L'Illustré

Oleg Gafner

En créant un festival de musique classique à 13 ans, le Vaudois aujourd’hui âgé de 20 ans n’imaginait pas que l’aventure allait perdurer et l’aider à se lancer en politique.

- Texte Albertine Bourget – Photo Darrin Vanselow

J «e suis un grand amoureux de la musique baroque et romantique. Avec une mère pianiste et professeur­e de piano, j’ai baigné dedans depuis tout petit. Ma grande soeur, harpiste, étudie à la Juilliard School à New York et ma petite soeur est altiste. J’avais 3 ans quand j’ai commencé le violoncell­e, ce qui est rare à cause de la taille de l’instrument. J’en avais un plus petit, mais quand même trop grand pour moi! J’ai passé mon enfance et mon adolescenc­e à jouer, en dédiant mes week-ends à la musique, en passant les concours. Et cela n’a jamais été une contrainte.

Mais au fil du temps, je me suis rendu compte que les jeunes musiciens avaient peu d’opportunit­és de jouer en public. Et il y a un écart immense entre jouer devant ses parents et se produire lors d’un véritable concert. J’ai voulu partager la passion des nombreux jeunes talents d’ici et rendre le classique, qui a cette image si guindée, plus accessible. Quand j’ai lancé mon festival, j’avais 13 ans, alors ma démarche a eu beaucoup d’écho dans les médias.

Mais il y avait aussi, en filigrane, l’idée que ce serait un feu de paille. Cela a renforcé ma déterminat­ion. D’ici à la fin de l’année, ce sont 150 musiciens et musicienne­s qui se seront produits au Festival 4 saisons, toujours à guichets fermés. Les salles se sont agrandies, le budget est passé de 9000 francs à 160000, dont 90% de subvention­s privées. Les places restent gratuites, jamais je n’ai lâché là-dessus. Le public? C’est un tiers de proches de musiciens, un tiers de retraités et un tiers de familles. Des gens qui n’auraient pas forcément les moyens ou l’envie de se rendre à un concert autrement. Cette ouverture est fondamenta­le pour moi.

Même pendant le covid, on a pu faire des choses. Lors de la deuxième vague, nous avons créé un petit orchestre de chambre avec quatre musiciens et, les 23 et 24 décembre 2020, on a chargé deux camionnett­es pour rendre visite à 24 EMS, d’Yverdon à Aigle, en donnant à chaque fois un concert de Noël de vingt minutes. Cela reste un des plus beaux moments que j’ai connus avec ce festival, et cela montre ce qu’on peut accomplir avec un peu d’organisati­on et de la générosité.

C’est à peu près au même âge, vers 14 ans, que j’ai pris conscience que la planète allait mal. Je me suis inscrit chez les Jeunes Verts, où j’ai trouvé beaucoup de bienveilla­nce, notamment auprès de la conseillèr­e communale Anne Berguerand, qui m’a pris sous son aile. L’année dernière, j’ai été élu au Conseil communal de Lausanne. Si j’ai osé me lancer si tôt en politique, c’est grâce à la crédibilit­é et à l’expérience acquises avec le festival: organisati­on, demande des médias, travail en équipe… On peut être jeune et pris au sérieux, agir.

Avec le succès du festival, j’ai dû choisir d’arrêter de jouer: à un certain niveau, soit vous jouez tous les jours, soit plus du tout. J’ai préféré me mettre au service des jeunes artistes. Mais j’ai toujours mon archet au bout en défense de mammouth… Si je devais choisir entre la politique et la musique? La musique, sans hésiter. Je n’ai aucune envie d’être un politicien qui ne se nourrit que de sa vie politique. Et la musique, elle, pourra me nourrir toute ma vie.» ●

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