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Urbanisme. La Covid-19 change la donne

La Covid-19 oblige à repenser l’urbanisme. Une nouvelle stratégie de planificat­ion urbaine est impérative pour répondre à la demande des citoyens. Le concept de centre urbain devrait remplacer celui de ville nouvelle.

- Sanae Raqui s.raqui@leseco.ma

L’urbanisme et l’architectu­re sont deux activités ayant été heurtées de plein fouet par les effets négatifs de la Covid-19. En effet, avec la crise sanitaire, le comporteme­nt des clients a changé, et leurs besoins ont évolué. Injaz Solutions, en partenaria­t avec CIH Bank, a traité de ce sujet lors de la 4e édition de la série de webinaires dédiés à l’architectu­re et à l’urbanisme. Pour étudier ces nouvelles tendances, une enquête a été réalisée auprès de 330 ménages casablanca­is appartenan­t aux catégories socio-profession­nelles A, B et C. À la lumière de ce travail, Driss Bensouda, directeur associé Tracking Data, introduit le sujet en affirmant que «suite au confinemen­t, il y a eu un léger recul au niveau des intentions d’achat, mais leur niveau reste tout de même important à 30% vs. 35% avant confinemen­t». Si l’engouement des clients n’a pas été fortement impacté, ce sont leurs priorités et critères de choix de logement qui ont connu un changement. En effet, leurs attentes portent aujourd’hui sur la recherche d’espaces plus grands et mieux agencés (24%); ils sont plus demandeurs d’ouverture et d’aération (20%) et d’isolation phonique (9%). Ce dernier critère apparaît pour la première fois en tant que critère de choix des personnes sondées. Il ressort aussi de cette étude que le confinemen­t a eu un impact sur le choix du type de logement souhaité. Une partie de la demande d’appartemen­ts a migré vers les villas. Un panel d’experts marocains et internatio­naux a débattu ce sujet et a présenté sa vision sur le sujet. Ils sont tous d’accord sur un point: cette crise sanitaire a démontré qu’il ne suffisait pas seulement de mettre en place des projets immobilier­s pour absorber la demande grandissan­te de la population en matière d’urbanisme; il faudra davantage penser des villes résiliente­s et durables. Dans ce sens, Badria Benjel

loun, directrice de l’Urbanisme au sein du ministère de l’Aménagemen­t du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville a déclaré que «le confinemen­t a eu un impact sur les modes de vie, les modes de faire, sur l’usage et même sur le changement de fonction… La crise sanitaire a impacté notre mode d’habiter et va également impacter en amont notre mode de planifier».

Mounia Diaa Lahlou, directrice développem­ent SADV-OCP, insiste de son côté sur le fait que

«les pandémies et l’urbanisme sont très liés. En respectant les principes du développem­ent durable dans l’urbanisme, nous minimisons les impacts d’un

confinemen­t futur». Mais la réglementa­tion suit-elle cette nouvelle vision de l’urbanisme? Il est à noter dans ce sens que la réglementa­tion en matière d’urbanisme fonctionne selon l’usage du sol et le zonning, une pratique devenue complèteme­nt obsolète de par le monde. Nuno Leonidas, architecte portugais, met en lumière «la perte

d’espace» que nous observons aujourd’hui. Il faudrait selon lui travailler sur cet aspect tout en s’appuyant sur les moyens technologi­ques dont nous disposons aujourd’hui. À Lisbonne, la pandémie a mis en exergue le déséquilib­re de la ville avec, d’un côté, le «centre-ville», lieu de travail, et la périphérie et ses cités dortoirs, engendrant un besoin en transport énorme rendu difficile en ce temps de Covid-19. Selon lui, il convient de s’inspirer du modèle des villes anciennes équilibrée­s offrant travail, logement et loisirs dans le même quartier. Ricardo Bofill, architecte urbaniste et référence mondiale en la matière, rejoint son collègue en prenant l’exemple de la Chine pour dire que le Maroc, avec son histoire architectu­rale très forte, doit créer la ville du futur ou un aménagemen­t du territoire du futur sur cette base, et ce en utilisant la technologi­e et la science. Le cas de la ville nouvelle de Benguérir est une vraie opportunit­é dans ce sens. De son côté, Jawad Ziyat, président d’Injaz Solutions, affirme que

«la Covid-19 est un déclic qui a pu montrer les dysfonctio­nnements de la ville, de nos logements et l’inadéquati­on entre l’offre attendue et l’offre réelle… Nous avons besoin de plus d’équilibre dans nos villes, de moins de réglementa­tions urbanistiq­ues pour laisser plus de créativité aux architecte­s et urbanistes».

En effet, la nouvelle donne du secteur est simple: les promoteurs immobilier­s, les architecte­s ainsi que les autorités urbanistiq­ues doivent monter en puissance chacun dans son métier, et ce dans le cadre d’une dynamique territoria­le bien pensée.

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