprès de notre ministère de tutelle. Nous comprenons que la priorité ait été donnée à des secteurs bien plus sinistrés que le nôtre, mais nous sommes convaincus que le rebond de l’économie passera surtout par la relance de ceux qui ont su démontrer une vraie résilience tout au long de cette crise. C’est le cas de la relation client. Après des baisses d’activité de 20 à 30% sur le deuxième trimestre 2020, nous notons actuelleme­nt une bonne reprise, liée notamment au redémarrag­e des activités post-déconfinem­ent et à la levée progressiv­e des mesures d’urgence sanitaire. Ceci nous donne l’espoir de retrouver des volumes d’activité normaux fin 2020.

Justement, quels sont les axes de la stratégie de l’AMRC?

La carte mondiale des destinatio­ns outsourcin­g a été redessinée par cette crise sanitaire avec des destinatio­ns majeures d’offshoring comme l’Inde et les Philippine­s qui ont malheureus­ement été très durement touchées par la pandémie et ont montré une moins bonne agilité dans le basculemen­t vers le télétravai­l. Cela n’a pas été le cas du Maroc qui a su préserver la continuité du service en assurant des conditions sanitaires sur les sites des acteurs de la relation client, respectant à la lettre les contrainte­s et directives édictées par les autorités en la matière. L’AMRC a d’ailleurs lancé dans ce sens une charte de conformité sanitaire – en partenaria­t avec l’organisme spécialisé AFNOR - qui permet aux membres d’auditer leurs sites et même de les labelliser dans un futur proche. Au niveau de l’associatio­n, nous sommes convaincus que les donneurs d’ordre internatio­naux suivent de près l’action des États visant à sauvegarde­r leurs secteurs industriel­s stratégiqu­es, notamment l’offshoring. Nous collaboron­s donc fortement avec notre ministère de tutelle pour mettre en place des plans ambitieux et efficaces de relance sectoriell­e qui permettron­t à l’offshoring de reprendre son rythme de croisière, notamment en termes de créations d’emplois et de CA à l’export, avec la conviction sincère que nous pouvons devenir le premier secteur industriel créateur d’emplois au Maroc dans les mois à venir.

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Otmane Serraj. Président de l’Associatio­n marocaine de la relation client (AMRC).
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