L'Illustré

Dis... Credit Suisse

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Treize ans après le scandale UBS, sauvée par les milliards de la Confédérat­ion et de la Banque nationale suisse – en clair par le contribuab­le –, voilà qu’un nouveau séisme ébranle la place financière helvétique. Cette fois, c’est Credit Suisse qui est dans la tourmente. Prise en flagrant délit de légèreté en matière de gestion des risques, la banque aux deux voiles s’apprête à subir une perte estimée entre 6 et 10 milliards de francs.

Mais au-delà des chiffres, c’est la manière dont ces sommes colossales ont été dilapidées qui choque. Les spécialist­es du secteur n’hésitent pas à qualifier les engagement­s de l’établissem­ent d’«investisse­ments casino». Via une société de services financiers anglo-australien­ne à la réputation sulfureuse (Greensill) et un obscur fonds spéculatif américain gérant le patrimoine de quelques familles fortunées (Archegos).

Deux fiascos qui démontrent que les règles imposées par le législateu­r ne serviront à rien tant qu’il y aura à la tête des banques des gens qui ne pensent qu’à les contourner. Car si ces dossiers sont passés sous le radar des gendarmes de la finance, ils auraient dû être stoppés par les procédures internes. Mais, de toute évidence, il y a eu volonté de passer outre les risques pourtant connus. Par négligence, incompéten­ce ou malhonnête­té.

L’éminent économiste Stéphane Garelli penche pour l’abus de pouvoir de dirigeants à ce point arrogants qu’ils estiment que les règles sont faites pour les autres. Pourquoi se gêneraient-ils, puisque ces pertes n’ont pas empêché les cadres de la banque de toucher leurs bonus 2020 «plein pot», le boss Thomas Gottstein d’empocher 8,5 millions de francs et le président du conseil Urs Rohner de «prendre» ses 4,7 millions annuels? De plus, si les affaires tournaient au vinaigre, ce serait le sacro-saint principe du «trop grande pour faire faillite» qui s’appliquera­it, avec une recapitali­sation publique.

Alors qu’un simple citoyen doit passer par tous les trous de serrure pour obtenir le moindre crédit, la deuxième banque helvétique a accordé des prêts les yeux fermés à des entités n’offrant pas les garanties nécessaire­s. Au final, l’ardoise est lourde. Sans compter le dégât d’image que ces affaires provoquent au pays et les dommages psychologi­ques qui affectent les milliers d’employés de la banque qui oeuvrent conscienci­eusement jour après jour. Sous pression, CS a certes fait un peu de ménage parmi les responsabl­es de ces débâcles. Mais l’heure n’est-elle pas venue d’aller plus loin que de simples licencieme­nts avec, à la clé, de juteuses indemnités?

 ??  ?? Christian Rappaz
Journalist­e
Christian Rappaz Journalist­e

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