Une menace pour la relance ?
Le report de la hausse du salaire minimum légal (SMIG) n’a pas eu lieu. Est-ce une menace pour la réussite de la relance souhaitée pour notre économie? La question divise les experts.
Le report de la hausse du salaire minimum légal (SMIG) n’a pas eu lieu. Est-ce une menace pour la réussite de la relance souhaitée pour notre économie? La question divise les experts.
Entrée en vigueur le 1er juillet, l’augmentation du SMIG de 5% est passée de 14,13 DH à 14,81 DH/ heure pour les professions libérales et les secteurs de l’industrie et du commerce. Mensuellement, elle équivaut à un montant de 2.637 DH net ( 2.828 DH brut) en lieu et place des 2.517 DH nets (2.700 DH bruts). Une petite augmentation qui fait tout de même réagir les patrons. Cette 22e revalorisation du SMIG depuis 1982, passant de 490 à 1.000 DH en 1990 avant de passer au double neuf ans plus tard, est vue d’un mauvais oeil. La Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), par exemple, estime que dans ce contexte, une telle mesure n’est pas de nature à préserver l’emploi.
«Elle rendrait aussi l’informel plus attractif au moment où il nous faut relancer notre économie et booster sa compétitivité, intégrer l’informel, attirer plus d’investissement pour créer de l’emploi et de la valeur ajoutée»,
nous explique une source au sein de la confédération. Et Mehdi El Fakir, économiste, consultant en stratégie et risk management, est de cet avis.
«Nous sommes dans un contexte de crise; le plus important est de préserver l’emploi. Les acquis des salariés sont, certes, importants. Mais avec ce contexte, il faut qu’il y ait une concertation autour d’une solution acceptable pour toutes les parties prenantes. Car s’il n’y avait pas le coronavirus, on n’en serait pas arrivés à discuter le sujet du SMIG. Il faut être factuel car cette hausse du SMIG est temporairement gênante pour certaines entreprises. Chaque partie doit faire un effort de son côté pour dépasser cette crise».
L’industrie impactée au premier degré
L’économiste Adil Roqai n’est pas loin de penser la même chose. «L’impact de la hausse du SMIG va être ressenti dès le mois d’août pour les entreprises car la crise liée à la Covid-19 ne fait que commencer», prévient l’expert pour qui les industriels employant le plus de personnes au SMIG sont, semblet-il, sur le fil du rasoir, d’autant plus que les commandes continuent à baisser drastiquement. Les syndicats, qui y voient une bonne occasion de mettre «un terme à la précarité au niveau des milliers professionnels afin de renforcer le pouvoir d’achat des citoyens», saluent cette «aubaine». Dans un pays où 65% des salariés déclarés à la CNSS touchent moins de 3.000 DH mensuels, la hausse du SMIG est difficile à combattre, dira-t-on, même si le contexte s’y prête peu. Les mois d’avril, de mai et de juin ont été particulièrement difficiles pour les entreprises au Maroc du fait de la Covid-19. Plusieurs entreprises ont mis la clé sous la porte alors que 130.000 autres ont recouru à l’indemnité Covid-19 pour payer les salaires. Et le reste de l’année est loin d’être prometteur.
La Banque africaine de développement (BAD) n’exclut d’ailleurs pas une récession au Maroc en 2020. Sauf que la relance économique doit aussi être assortie d’investissements massifs étrangers. Et vu que la hausse n’est pas aussi importante qu’on le pense, le Maroc est en droit de continuer à revendiquer son attractivité, souligne pour sa part Khalid Karbaoui. Selon le docteur en entrepreneuriat, «la hausse modérée du SMIG est non seulement bénéfique sur le plan interne, parce qu’elle s’accompagne dune hausse du pouvoir d’achat des «SMIGards», mais aussi et surtout car elle n’empiète pas sur la compétitivité du royaume». Après tout, «le pays ne peut compter uniquement sur des salaires bas pour attirer les investissements directs étrangers». Enfin, si la question du report de la hausse du SMIG ne semble plus être à l’ordre du jour, elle aura quand même eu le mérite d’être posée. Les entreprises ont beaucoup souffert de la Covid-19 et souffriront peut-être encore plus de la crise sanitaire et économique. En revanche, elles ont été plus ou moins soutenues par le gouvernement à travers une série de mesures. Le roi a récemment annoncé la création un fonds d’investissement stratégique dans lequel quelque 120 MMDH seront injectés dans l’économie nationale, soit l’équivalent de 11 % du PIB.