La Renaissance DU GIN
Comment prenez-vous votre gin? Traditionnellement sec, au genévrier corse et distillé dans le vieux anglais? Chargé de notes florales et fruitées pour une touche plus moderne? Mais peut-être que comme beaucoup de buveurs vous n’aimez pas du tout le gin ?
Bien que le gin soit l’une des boissons les plus anciennes au monde, sa cote de popularité a baissé et il a perdu du terrain face aux alternatives comme la vodka, le Jägermeister, la tequila et le rhum, qui sont versés, transvasés ou mélangés pour former des boissons mixtes, et servis en grande quantité dans les clubs, les pubs et les restaurants d’Afrique du Sud.
Mais les gens branchés n’ont qu’une envie qui est de pouvoir lancer une nouvelle tendance, et depuis environ cinq ans le gin est de retour en force, la « Cité-mère » (le Cap) menant la charge.
Prenez Pienaar et Fils, une petite distillerie sur Roeland Street au coeur du quartier d’affaires du Cap. Son chef distillateur est André Pienaar, un musicien devenu chimiste d’une vingtaine d’années et ancien leader du groupe indie Ashtray Electric. Il produit maintenant des spiritueux originaux et exquis, et ayant le pouls sur la vie nocturne de la ville, il est exactement la personne qu’il faut pour éroder l’image du gin comme boisson réservée aux gens en manque d’inspiration.
L’histoire du gin explique dans une grande mesure la raison pour laquelle il est perçu à travers un prisme déformant.
Ce spiritueux fit son apparition au 10ème siècle en Italie mais c’est cependant en France et en Belgique qu’il était couramment consommé sous le nom de « genièvre ». Au cours d’une bataille opposant l’Angleterre à la France sur le sol hollandais, les soldats anglais découvrent la boisson et la burent pour se donner du courage – inventant par la même occasion le terme « Dutch courage » (se donner du courage par la boisson).
Les soldats aimèrent tellement leur découverte qu’ils l’emportèrent en Angleterre et lui donnèrent le nom de « gin » ; mais cette affection pour le genièvre amère augmenta de façon vertigineuse quand le gouvernement autorisa les distillateurs sans permis à vendre leurs concoctions de mauvaise qualité. Bientôt de larges franges de la population commencèrent à mourir après avoir consommé de la mauvaise liqueur bon marché.
Les lois régissant l’octroi des licences furent dûment renforcées et en 1769, l’autorité absolue gouvernant la distillation du gin naquit : Gordon’s, la marque qui a à elle-seule donna au marché une image professionnelle qui subsiste aujourd’hui encore.
Si votre idée du gin est une boisson sèche, amère et franchement indigeste, vous n’avez limité votre palais qu’à un tout petit échantillon du marché.
« En réalité le gin est bien plus versatile que les autres spiritueux, » me dit André depuis la distillerie à l’arrière de laquelle de nombreux fûts argentés alignés avec soin sont à l’oeuvre. « Il existe un nombre incalculable de combinaisons de saveurs avec lesquelles on peut expérimenter pour produire une boisson qui n’a rien de comparable à la boisson spiritueuse amère à laquelle vous pensez. » Prenez par exemple ce gin du nom d’ « Orient », qui est relevé d’épices et de fruits et qui rend hommage au commerce oriental des épices. Il est à des années lumières du gin tonic que papa et maman aimaient boire.
Il se trouve que le gin est presque entièrement ouvert à l’expérimentation et qu’il ne nécessite qu’un goût prédominant de genièvre et une teneur en alcool de 43 % pour être considéré comme « gin » en Afrique du Sud.
De nouvelles combinaisons de saveurs audacieuses ont commencé à exciter le palais des jeunes buveurs et à donner un nouvel élan à l’image du gin.
Les coins branchés comme le Gin Bar sur Wale Street contribuent à la mise du gin au goût du jour.
Depuis son ouverture en 2015 juste derrière le café Honest Chocolate, le Gin Bar s’est employé à chercher la plus grande sélection de goûts possibles et imaginables. « Je rencontre souvent des gens qui me disent qu’ils n’aiment pas le gin, » me dit Angélique Smith la gestionnaire du bar. « Et je réponds toujours : N’en dites pas plus. Je vais vous faire changer d’avis. »
Le Gin Bar est bien connu pour son gin infusé aux plantes sud-africaines – comme le fynbos – et pour ses concoctions « coup de coeur » du monde entier comme le Negroni qui combine gin, Campari, vermouth rosso, le tout agrémenté de zest d’orange.
Angélique explique que les gens aiment l’idée de petits établissements qui proposent une expérience intime. André est d’accord avec elle. Les entreprises d’artisanat connaissent un succès grandissant parce que les gens commencent à éviter les grandes sociétés et à soutenir les petites entreprises locales, avec la garantie d’obtenir un produit authentique.
Les équipements de distillation modernes font qu’il est plus facile pour les petites entreprises indépendantes comme Pienaar et Fils de passer à l’action. Le plus difficile, c’est d’arriver à changer la perception des gens qui est que pour faire un bon gin, il faut avoir été dans le métier depuis 300 ans. « Les distilleries ont fait d’énormes progrès, » me dit André, « et les technologies nouvelles nous permettent de fabriquer un meilleur produit – un produit original, nouveau et attrayant. »
Tant que la demande existe, André dit qu’il continuera à expérimenter avec les combinaisons de saveurs et à s’amuser. Avec une nouvelle clientèle branchée, l’image du gin est aujourd’hui bien différente.