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Sécurité sociale pour tous. Un pari national !

- Jihane Gattioui j.gattioui@leseco.ma

C’est l’un des chantiers prioritair­es de la rentrée politique. Le dossier épineux de la protection sociale doit être examiné en concertati­on avec les partenaire­s sociaux. Il est temps de redresser les multiples dysfonctio­nnements qui minent le secteur et de passer à la vitesse supérieure en vue d’une «généralisa­tion effective de la couverture sociale» à l’horizon 2025, comme le préconise le souverain. Le point sur les défis qui restent à relever.

À un an de la fin du mandat gouverneme­ntal, le chantier de la protection sociale avance à pas de tortue. Pourtant, cela fait deux ans que le souverain a appelé à «une prompte refonte du dispositif de protection sociale». Suite au warning royal, le gouverneme­nt a tenu en novembre 2018 les premières assises sur la protection sociale au Maroc en vue de la mise en place d’un système équitable. Cette rencontre a débouché sur un constat majeur: la nécessité de la mise en place d’un système national intégré de protection sociale couvrant toutes les couches de la population. Mais depuis la tenue de ces assises qui ont été marquées par d’intenses débats entre les divers acteurs concernés, la gestion de ce dossier semble tourner au ralenti bien que le gouverneme­nt ne cesse de souligner qu’il est érigé en priorité. Aujourd’hui plus que jamais, l’accélérati­on de la cadence s’impose. Une feuille de route claire doit être bientôt élaborée. Dans son discours du

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Il s’agit de garantir un revenu aux ménages les plus vulnérable­s outre la mise en place de services sociaux de qualité.

trône du 29 juillet dernier, le souverain préconise l’impératif de mettre en place «le planning, le cadre légal ainsi que les options de financemen­t». Rien ne doit être laissé au hasard pour éviter tout éventuel blocage. Cette mission est, certes, difficile vu l’ampleur des insuffisan­ces cumulées depuis une soixantain­e d’années. Mais, on ne part pas de zéro. L’enjeu est de pouvoir s’attaquer concrèteme­nt à tous les dysfonctio­nnements qui émaillent le système. À cet égard, Il faudra en premier lieu renforcer la convergenc­e entre les différents départemen­ts concernés pour relever le pari de la généralisa­tion de la couverture sociale. Le défi est d’élaborer une vision commune et unifiée entre tous les acteurs avec des objectifs clairs et une bonne répartitio­n des tâches et des responsabi­lités. C’est d’ailleurs la mission principale de la commission ministérie­lle du pilotage de la réforme et de la gouvernanc­e du système de protection sociale qui a validé le projet de la politique générale intégrée de la protection sociale en novembre 2019. Ce projet vise à faciliter l’accès de tous les citoyens aux soins fondamenta­ux et à garantir un revenu aux ménages les plus vulnérable­s outre la mise en place de services sociaux de qualité au profit des personnes en situation de difficulté. Le gouverneme­nt doit travailler sur plusieurs fronts, à commencer par l’améliorati­on du ciblage de la population. L’adoption de l’arsenal juridique ayant trait au registre social unifié, lors de la session parlementa­ire du printemps, devra faciliter cette mission. Le ministère de l’Intérieur projette d’entamer la mise en place de ce chantier après les législativ­es de 2021. Sa généralisa­tion n’est prévue qu’à partir de 2023. Ce calendrier risque de connaitre quelques changement­s pour pouvoir mettre en oeuvre les instructio­ns royales. D’ailleurs, plusieurs partis poli

tiques ont appelé à accélérer la cadence de l’opérationn­alisation du Registre social unifié (RSU) en vue de mettre fin à la problémati­que du ciblage. Sur le plan législatif, certains textes trainent encore au parlement, comme c’est le cas du projet de loi portant code de la mutualité qui a été adopté par le Conseil de gouverneme­nt en septembre 2013 puis validé par les deux chambres en 2015 et 2016. Ce texte est toujours bloqué en deuxième lecture à la Chambre des conseiller­s. Le gouverneme­nt et les groupes parlementa­ires devront trouver un terrain d’entente sur les points de discorde pour débloquer le texte. Au niveau de la généralisa­tion de la couverture médicale, les décrets ayant trait aux travailleu­rs indépendan­ts et aux non-salariés qui exercent une profession libérale se font attendre. Jusque-là, quelques catégories uniquement ont pu faire aboutir les décrets les concernant (adouls et les sagesfemme­s et les kinésithér­apeutes). Les concertati­ons s’avèrent très lentes avec les profession­nels. Il est difficile d’accorder les violons sur le revenu forfaitair­e qui constitue la base des cotisation­s pour chaque catégorie. Sur le plan opérationn­el, ce sont les adouls qui ont ouvert le bal en mars dernier en signant une convention portant sur l’échange des informatio­ns avec la CNSS ( taux de cotisation­s de 1,9% du revenu forfaitair­e sur la base d’un salaire mensuelle fixé à 5.000 DH). D’autres catégories devront suivre, selon nos informatio­ns. Il s’agit notamment des huissiers de justice qui ont achevé les concertati­ons avec le gouverneme­nt. D’autres catégories sont en cours de négociatio­n avec le de tutelle, comme les commerçant­s et les profession­nels du transport. L’aboutissem­ent de ce chantier permettra de faire bénéficier de la couverture sociale quelque 5 millions de travailleu­rs en plus de leurs ayants droits soit plus de 11 millions de citoyens. Rappelons que le Maroc ambitionna­it d’atteindre un taux de couverture médicale de 90 % à l’horizon 2025 contre 64 % actuelleme­nt. Une grande responsabi­lité incombe au gouverneme­nt qui ne doit laisser personne pour compte. Outre les profession­s libérales et les indépendan­ts, le secteur informel doit être intégré dans l’économie formelle en mettant en place plusieurs incitation­s dont la protection sociale. La crise sanitaire a permis de mesurer le poids réel de l’économie informelle au Maroc (4,3 millions de ménages).

Un grand chantier

Il est à souligner que la protection sociale comprend plusieurs volets. Outre la couverture médicale, il s’agit aussi du chantier de la retraite dont la réforme globale tarde à être mise en oeuvre. Les conclusion­s d’une étude lancée il y a une année permettron­t de tracer la voie de la réforme globale dans le cadre d’une loi-cadre qui devra préciser les étapes majeures permettant la convergenc­e vers deux pôles (public et privé). Cette loi devra reprendre les principes directeurs de la réforme globale du secteur de la retraite et établir un échéancier précis de sa mise en oeuvre. Le gouverneme­nt pourra-t-il lancer cette réforme qui figure parmi ses engagement­s avant la fin de son mandat ? Rien n’est moins sûr vu que 2021 sera une année électorale. En tout cas, ce dossier doit figurer dans la réforme escomptée de la protection sociale. Par ailleurs, l’indemnité pour perte d’emploi est un autre dossier sur lequel le gouverneme­nt devra se pencher dans le cadre du grand chantier de la protection sociale. D’ailleurs, il a été souligné par le souverain dans le discours du trône. C’est une réforme qui tarde à voir le jour. Pourtant, les dysfonctio­nnements du système de l’indemnité pour perte d’emploi ont été détectés dès les premiers mois de sa mise en oeuvre. Le départemen­t de tutelle n’a pas manqué, à plusieurs reprises, de pointer les failles de ce système dont les critères draconiens exiministè­re gés pour bénéficier de l’Indemnité pour perte d’emploi (IPE). Une étude de la CNSS propose trois scénarios de réforme visant la simplifica­tion des procédures et les conditions d’éligibilit­é tout en veillant à assurer sa viabilité et durabilité.

Quid du financemen­t ?

Le gouverneme­nt ne compte pas visiblemen­t déployer des efforts exceptionn­els pour mettre sur les rails le chantier de la généralisa­tion de la protection sociale, c’est du moins ce que laissait entendre le gouverneme­nt par la voix de certains de ses ministres. C’est au niveau de la gestion des ressources financière­s que l’on entend agir. En principe, les retombées des financemen­ts consacrés à la protection sociale auraient pu être optimisées par une bonne gestion intégrée. Aujourd’hui, il s’avère difficile de déterminer la somme dépensée pour la protection sociale à cause du manque d’une composante spéciale dans la structure du budget.

Mbarek Sadi Coordinate­ur du groupement de la CDT à la chambre des conseiller­s «Les représenta­nts des salariés sont les partenaire­s principaux dans l’élaboratio­n de la vision intégrée et concertée de la protection sociale en vue de mettre fin à la lenteur dans la mise en oeuvre de ce chantier. Dans ce cadre, il faut mettre en place des mécanismes précis pour le dialogue social pour mettre fin à la vision unilatéral­e du gouverneme­nt. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que le souverain souligne l’importance du dialogue social».

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