PHOTO ANIMALIÈRE au Kenya
Qui n’a pas rêvé d’aller photographier les grands fauves au coeur de la savane ou la migration spectaculaire des gnous tentant d’échapper aux crocodiles?
Qui n’a pas rêvé d’aller photographier les grands fauves au coeur de la savane ou la migration spectaculaire des gnous tentant d’échapper aux crocodiles? L’aventure vous intéresse? C’est avec plaisir que nous vous ferons partager notre passion de la photographie et des animaux. En attendant, premier carnet de route d’un photographe animalier au Kenya, avant votre départ pour vivre l’Expérience Animan© sur le terrain, en février-mars 2019 et en Tanzanie.
C'est la nuit, j’entends un bruit près de ma tente. Ce ne sont pas les hippopotames de la rivière en contrebas, je connais leurs grognements. Ce sont des pas lourds et des craquements de branchages. A 5h30, il fait encore nuit et j’entends: «Hello! Good morning!» C’est le guerrier Masaï qui garde le camp la nuit pour nous protéger des prédateurs. Il nous raconte qu’un éléphant s’est promené entre nos tentes la nuit dernière… C’était son territoire avant de devenir un camp de photographes; les éléphants reviennent dans les endroits qu’ils ont connus. Genève-Amsterdam, Amsterdam-Nairobi. Nous survolons Nairobi, la capitale du Kenya, dans la nuit et je suis surpris de n’y voir que peu de lumière. Ce n’est pas comme nos villes d’Europe qui ressemblent à des galaxies d’étoiles. En sortant de l’avion, je ressens comme une couverture humide et chaude qui me tombe sur les épaules. Il y a aussi l’odeur du kérosène et tous mes sens sont en éveil. Nous commençons par chercher notre guide parmi la marée de panneaux sur lesquels les noms des voyageurs sont inscrits. «Jambo!» nous dit le chauffeur, un bonjour en swahili. Nous montons en voiture dans cette ville bruyante et polluée. Je m’impatiente déjà d’arriver dans la savane. La route est mauvaise, mais le chauffeur sait où ralentir avant les nids de poule.
DU RIFT À L’ARCHE DE NOÉ
Nous passons une première nuit en périphérie de Nairobi. J’ai mal dormi; j’étais trop excité de partir pour les grandes plaines. Je suis impatient, mais il faut la mériter, cette aventure! Au bord de la route, je vois marcher des enfants et des travailleurs devant des kilomètres de bidonville et j’aperçois les tours du centre-ville qui soulignent le contraste entre riches et pauvres. Nous entrons dans la Vallée du rift en longeant une faille qui donne le vertige. De l’Ethiopie au Mozambique, en passant par le Kenya, c’est une crevasse de près de 6’000 kilomètres de long. Dans ces fêlures a été découverte Lucy, le plus vieux fossile d’hominidé datant d’il y a plus de 3,2 millions d’année. J’aperçois les maisons des Masaï encerclées par des enclos, les kraals, constitués d’épines qui empêchent les lions et autres bêtes sauvages d’attaquer le bétail.
AU COEUR DU MASAI MARA
Ça y est, nous passons la barrière de sécurité de la réserve, gardée par les rangers. Après cinq heures de route éprouvante, c’est l’Arche de Noé; les animaux sont tous là, comme s’ils nous attendaient. Mais tout n’est pas tout à fait comme la dernière fois. Au dîner, les premières nouvelles arrivent. L’état de la réserve a changé, certains animaux sont morts et d’autres sont nés. Malaïka, une femelle guépard pas comme les autres qui avait pris l’habitude de monter sur le toit du 4x4 pour observer les environs n’a plus le droit de le faire. Dorénavant, le guide démarre le moteur quand elle essaie de grimper; certains se sont approchés trop près, en la mettant en danger. Le lendemain, aux aurores, je saute dans le 4x4 en espérant prendre la photo que je recherche, avec des lumières frisantes, des ciels orageux. La savane, c’est une ambiance magique, de longs points de fuite grâce à ces grandes plaines, cette vue dégagée à n’en plus finir. J’ai de la chance. Près des marais de Musiara, un groupe de lionceaux se met à jouer sur la souche d’un vieux figuier mort dont les nervures ressemblent à des dessins. Ils sont montés sur cet arbre pile au moment où le soleil était encore très bas, tôt le matin. Je suis à cinq mètres et je sais déjà que la photo est réussie au moment où j’appuie sur le déclencheur.
LE LENDEMAIN, AUX AURORES, JE SAUTE DANS LE 4X4 EN ESPÉRANT PRENDRE LA PHOTO QUE JE RECHERCHE, AVEC DES LUMIÈRES FRISANTES, DES CIELS ORAGEUX. LA SAVANE, C’EST UNE AMBIANCE MAGIQUE, DE LONGS POINTS DE FUITE GRÂCE À CES GRANDES PLAINES, CETTE VUE DÉGAGÉE À N’EN PLUS FINIR. J’AI DE LA CHANCE.
DE LA JEUNE HYÈNE À LA TRANSHUMANCE DES GNOUS
A midi, nous rentrons au camp pour décharger nos cartes mémoire et partager nos découvertes. Je suis équipé de deux boîtiers en cas de casse, avec un téléobjectif, un grand-angle, beaucoup de cartes mémoire et des disques durs. Le matériel est soumis à rude épreuve à cause de la poussière et des orages qui arrivent et repartent rapidement.
Un bon matériel est essentiel pour prendre de bons clichés. Et puis, il y a le facteur chance et le regard unique du photographe qui fait la différence entre toutes ces photos du même sujet au même moment. Je tente de prendre en photo des lionceaux à ras le sol, quand
une jeune hyène curieuse vient coller son nez contre mon objectif. J’appuie sur le déclencheur, la photo est surprenante. Le graal, ce serait d’immortaliser les minutes où le prédateur attaque sa proie. Ou de capturer les derniers instants des gnous et des zèbres qui migrent en Tanzanie et au Kenya pour trouver de l’herbe verte au mois de juillet, après la saison des pluies. Crocodiles, lions, hyènes et autres prédateurs les attendent aux endroits stratégiques pour ne pas rater une opportunité d’attaquer les proies les plus faibles. Cette transhumance natu- relle et spontanée est la plus spectaculaire du monde: elle traverse les plaines du Serengeti et du Masai Mara sur 600 à 1’000 kilomètres.
NATURE SAUVAGE ET RÉALITÉS DU PEUPLE MASAÏ
Quand les félins sont rassasiés et font la sieste, je photographie les martins pêcheurs, les impalas, les rolliers ou les jeunes chacals qui apprennent à chasser en jouant avec des lézards. Je sens
UN BON MATÉRIEL EST ESSENTIEL POUR PRENDRE DE BONS CLICHÉS. ET PUIS, IL Y A LE FACTEUR CHANCE ET LE REGARD UNIQUE DU PHOTOGRAPHE QUI FAIT LA DIFFÉRENCE ENTRE TOUTES CES PHOTOS DU MÊME SUJET AU MÊME MOMENT.
l’odeur des fauves et l’air chaud qui s’installe et je me rappelle de Sienna, la lionne blessée par un buffle dont les petits ont été recueillis par d’autres lionnes pendant sa convalescence. Finalement guérie par les hommes, elle a été empoisonnée, peut-être par des Masaï pour leur territoire. Dépossédés d’une partie de leurs terres, ces éleveurs luttent aussi pour maintenir leur mode de vie traditionnel.
Je lève le nez de mon appareil et sors un moment de ma bulle pour observer un troupeau de 200 vaches sur la terre des lions. C’est un spectacle surréaliste pour des Occidentaux comme nous. Quelle folie de mêler bétail et bêtes sauvages! Pourtant, c’est courant ici car le bétail est la richesse de la tribu semi-nomade des Masaï.
Le territoire des animaux sauvages diminue parce que les éleveurs y font paître leur bétail. Le combat entre nature sauvage et éleveurs dure depuis l’ère coloniale et fait partie des réalités de la région. Je suis un défenseur de la nature sauvage, mais je suis aussi reconnaissant d’être toléré sur ces terres, par les hommes et par les animaux.
JE SENS L’ODEUR DES FAUVES ET L’AIR CHAUD QUI S’INSTALLE ET JE ME RAPPELLE DE SIENNA, LA LIONNE BLESSÉE PAR UN BUFFLE DONT LES PETITS ONT ÉTÉ RECUEILLIS PAR D’AUTRES LIONNES PENDANT SA CONVALESCENCE.